INTERVIEWA Angers, il veut « devenir le leader des médicaments à base de cannabis »

Angers : « Notre ambition est de devenir le leader des médicaments à base de cannabis », explique Franck Milone

INTERVIEWA 30 ans, Franck Milone aspire à devenir l'un des acteurs incontournables du cannabis à usage médical en France
L'entrepreneur Franck Milone croit dur au développement du cannabis à usage médical en France.
L'entrepreneur Franck Milone croit dur au développement du cannabis à usage médical en France. - LaFleur par DelleD  / .
Julie Urbach

Propos recueillis par Julie Urbach

L'essentiel

  • Franck Milone a implanté sa société LaFleur à Angers pour y développer une filière de culture et de production de médicaments à base de fleurs de cannabis.
  • Plusieurs projets de recherche sont actuellement en cours, alors qu'une première expérimentation française a été lancée il y a quelques mois.
  • L'entrepreneur, lui même atteint d'une sclérose en plaques, dit agir pour tous les patients qui, comme lui, se trouvent en impasse thérapeutique.

A 30 ans, malgré les nombreux obstacles qui pourraient se dresser sur sa route, Franck Milone croit dur comme fer au développement du cannabis à usage médical en France. L’entrepreneur, atteint d’une sclérose en plaques, aspire même à devenir l’un des acteurs incontournables de la filière en développant, dans les prochaines années à Angers, une filière de culture et de production de médicaments à base de fleurs de cannabis et de ses deux molécules, le THC et le CBD. Si la législation l’interdit aujourd’hui, Franck Milone pense que les lignes bougeront alors qu’une première expérimentation autour du cannabis médical, réservée à 3.000 patients, a été lancée en France cette année. Il explique son ambitieux projet à 20 Minutes.

Comment est né votre combat pour le développement du cannabis à usage thérapeutique ?

Il y a une dizaine d’années, à la découverte de ma sclérose en plaques, j’ai été moi-même confronté à la réalité du système, aux incompréhensions qu’il suscite. Les médecins m’ont prescrit des anxiolytiques et des somnifères, mais leur aide n’a rien de comparable avec ce que m’apporte le cannabis, que j’ai alors commencé à utiliser sur un plan médical. Sur la qualité de sommeil, la fatigabilité, la spasticité​ qui s’installe de manière chronique, c’est un vrai plus… A tel point qu’aujourd’hui, je suis dans l’obligation de m’automédiquer. Même si c’est long, je suis motivé à ce que les choses bougent. Notre ambition est de devenir un leader au niveau international sur la production de médicaments à base de cannabis, à destination des patients qui se trouvent en impasse thérapeutique aujourd’hui.

C’est un énorme pari, au regard des freins réglementaires qui existent. Comment comptez-vous vous y prendre ?

J’ai implanté l’an dernier LaFleur à Angers, un territoire à la pointe dans le domaine du végétal, pour y construire, à partir de l’an prochain, un site industriel agropharmaceutique, qui permettrait la création de 200 emplois directs. On ira de l’innovation agronomique à la fabrication de médicaments. Même si les délais d’autorisation sont extrêmement longs, on a déjà lancé des projets de recherche pour le développement de médicaments à partir de fleurs de cannabis que l’on importe. L’un d’entre eux, pour lequel on a eu des financements publics, consiste à juger du potentiel anticancéreux de certains actifs. Après la partie pré-clinique, nous devrions passer à des patients humains fin 2022. En même temps, on travaille sur des méthodes innovantes d’extraction des principes actifs des fleurs de cannabis, mais aussi sur l’optimisation de la culture. On vient de monter une chaire innovation avec l’école Agrocampus Ouest. D’ici à la fin de l’année, on doit finaliser notre levée de fonds, auprès d’investisseurs publics et privés, pour un projet global qui s’élève à plus d’une centaine de millions d’euros.

Que se passera-t-il si les choses n’évoluent pas dans le sens que vous attendez ?

Quand on commence à travailler sur la thématique, avec mon entreprise Delled créée en 2014, on est conscient des freins. Mais il fallait apporter ce qu’il manquait jusqu’ici, à savoir la volonté et l’investissement pour innover sur cette thématique-là. En 2017, on me prenait pour un fou mais depuis, même si c’est lent, les choses avancent. L’expérimentation du cannabis médical lancée cette année en France montre qu’il y a de grosses attentes : entre les cancers, les maladies dégénératives, l’épilepsie, les situations palliatives… son utilisation pourrait concerner entre 200.000 et 1 million de personnes en France. Je crois que les scientifiques sont prêts et l’opinion publique aussi, même si l’amalgame entre le cannabis médical et son usage récréatif fait du tort. Ce sont deux sujets distincts : on peut très bien se voir prescrire des produits à base d’opiacés, ce n’est pas pour autant qu’on a légalisé l’héroïne !

Il y a aussi une confusion avec le développement des magasins de CBD…

Les patients vont aujourd’hui dans des boutiques de produits issus du cannabis, vendus par des personnes qui ne sont pas pharmaciens, pas formés à la prescription de produits de santé. On est encore loin d’un accès sécurisé au cannabis médical à travers le système de santé. Les médicaments que nous développerons se présenteront sous forme de gélules d’extraits de fleurs de cannabis, mais aussi de produits à usage topique, ou encore des cartouches sécurisées pour la vaporisation. Autant de solutions qui pourront avoir un effet rapide, ou au contraire une action plus lente, pendant plus longtemps, selon la situation du patient. La formation des professionnels de santé à la prescription et à l’usage du cannabis médical sera donc un élément déterminant.