INTERVIEW« Les bons chiffres du champagne en 2021, c’est la victoire du bien-vivre »

Conso : « Les bons chiffres du champagne en 2021, c’est la victoire du bien-vivre »

INTERVIEWLa filière du champagne se félicite des excellents chiffres de 2021, après une année 2020 perturbée par la crise sanitaire. Pour « 20 Minutes », Jean-Marie Barillère, président de l’Union des Maisons de Champagne, fait le point
2021 est une année record pour le champagne en termes de chiffre d'affaires.
2021 est une année record pour le champagne en termes de chiffre d'affaires.  - Pexels / Pixabay
Propos recueillis par Noémie Penot

Propos recueillis par Noémie Penot

L'essentiel

  • Le marché du champagne a été fortement impacté par la crise sanitaire en 2020.
  • Mais en 2021, les ventes ont explosé, un phénomène que n’avait pas anticipé la filière.
  • Pour 20 Minutes, Jean-Marie Barillère, président de l’Union des Maisons de Champagne, fait le bilan de « la meilleure année » que le secteur ait connu.

Le champagne ne s’est jamais aussi bien porté qu’en 2021. Car après de longs mois de fermeture des restaurants, bars, et boîtes de nuit en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, les Français ont décidé de se rattraper ensuite autour d’une coupe ou deux. Une remontée que la filière n’avait pas forcément anticipée.

Jean-Marie Barillère, le président de l’Union des Maisons de Champagne, revient pour 20 Minutes sur une année record en termes de chiffres d’affaires.

Fermeture des boîtes de nuit, bars et restaurants, limitation et/ou interdiction des rassemblements publics ou privés… La pandémie de Covid-19 a complètement chamboulé le marché du champagne en France en 2020. Quel a été son impact ?

L’arrêt de l’activité humaine a entraîné une chute de la demande de l’ordre de 20 % au niveau mondial. Cela a entraîné un arrêt brutal de la production, d’environ 50 %, d’avril à juin, pour repartir en fin d’année. Le deuxième confinement a eu un petit effet négatif, nous étions encore en deçà des chiffres de 2019. Cette année-là, nous en avions expédié environ 245 millions, pour un chiffre d’affaires global de 4,2 milliards d’euros. Et le troisième confinement n’a eu aucun effet négatif.

En 2021, la machine semble s’être relancée. Quel a été le comportement des consommateurs ?

Mois après mois, la demande a semblé de plus en plus forte. Notamment en termes de consommation à domicile, puisqu’il y a eu un troisième confinement dans bon nombre de pays début 2021, qui n’a eu absolument aucun impact, on l’a dit. Les effets devenaient même très positifs et nous avons cherché à comprendre pourquoi.

En fait, les consommateurs ont eu une appréciation de la vie différente du passé. C’est-à-dire se faire plaisir dans l’alimentation, dans la boisson… En bref : ils ont privilégié la convivialité et le retour à une vie sociale normale.

D’ailleurs, il semble que les nouvelles mises en garde contre l’arrivée du variant Omicron n’aient pas d’impact sur la demande. Les bons chiffres du champagne, c’est la victoire du bien-vivre.

Et les exportations à l’étranger, dans tout ça ?

Il s’agit de tendances, mais nous en avons noté une forte dans les pays anglo-saxons, comme l’Angleterre, les Etats-Unis, l’Australie, le Canada. De plus, les pays européens se comportent très bien. Nous avons en revanche constaté une demande moindre des pays asiatiques, notamment la Chine et le Japon, parce qu’ils ont beaucoup moins que nous cette culture de la réception à domicile, et bien plus celle de la réception à l’extérieur.

Le champagne se porte bien grâce à tous les pays qui possèdent cette culture de la réception à domicile.

Il est peut-être un peu tôt pour le dire, mais les consommateurs français se sont-ils dirigés vers les mêmes cuvées ? Ont-ils fait évoluer leur budget ? En bref : ont-ils changé leurs habitudes en 2021 ?

Seules des analyses qualitatives et quantitatives nous permettrons de le savoir. Par contre, nous avons déjà l’impression que les consommateurs ont voulu se faire plaisir et sont donc montés en gamme. Qu’il s’agisse de champagne ou de vin. D’ailleurs, nous évoquons le marché français, mais il ne faut pas oublier la consommation des touristes, qui étaient notamment là en octobre et novembre.

A combien estimez-vous le chiffre d’affaires de 2021, et comment le situez-vous par rapport aux autres années ?

Il sera record. Nous allons être au-dessus de 5 milliards et demi, pour un volume expédié aux alentours de 320 millions de bouteilles. C’est, en chiffre d’affaires, la meilleure année du champagne. Et en volumes, il s’agit de la 4e ou 5e meilleure année.

Le secteur connaît-il des pénuries, des tensions ? Comment cela se traduit-il dans la chaîne de production ?

Il ne connaît aucune pénurie mais des difficultés logistiques ou de production pour relancer la machine. Comme tous les autres secteurs de luxe industriel. Le stock champenois à date est d’1,2 milliard. Par rapport à des ventes de 300 millions, il y a de quoi faire ! Par contre, quand on travaille une bouteille de manière qualitative, il faut entre 6 mois et un an de préparation, notamment pour réaliser le remuage, le dégorgement, le dosage, et l’expédition. Quand la demande n’est pas anticipée, ce qui a été le cas cette année, c’est un phénomène normal.

Le 3 décembre, vous disiez que l’arrivée du variant Omicron allait « tempérer » votre optimisme. Les boîtes de nuit et les bars dansants ont déjà fermé. Quelles peuvent être les conséquences sur les ventes de champagne ?

Il est impossible de chiffrer, mais il va forcément y avoir un effet. Je me souviens de la tempête de 1999 et du passage à l’an 2000. Les gens ne se sont pas déplacés et ont consommé 20 millions de bouteilles en moins. Ce n’est pas rien, puisque cela représente plus d’un mois de consommation classique. Il est alors évident que quatre semaines de fermeture pour les boîtes de nuit impacteront la consommation. Même si ça ne sera pas autant de bouteilles en moins, et qu’elles sont déjà expédiées.

Vous préparez-vous à un éventuel nouvel arrêt de la restauration et de l’événementiel ?

Je n’y crois pas un instant et je reste optimiste. Nous pouvons faire des efforts sur quelques mois, mais demander aux Français d’arrêter de vivre aussi longtemps, cela ne va pas marcher. Les gens qui se sont fait vacciner ne comprendraient pas pourquoi ils ne pourraient pas aller au restaurant. Nous n’avons pas anticipé un éventuel arrêt de la restauration et de l’événementiel car nous n’y croyons pas et nous n’avons pas peur.