CAMPAGNEPourquoi les candidats à la présidentielle veulent-ils tant débattre ?

Présidentielle 2022 : Pourquoi les candidats veulent-ils tant débattre ?

CAMPAGNENotamment en raison des primaires, les échanges télévisés se multiplient dans cette pré-campagne
Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour lors d'un débat sur BFMTV.
Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour lors d'un débat sur BFMTV. - JEANNE ACCORSINI/SIPA  / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Depuis le début de campagne, de nombreux débats ont été organisés entre les candidats.
  • Ce rituel politique s’est multiplié ces dernières années, notamment en raison de l’organisation des primaires.
  • Ces moments télévisés permettent aux candidats de toucher un large public, et de convaincre les indécis.

«Je suis ravi que Madame Le Pen daigne débattre avec moi. Elle a dit mars, puis février. On le fera quand elle voudra. » Eric Zemmour s’est récemment montré tout sourire à l’idée d’affronter sa rivale du Rassemblement national à la télévision. Le candidat du parti Reconquête a déjà débattu avec Jean-Luc Mélenchon fin septembre, puis avec le ministre de l’Economie Bruno Le Maire jeudi dernier.

L’ancien polémiste de CNews n’est pas le seul à apprécier l’exercice. De nombreux échanges télévisés ont marqué la primaire des écologistes en septembre, puis le congrès des Républicains en novembre. Et après que Christiane Taubira a annoncé vendredi « envisager d’être candidate à l’élection présidentielle », Anne Hidalgo a proposé à l'ensemble des candidats de gauche... un débat télévisé. Mais pourquoi les candidats veulent-ils tant débattre en cette (pré) campagne présidentielle ?

Une accélération liée aux primaires

« Le débat est un rituel politique, mais le phénomène s’est vraiment accéléré ces dernières années avec l’apparition des primaires, qui ont institué une forme de pré-campagne. Ce phénomène s’est conjugué à l’apparition des chaînes d’information qui s’en sont fait l’écho », explique l’historien Jean Garrigues, auteur d’Elysée Circus : une histoire drôle et cruelle des présidentielles (Tallandier). Ces joutes oratoires ont pris de l’importance à l’heure de départager les candidats d’un même camp, aux programmes parfois très proches. A l’image de François Fillon lors de la primaire de la droite en 2016, Valérie Pécresse et Eric Ciotti se sont ainsi distingués lors des émissions télévisées organisées pour le congrès LR.

« Les débats permettent de montrer les divergences entre les candidats, mais ils sont aussi des révélateurs de personnalité, confie Robin Reda, député LR de l’Essonne et soutien de la vainqueure du congrès. Valérie Pécresse a pu montrer sa pugnacité, et sa détermination à appliquer son projet de rupture lors des débats, elle a marqué des points ».

Accepter un débat, c’est y voir un intérêt

Il y a quelques jours, lors d’une rencontre avec la presse à son QG, Eric Zemmour revenait sur son échange avec Bruno Le Maire, la veille, sur France 2. « J’étais content de ce débat. On est allés au cœur du sujet "Qu’est-ce qu’une nation ?" […] Le débat économique, technique, a aussi été utile pour montrer que je pouvais être président. Je ne pense pas avoir à rougir de cet échange », assurait l’ex-polémiste, souvent accusé de ne faire campagne que sur les sujets identitaires.

Accepter un débat, c’est y voir un intérêt. « Les motivations peuvent varier. Celle de Zemmour est évidente, passer du statut de polémiste à candidat à la présidentielle. Du côté de Marine Le Pen, il y a volonté de balayer les soupçons d’impréparation après son débat raté face à Macron en 2017 », indique Jean Garrigues. « Les débats jouent un rôle important pour les électeurs dont le choix n’est pas encore fixé. En 2017, Jean-Luc Mélenchon s’était démarqué à gauche par son éloquence, en imposant son style. »

De gros succès d’audience pour convaincre

Lors de la précédente présidentielle, les deux grandes joutes organisées avaient fait de jolies audiences. Le débat entre les cinq principaux candidats sur TF1 avait ainsi été suivi par près de 9,8 millions de téléspectateurs. Une aubaine pour les politiques, à quelques semaines du vote. « Il est difficile de penser qu’on va faire changer d’avis des électeurs de l’autre camp, les partisans d’un adversaire, souligne le député insoumis Eric Coquerel. Mais cela peut permettre de dynamiser nos soutiens ou convaincre les indécis. En 2017, les débats avaient beaucoup pesé, en installant la légitimité de Jean-Luc Mélenchon comme homme d’Etat. »

Après avoir débattu face à Eric Zemmour, le candidat LFI a proposé à Valérie Pécresse, mais aussi à Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat, pas encore candidat, participera-t-il aux futurs échanges télévisés ? Un cadre de LREM en sourit : « Je pense qu’il les fera tous. Il en a très envie. »