BODYBOARDEn Bretagne, Annaëlle « la monstrueuse » est devenue une vague mythique

Bretagne : La mystérieuse Annaëlle fait partie des vagues les plus dangereuses d’Europe

BODYBOARDSituée au large du Finistère, cette impressionnante masse d’eau est cachée derrière une île où les meilleurs bodyboarders d’Europe se sont réunis pendant deux jours
La fameuse vague Annaëlle déferle près d'une petite île située au large de Lampaul-Ploudalmézeau, dans le Finistère.
La fameuse vague Annaëlle déferle près d'une petite île située au large de Lampaul-Ploudalmézeau, dans le Finistère.  - E. Berthier / E. Berthier
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Au large du Finistère, une vague secrète est réputée pour sa dangerosité. Seuls les meilleurs bodyboarders osent s’y aventurer.
  • Baptisée Annaëlle, cette vague très rapide et très puissante fait partie des plus dangereuses d’Europe.
  • La semaine dernière, l’Annaëlle Challenge a départagé les meilleurs riders du moment dans des conditions dantesques.

Il faut ramer une petite vingtaine de minutes pour atteindre le caillou et apercevoir ses premières formes. C’est là qu’Annaëlle accepte enfin de dévoiler ses courbes généreuses sous les yeux des riders les plus téméraires. Cachée derrière une petite île située au large de Lampaul-Ploudalmézeau, dans le Finistère, Annaëlle est une vague aussi secrète que redoutable. Découverte il y a une vingtaine d’années par les meilleurs bodyboarders du secteur, elle est longtemps restée un mythe, connu d’une poignée de locaux. Quelques photos publiées dans la presse spécialisée avaient fait voyager la légende en dehors des contrées bretonnes, renforçant le mystère autour de cette vague réputée parmi les plus dangereuses d’Europe.

La semaine dernière, une petite vingtaine de pointures venues de toute l’Europe et des quatre coins de la Bretagne ont pourtant décidé de se mettre à l’eau pour tenter de dompter le monstre. L’appel émanait des organisateurs de L’Annaëlle Challenge, une compétition qui n’avait pas eu lieu depuis six ans. « Le premier jour, c’était énorme. Je n’avais jamais vu le spot comme ça. C’était trop gros, ça en devenait un peu flippant », raconte Pierre-Louis Costes. Le meilleur bodyboarder français du moment n’est pourtant pas un novice. Champion du monde de la discipline en 2011 et 2016, l’homme venu d’Hossegor a déjà surfé la plupart des vagues mythiques de la planète. « Annaëlle, c’est le spot le plus dangereux en France. Elle est capricieuse parce qu’elle est hyper rapide et très intense », poursuit le sportif, qui a remporté la compétition pour la deuxième fois.

Le champion de bodyboard français Pierre-Louis Costes a remporté l'Annaëlle Challenge organisé pour la première fois depuis six ans.
Le champion de bodyboard français Pierre-Louis Costes a remporté l'Annaëlle Challenge organisé pour la première fois depuis six ans.  - E. Berthier

La vague est tellement rapide et puissante que seuls les bodyboarders peuvent s’y aventurer quand elle grossit. En venant creuser les rochers sur lesquels elle se forme, Annaëlle se révèle presque impossible à prendre en surf. « Elle est monstrueuse. En surf, on n’a pas le temps de se lever. Le take-off (l’entrée dans la vague) est trop violent », explique Gwen Renambot, qui a créé l’Annaëlle Challenge en 2008. Cet enfant du pays a grandi avec la vague, qu’il pouvait apercevoir depuis la fenêtre de sa chambre.

«  « On la regardait aux jumelles. On la pensait insurfable. Sans doute parce qu’on n’avait pas encore le niveau ».  »

La petite communauté de la glisse locale avait pourtant appris qu’un gars du coin s’amusait parfois à la dompter quand la houle était trop petite sur le continent. Mais il n’en avait parlé à personne. Pendant quelques années, ils ne seront qu’une poignée à oser s’aventurer derrière l’îlot pour quelques sessions secrètes. Sans nom, Annaëlle le recevra du photographe local Ronan Gladu, à qui un magazine voulait acheter les clichés il y a plus de quinze ans.

La vague Annaëlle est réputée parmi les plus dangereuses d'Europe. Située à la pointe du Finistère, elle se forme sur une dalle de rochers qui en fait la spécialité des bodyboarders.
La vague Annaëlle est réputée parmi les plus dangereuses d'Europe. Située à la pointe du Finistère, elle se forme sur une dalle de rochers qui en fait la spécialité des bodyboarders.  - G. Cabon

Le « secret » de cette incroyable puissance réside dans l’environnement bien particulier sur laquelle la vague vient se former. « La première fois que je l’ai prise, elle devait faire un mètre. Mais quand je me suis mis à l’eau, j’avais l’impression qu’elle faisait le double ». Yann Salaün avait « 14 ou 15 ans » quand « les anciens du coin » l’ont emmené rider le mythe pour la première fois. « Ce n’est pas une vague normale. Quand elle arrive sur la dalle de rochers, elle aspire toute l’eau et elle double sa taille. Elle monte d’un coup, à pleine vitesse », explique le bodyboarder de Locmaria-Plouzané. Quinze ans après sa « première fois », Yann Salaün est toujours fasciné par le mythe local. « Comme elle est située au large, elle n’est pas freinée donc elle arrive à toute vitesse. Il faut avoir un gros niveau pour la surfer ». La semaine dernière, le Finistérien s’est classé deuxième de la compétition, derrière l’intouchable Pierre-Louis Costes.

La création de L’Annëlle Challenge a doucement fait connaître le spot, au point de devenir la seule étape française inscrite au calendrier de l’International Bodyboard Corporation (IBC). Pendant six ans, la compétition n’avait pas pu se tenir, faute d’autorisation nécessaire. « Nous avions l’accord de l’ancienne propriétaire de l’île. Depuis son décès, nous étions en discussions avec le conservatoire du littoral, qui avait un droit de préemption ». Les joies de l’administration française.

La vague Annaëlle est réputée parmi les plus dangereuses d'Europe. Située à la pointe du Finistère, elle se forme sur une dalle de rochers qui en fait la spécialité des bodyboarders.
La vague Annaëlle est réputée parmi les plus dangereuses d'Europe. Située à la pointe du Finistère, elle se forme sur une dalle de rochers qui en fait la spécialité des bodyboarders.  - G. Cabon

Dans cette zone classée Natura 2000, il est interdit de venir au printemps, période de nidification de plusieurs espèces d’oiseaux. Alors la compétition s’est adaptée, inscrivant ses dates « entre septembre et décembre ». Longtemps confidentiel, le challenge attire de plus en plus de pointures de la discipline, intriguées par la mystérieuse onde bretonne. « Elle est faite exprès pour le bodyboard. Annaëlle est une superbe promo pour notre sport », explique Pierre-Louis Costes. Dans son calendrier chargé, le champion du monde français avait à cœur de trouver une place pour « supporter cette communauté de passionnés ».

« Il faut un très gros niveau pour y aller »

La renommée d’Annaëlle aura aussi permis à toute une génération de bodyboarders bretons de progresser. Avec un tel terrain d’entraînement, les riders locaux ont pu se tester sur d’autres reefs célèbres, notamment aux Canaries. « Quand tu te frottes à une vague comme ça, tu es beaucoup plus tranquille quand tu vas sur des vagues plus classiques. Beaucoup de gars d’ici ont progressé avec Annaëlle », assure Gwen Renambot. Diffusée en live sur le Net pour la première fois, la compétition a connu un retentissement inédit. Faut-il craindre que le spot secret ne soit submergé ? « Il faut rappeler que c’est une des vagues les plus dangereuses du monde. Il faut un très gros niveau pour y aller », tempère Yann Salaün, comme pour mettre en garde les prétendants. Une bête sauvage ne se dompte pas en un jour.

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