Noël : On a percé le mystère des Mon Chéri et on sait (enfin) pourquoi certains les aiment

INDIGESTION SOUS LE SAPIN (5/6) « 20 Minutes » vous accompagne durant les fêtes de fin d’année. Au programme aujourd'hui, les personnes pas vraiment comme les autres qui assument aimer les Mon Chéri

Jean-Loup Delmas
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Quatre millions (!!!) de personnes en France consomment des Mon Chéri chaque année. Qui sont ces gens ?
Quatre millions (!!!) de personnes en France consomment des Mon Chéri chaque année. Qui sont ces gens ? — Montage - Ferrero Rocher & Meme
  • La rédaction de 20 Minutes, particulièrement le « club des 4 » à votre service, vous accompagne durant les fêtes de fin d’année. Parce que cette période peut être compliquée, on a choisi de ne pas vous laisser tomber et de vous montrer qu’à nous aussi Noël fout parfois… les boules.
  • Dans ce cinquième épisode de notre série « Noël version indigestion », on s’attaque à une créature plus mystérieuse et plus rarement observée que Big foot, le Yéti ou le monstre du Loch Ness : le consommateur de Mon Chéri.
  • Rencontre avec cette « autre France » qui aime les Mon Chéri, l’amertume, la liqueur de cerise, mais aussi la vie et Noël. Car oui, ces gens ont un coeur.

Pour les amateurs de bon goût (comme nous), les Mon Chéri sont un peu aux confiseries de  Noël ce que George Harrison était aux Beatles, Sansa à la famille Stark de  Game of Thrones, les Poufsouffles à Harry Potter ou Benjamin Pavard à l’équipe de France : clairement le membre de trop, le petit boulet franchement pas ouf qu’on accepte de se coltiner parce que les autres brillent suffisamment pour compenser ses défauts. On pensait que cet avis faisait l’unanimité, mais à force de voir ces douceurs à la cerise squatter les rayons de  nos supermarchés à Noël, il a fallu se rendre à l’évidence : il existe des êtres humains qui  consomment des Mon Chéri et qui sont même prêts à payer pour ça.

Ferrero nous confirme cette impression avec quelques chiffres qui sentent bon le succès : Mon Chéri représente en France quatre millions d’acheteurs, soit 14 % des foyers du pays, et pèse pour 50 millions d’euros chiffre d’affaires annuel. A titre de comparaison, le bulldozer de fin d’année, les Ferrero Rocher, font 140 millions de chiffre d’affaires annuel, soit un peu moins de trois fois plus « seulement ». Puisque c’est Noël, une période propice au pardon et la compréhension de son prochain, nous sommes partis à la rencontre de cette engeance. Après tout, qui sommes-nous pour juger, nous grands amateurs de flocons d’avoine, de chocolat noir à 90 %, de réglisse et des Haribo car-en-sac (en vrai, c’est vachement bon, on maintient) ?

« Je préfère les Mon Chéri aux Ferrero Rocher »

On veut bien tenter d’être compréhensif au nom du petit Jésus et de la tolérance, mais Marie, mère au foyer de 27 ans, verse directement dans la provocation en déclarant « préférer les Mon Chéri aux Ferrero Rocher ». La neutralité journalistique nous a rarement été aussi indispensable. Le reste de ses goûts alimentaires semblent pourtant plutôt normaux, puisqu’elle n’aime pas les choux, les huîtres et les asperges et qu’elle apprécie comme tout un chacun la pizza, le melon et le fromage.

Valérie, banquière de 59 ans, a aimé les Mon Chéri dès sa première bouchée, à 20 piges. Elle apprécie particulièrement « l’alliance du chocolat avec l’alcool de cerise », même si elle reconnaît une opinion impopulaire, puisque son entourage fait « des grimaces » quand elle avoue ce plaisir coupable. Notez néanmoins que les prénoms n’ont même pas été modifiés comme c’est parfois le cas dans les papiers contenant des témoignages gênants ou intimes. Preuve que chacun assume parfaitement !

Notre palais est-il le vrai problème ?

Valérie a pris sa première bouchée de Mon Chéri à l’âge adulte et cela nous met sur une piste. Et si nous n’aimions pas les Mon Chéri parce que nous les avions goûtés trop tôt, à un âge où notre palais n’était pas assez mûr pour aimer la liqueur ? Une théorie que défend Stéphanie de Ribou, directrice clientèle chez TRND, communauté de marketing collaboratif qui permet aux marques de faire tester leurs produits pour avoir des retours et mieux connaître leur cœur de cible. Dans un article à ce sujet pour Les Echos, la directrice explique : « Le constat est qu’aujourd’hui des consommateurs de notre cible – 50 ans et plus - ont peur de goûter à nouveau les Mon Chéri, du fait de l’alcool présent à l’intérieur. Comme quand on boit du vin ou du café pour la première fois sans en apprécier les saveurs. »

Pourquoi pas ? Nous sommes donc partis acheter des Mon Chéri au supermarché le plus proche prêt à leur donner une seconde chance – on est bien resté ami avec notre ex après tout –, et les faire goûter aux quadras, aux palais plus mûrs, forgés par des litrons de cafés et l’école de la vie. Cela nous épargne en plus le malaise d’être un inconnu qui propose des bonbons à des mineurs, ce qui est toujours ça de moins à gérer en cette fin d’année.

Des avis mi-figue mi-dédain

Malgré le fait qu’on ait enchaîné plus de vents qu’au collège, sept personnes ont accepté de goûter nos Mon Chéri gratuits. Le résultat est partagé : seulement trois ont dit aimer. David, 42 ans, trouve ça « étrangement bon, loin des souvenirs d’enfant », tandis que Théophile, 63 piges, reconnaît « un alliage intéressant et moins purement sucré que la plupart des confiseries classiques ». Les deux soutiennent qu’ils gardaient un mauvais souvenir du produit, preuve que la théorie de Stéphanie de Ribou fonctionne. Quant à Jacques, 71 ans, on a plutôt prêché un convaincu : il aimait déjà ça depuis de nombreux Noël, et en a juste profité pour nous extorquer un Mon Chéri gratis.

Pour Alexandre, Thibaut, Stéphanie et Nicole, le constat est moins glorieux : ce n’est vraiment pas bon. Cette expérience – aux multiples biais, n’y voyez rien de scientifique ou d’exploitable – se termine donc avec 57 % des testeurs n’aimant toujours pas les Mon Chéri, même 62 % si on s’y ajoute. Eh oui, l’âme aventurière et le cœur toujours ouvert aux expériences, nous avons nous-même testé la confiserie si clivante. En vrai, ce n’est pas si mal ce petit goût d… Non, on ne va pas se mentir, on n’aime toujours pas : le Mon Chéri synthétise tout notre écœurement pour 2021 en 42 petites calories (pour sa défense, c’est peu pour un chocolat).

Sociologie du mangeur de Mon Chéri

Mais il est vrai que nous venons seulement de souffler nos 30 bougies et, aussi amère soit parfois la vie d’adulte, nous avons gardé cet amour innocent pour le sucre pur croqué avec nos dents de lait. Soyons modeste, peut-être sommes-nous trop jeune pour comprendre toute la subtilité du Mon Chéri ? « 80 % des acheteurs de Mon Chéri ont plus de 50 ans et 70 % des consommateurs ont plus de 65 ans », abonde Camille Chipot, directrice marketing chocolat premium de Ferrero France. Et d’ajouter : « C’est un chocolat beaucoup moins universel et consensuel que le Ferrero Rocher. On l'offre quand on connaît bien la personne et ses goûts. C’est un cadeau bien plus personnel que les Ferrero Rocher. 50 % des acheteurs se l’offrent d’ailleurs entre eux, our le couple. »

Si nous avons enfin percé le secret des douceurs à la liqueur, il nous reste encore trente-cinq ans à tenir (au minimum) avant d’être enfin ostracisé par nos proches, moqué par l’opinion populaire et tout simplement incompris. Trente-cinq ans avant d’enfin faire partie des adorateurs de Mon Chéri. Encore un peu de patience.