DRAMEDix ans après la tuerie d’Utoya, Anders Breivik demande sa libération

Tuerie d’Utoya : le terroriste Anders Breivik demande sa libération, dix ans après le massacre

DRAMELe 22 juillet 2011, Anders Breivik avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, faisant huit victimes, puis tué 69 autres personnes sur l’île d’Utøya
Anders Breivik, l'auteur des attentats d'Oslo et d'Utoya lors de son procès en appel en 2017.
Anders Breivik, l'auteur des attentats d'Oslo et d'Utoya lors de son procès en appel en 2017. - Lise Aaserud/AP/SIPA / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Salut hitlérien, propagande… Dix ans seulement après avoir tué 77 personnes en Norvège, le terroriste de droite norvégien, Anders Behring Breivik, a multiplié les coups d’éclat, ce mardi au premier jour d’une procédure de demande de remise en liberté.

Si l’issue de la procédure, délocalisée pour raisons de sécurité dans le gymnase de la prison de Skien (sud) où il est incarcéré, semble jouée d’avance, survivants et proches des victimes redoutaient qu’Anders Breivik en fasse une tribune idéologique.

« Candidat au Parlement pour le mouvement nazi »

A 42 ans, Breivik a conforté leurs craintes : crâne rasé et bouc soigné, il a fait son entrée avec un écriteau « Cessez votre génocide contre nos nations blanches » en anglais sur sa mallette et son costume sombre, a adressé aux journalistes des propos politiques puis a fait un salut nazi à l’arrivée des trois juges. Aux magistrats, il s’est présenté comme « candidat au Parlement pour le mouvement nazi ». Rescapés et familles des victimes ont vivement réagi à l’attention qui lui est accordée, la procédure de trois jours étant intégralement retransmise avec un léger différé par certains médias.

« Ce n’est pas parce que c’est "scandaleux" ou "douloureux" que j’estime que Breivik ne devrait pas être diffusé à la télé », a tweeté Elin L’Estrange, qui avait survécu aux attaques. « C’est parce qu’il est un symbole de l’extrême droite qui a déjà inspiré plusieurs autres tueries de masse ». Le 22 juillet 2011, Breivik avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, faisant huit victimes, puis tué 69 autres personnes, des adolescents pour la plupart, en ouvrant le feu sur un camp d’été de la Jeunesse travailliste sur l’île d’Utøya. En 2012, il avait été condamné à 21 ans de prison avec possibilité d’extension, assortis d’une peine minimale de dix ans – le maximum à l’époque. « Comme dans tout autre Etat de droit, un condamné a le droit de demander sa libération conditionnelle et Breivik a décidé de faire usage de ce droit », a déclaré son avocat, Øystein Storrvik.

Test pour l’Etat de droit

Dans un pays qui n’avait pas connu de crime aussi violent depuis la Seconde Guerre mondiale, la demande de libération conditionnelle n’a, de l’avis général, aucune chance d’aboutir. Mais elle est considérée comme un test que l’Etat de droit – que Breivik avait tenté de détruire – doit surmonter en traitant l’extrémiste comme tout autre justiciable. « C’est une épreuve pour nous tous qu’une personne qui a tué des enfants, a traqué des gens qui fuyaient afin de les tuer et qui a tiré sur des gens qui plaidaient pour leur vie, bénéficie aussi des aspects libéraux de la justice », écrivait mardi le journal populaire Verdens Gang dans un éditorial.


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« Il doit avoir les droits qu’un Etat de droit lui donne. Pas pour son bien, mais pour le nôtre. Aucun terroriste ne doit pouvoir changer notre modèle de gouvernance et les droits juridiques qui valent pour tous les citoyens norvégiens », soulignait-il. En 2016, Breivik, qui dispose en prison de trois cellules, d’une télévision avec lecteur DVD et console de jeux et d’une machine à écrire, avait réussi à faire condamner l’Etat pour traitement « inhumain » et « dégradant » en raison de son maintien à l’écart des autres détenus. Le jugement avait été cassé en appel.

Détournement de justice ?

Dans les prétoires ou des courriers, Anders Breivik a dans le passé dit renoncer à la violence, se comparant même à Nelson Mandela, mais il n’a jamais exprimé de remords crédibles. « Il n’a d’aucune façon pris ses distances avec la tuerie de masse qu’il a commis et qu’il juge totalement légitime », a fait valoir Tore Bjørgo, directeur du Centre de recherche sur l’extrémisme de droite (C-REX) de l’université d’Oslo. La matinée a été consacrée à la lecture du jugement de 2012, avec la longue lecture des noms des victimes et des circonstances de leur mort, et à des considérations juridiques.

Impassible comme à l’accoutumée, Breivik a été rappelé à l’ordre par le juge Dag Bjørvik quand, en pleine audience, il a de nouveau brandi son écriteau. En amont, le groupe de soutien aux familles des victimes avait dit « encourager à placer aussi peu d’attention que possible au terroriste et à son message ». « Je trouve que c’est plutôt absurde qu’il soit autorisé à recevoir tant d’attention en demandant sa libération après seulement dix ans », a déclaré la présidente de l’association, Lisbeth Kristine Røyneland, vendredi à la radio NRK. Breivik a inspiré d’autres attentats, dont celui de Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019, et projets d’attentats à travers le monde.