ETANGSLe crabe bleu en pince pour les lagunes et c’est une cata pour l’écosystème

Méditerranée : Le crabe bleu en pince pour les lagunes et c’est une cata pour l’écosystème

ETANGSCette espèce, qui pose notamment de gros problèmes aux pêcheurs, a envahi les étangs du pourtour méditerranéen à vitesse grand V ces dernières années
Le crabe bleu est une espèce originaire des côtes atlantiques américaines.
Le crabe bleu est une espèce originaire des côtes atlantiques américaines. - Rebecca Blackwell/AP/SIPA / SIPA
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Le crabe bleu a envahi les lagunes méditerranéennes ces dernières années.
  • Cette espèce, particulièrement agressive, pose de gros problèmes pour l’écosystème.
  • Des projets sont menés pour tenter de maîtriser cette espèce.

Ce crabe bleu, c’est loin d’être un rêve. Cette espèce, particulièrement agressive, a envahi à vitesse grand V les lagunes de l’arc méditerranéen. Originaire des côtes atlantiques américaines, ce crabe, importé, selon l’hypothèse la plus probable, par les eaux de ballast des navires, se la coule douce dans les étangs de l’ouest du golfe du Lion. Particulièrement la lagune de Canet-en-Roussillon, dans les Pyrénées-Orientales, que l’espèce, capable de faire 15 km à la nage par jour, a colonisée en remontant d'Espagne. C’est là qu’elle est la plus présente, côté français.

Mais elle en pince aussi pour les étangs de Leucate et de La Palme, dans l’Aude, et de Thau, dans l'Hérault. Et s’attaque à la Corse. En 2019 et en 2020, plusieurs tonnes de cette espèce, à la fécondité exceptionnelle, ont été collectées à Canet-en-Roussillon. En 2021, les prises dépassaient les 10 t, selon Pascal Romans, responsable du service d’aquariologie à l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer.

Il a déséquilibré « toute la chaîne alimentaire », à Canet-en-Roussillon

Le problème, c’est que ce crabe, qui peut atteindre jusqu’à 23 cm de largeur, provoque des dégâts importants, dans ces écosystèmes déjà particulièrement fragiles. D’abord, il dévore (presque) tout ce qu’il trouve sur son passage. « Le crabe bleu a un régime alimentaire extrêmement diversifié, et a déséquilibré toute la chaîne alimentaire », explique Pascal Romans. Les crabes verts, les petits poissons, les anguilles… Il en fait son déjeuner. « Et on constate que certains oiseaux commencent à partir, parce que, vraisemblablement, leur nourriture n’est plus disponible », reprend le chercheur.

Ce crabe vorace, aux pinces bleutées, est aussi un cauchemar pour les pêcheurs. « Il a des pinces extrêmement coupantes, note Pascal Romans. Les filets classiques, il en fait des miettes. Et les filets un peu plus adaptés, il arrive quand même à les abîmer. » Et le poisson, le peu qu’il reste, s’échappe. Jean-Claude Pons, l’un des derniers pêcheurs d’anguilles sur l’étang de Canet, remontait, avec ses filets, des crabes bleus par kilos, en fin d’année dernière. « Au mois de décembre, le dernier filet que j’ai levé, il y en avait peut-être 30 kg, confie le pêcheur. On ne sait plus quoi faire. »

Un problème, aussi, pour les baigneurs ?

La crainte, c’est que ce super-vilain déstabilise, aussi, l’économie de la conchyliculture, s’il se développe sur les étangs de Leucate ou de Thau. Car les huîtres et les moules, les crabes bleus adorent ça, aussi. « Les moules, ils les cassent et les mangent sans aucun souci, reprend Pascal Romans. Quant aux huîtres, on sait que jusqu’à la moitié d’une taille adulte, ils arrivent à les ouvrir. » Une étude a été lancée, portée par l’Etat et la région Occitanie, pour tenter de limiter leur prolifération et de soutenir les pêcheurs.

Mais au-delà, le crabe bleu pourrait, aussi, être un problème pour les baigneurs. Car ses pinces peuvent engendrer de graves blessures. « Si vous l’agressez, il ne va pas fuir. Il est extrêmement vif, pointe Pascal Romans. Et surtout, ses pinces sont tellement longues, que si vous le prenez par l’arrière, il parviendra à vous attraper. Il peut casser un doigt. On dit toujours aux gens de faire très attention, car c’est direct à l’hôpital. » Et s’il ne raffole pas autant de la mer qu’il aime les lagunes, il lui arrive de s’y aventurer. Patrick Valdivia, moniteur et guide de pêche à Canet-en-Roussillon, craint que cela pose « quelques soucis, pour les baigneurs », note-t-il. « Peut-être même dès cet été. »

Le crabe bleu a toutefois un talon d’Achille : sa chair, comestible, et même vraisemblablement délicieuse. Dans certains pays, notamment sur les côtes atlantiques américaines ou en Espagne et en Tunisie, il est largement exploité par la pêche. Et l’Asie en raffole. Mais pour l’instant, pas en France. Toutefois, des expérimentations sont en cours, car cela pourrait être un moyen de juguler cette espèce envahissante.

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