FOOTBALLL’Algérie peut-elle être éliminée de la CAN à cause du « mauvais œil » ?

CAN 2022: L’Algérie peut-elle être éliminée à cause du « mauvais œil » ? Un fantasme de plus autour du foot africain

FOOTBALLLes Fennecs jouent leur survie dans la Coupe d'Afrique des Nations au Cameroun ce jeudi face à la Côte d’Ivoire
Malgré de très nombreuses occasions, l'Algérie de Riyad Mahrez (au centre) s'est inclinée face à la Guinée Equatoriale (0-1), dimanche à Douala.
Malgré de très nombreuses occasions, l'Algérie de Riyad Mahrez (au centre) s'est inclinée face à la Guinée Equatoriale (0-1), dimanche à Douala. - Charly Triballeau / AFP / AFP
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Avant un match décisif ce jeudi contre la Côte d’Ivoire, la Fédération algérienne a dû démentir avoir eu recours à un exorciste pour chasser le mauvais sort qui frapperait les Fennecs depuis le début de la CAN.
  • Anciens sélectionneurs de plusieurs pays africains, Alain Giresse et Robert Nouzaret évoquent des souvenirs où sport et surnaturel ont pu se mêler.
  • Loin des raccourcis parfois condescendants, ce type d’histoires se retrouve toutefois aussi dans le foot français.

Alors que l’Algérie doit à tout prix battre la Côte d’Ivoire ce jeudi pour voir les huitièmes de finale de la CAN au Cameroun, une curieuse histoire a parasité la préparation des champions d’Afrique en titre. La Fédération algérienne (FAF) a dû dégainer un démenti mardi face aux rumeurs selon lesquelles elle avait fait appel à un exorciste pour vaincre le « mauvais sort ». Celui-là même qui aurait empêché les Fennecs de marquer face à la Sierra Leone (0-0) puis à la Guinée équatoriale (0-1), malgré de très nombreuses occasions face à des adversaires intrinsèquement inférieurs.

« Certains dans le milieu algéro-algérien ont trouvé ça un peu ridicule, confie un journaliste qui suit de près la sélection entraînée par Djamel Belmadi. Faire un communiqué pour ça, était-ce vraiment nécessaire ? Mais la FAF a préféré réagir tout de suite. Car plus la rumeur enfle, plus certaines personnes vont y croire. »

Dans la foulée de la défaite face aux Equato-Guinéens, la première après 35 matchs sans revers, le « raki » (sorcier) algérien Ibn Chanfara avait proposé en effet d’être dépêché en urgence au Cameroun pour lutter contre ce qu’il qualifie de « mauvais œil », avant de recevoir, donc, une fin de non-recevoir de la Fédération.

Vu d’Europe, cet événement a fait ressurgir le fantasme d’un football africain livré aux forces occultes, avec son cortège de pratiques magiques, entre recours aux grigris et aux sacrifices de poulets. D’autant que, côté algérien, l’ancien sélectionneur Rabah Saâdane a récemment convoqué le souvenir d’un rendez-vous très tendu en Egypte, lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2010.

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Confronté à une cascade de blessures, l’ex-entraîneur s’était vu imposer le « raki » Belahmar par le président d’alors de la FAF, selon des propos rapportés par le média algérien TSA. « Son arrivée nous a mis dans un état de tension. Je l’ai expulsé du stage de l’équipe et je lui ai demandé de ne pas s’approcher des joueurs », explique aujourd’hui Saâdane. Si l’Algérie avait perdu ce match, c’est bien elle qui avait fini par se qualifier pour le Mondial sud-africain, aux dépens des Pharaons.

Une histoire de couleurs de maillots lors d’un Gabon-Togo

« Ce genre de pratiques existe, mais davantage en Afrique subsaharienne, estime Alain Giresse, tour à tour sélectionneur du Gabon, du Mali (deux fois), du Sénégal et de la Tunisie, entre 2006 et 2019. Au Maghreb, je n’avais jamais entendu parler de ça. Le sujet n’a même pas été effleuré, lorsque j’officiais en Tunisie. »

En treize ans d’expérience, l’ancien membre du carré magique des Bleus dans les années 1980 indique n’avoir directement été concerné qu’à une seule reprise.

«  « Lorsque j’entraînais le Gabon, avant un match face au Togo, un marabout avait dit qu’il fallait changer les couleurs de l’équipe car les couleurs gagnantes n’étaient pas celles que l’on portait. On jouait en jaune et il fallait selon lui que l’on évolue en vert. Le staff et les joueurs n’étions pas d’accord. On a gardé nos couleurs. Le plus cocasse, c’est que l’équipe adverse portait un maillot vert, et qu’on s’est imposé 3-0. Ensuite, ça ne m’est plus jamais arrivé. Cela n’a jamais modifié ou perturbé la préparation d’une équipe. Peut-être que ça se faisait dehors, avant ou après, mais pas en interne. »  »

Autre grand habitué des sélections africaines (Côte d’Ivoire à deux reprises, Guinée et RDC), Robert Nouzaret n’évoque également qu’un seul souvenir : « Avant je ne sais plus quel match, à la demande des gens de la fédération ivoirienne, j’étais allé jeter de l’eau dans une rivière pas loin de chez moi, explique celui qui a aussi brièvement entraîné le Mouloudia d’Alger en 2005. Je l’ai fait pour ne pas les décevoir. Les sorciers sont malins, ils veulent se faire de l’argent. Et comme certaines personnes y croient, cela donne une confiance supplémentaire. »

Des marabouts burkinabés à Blida

Avant la CAN, d’autres histoires ont été relayées par des médias africains, comme celle d’un « charlatan » camerounais qui aurait menacé de « punition sévère » allant « jusqu’à la mort » trois stars, l’Algérien Riyad Mahrez, l’Egyptien Mohamed Salah et le Sénégalais Sadio Mané, si elles empêchaient les Lions Indomptables de remporter « leur » tournoi.

Dans un autre genre, en novembre dernier, des dirigeants algériens avaient accusé le Burkina Faso d’être venu à Blida avec deux marabouts qui auraient eu recours à différentes pratiques magiques avant un match décisif pour l’accession aux barrages du Mondial 2022, finalement décrochés par les Fennecs après un nul (2-2).

Dessous féminins à Montpellier, poulet sacrifié à Bordeaux

Si elles existent bel et bien, ces histoires de sorcellerie ne concernent qu’à la marge le foot africain. Et elles ne se limitent pas à ce continent. Ainsi, Nouzaret et Giresse ont autant d’anecdotes du même type à raconter sur la France. « A Montpellier, il y a un gars qui avait réussi à faire croire à Loulou Nicollin que les épouses des dirigeants et des joueurs devaient mettre des dessous d’une certaine couleur pour gagner, s’amuse le premier, intimement lié au club héraultais. On a rigolé. Mais elles l’avaient fait ! »

Le prix de la plus belle histoire revient toutefois à l’ancien compère de Platini en Bleu. « C’était en 1984 à Bordeaux, et on n’arrivait plus à gagner. Je ne sais pas qui a pris l’initiative, mais un poulet a été égorgé sur le terrain et nous, les joueurs, sommes rentrés sur la pelouse contre Saint-Etienne avec une poignée de sel dans les mains, dont il fallait se débarrasser en sept fois. » Résultat ? « On a gagné 7-0. » Quelques semaines après ce 31 mars marquant, les Girondins finissaient la saison champions de France, à égalité de points avec Monaco mais au bénéfice d’une meilleure différence de buts…

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