JAPONLes rejets de Fukushima, une goutte d'eau radioactive dans l'océan ?

Fukushima : Les rejets de la centrale nucléaire dévastée, une goutte d'eau radioactive dans l'océan ?

JAPONL'Agence internationale de l'énergie atomique a entamé ce lundi sa mission de surveillance du projet controversé de rejet dans l'océan des eaux traitées de la centrale nucléaire
Photo aérienne de la centrale nucléaire de Fukushima exploitée par TEPCO, le 12 février 2022.
Photo aérienne de la centrale nucléaire de Fukushima exploitée par TEPCO, le 12 février 2022. - Toshikazu Sato/AP/SIPA / SIPA
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Le 11 mars 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami frappent la centrale nucléaire de Fukushima, entraînant la fusion des cœurs de trois réacteurs.
  • Depuis plus de dix ans, le gouvernement nippon travaille à réhabiliter la zone entourant la centrale et plus d’un million de mètres cubes d’eau contaminée sont à présent stockés sur place.
  • Tokyo a décidé de rejeter cette eau contaminée, après filtrage, dans l’océan malgré les inquiétudes de l’opinion publique. Lundi, l'Agence internationale de l'énergie atomique a entamé sa mission de surveillance du projet controversé.

Ce lundi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) débute une mission de surveillance de cinq jours du projet de rejet des eaux radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima. Pour le Japon, « prendre une décision était urgent », souligne Jean-Christophe Gariel, directeur général adjoint à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Plus de dix ans après la catastrophe, 1,2 million de mètres cubes d’eau contaminée, issue du refroidissement, des nappes phréatiques et des pluies, est rassemblé sur le site de la centrale nucléaire. Or, la capacité maximale de stockage est de « 1,3 million de mètres cubes », précise notre expert chargé de l’environnement et de la santé à l’IRSN.

Malgré l’urgence, le rejet de ces eaux contaminées continue de provoquer inquiétudes et réticences. C’est pourquoi Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire accidentée, et le gouvernement japonais espèrent que la surveillance du processus par l’AIEA renforcera la confiance. Cette mission de cinq jours – qui doit se conclure vendredi par une conférence de presse - leur offrira une forme de « caution » en vérifiant les processus de contrôle de la teneur en tritium, les points de contrôle dans l’environnement ou encore les méthodes envisagées pour le rejet.

Entre radionucléides et tritium

Après le tsunami qui a dévasté la centrale nucléaire de Fukushima en 2011, Tokyo a mis en place une myriade de procédures de décontamination et de gestion du site. Les cœurs réacteurs en fusion sont encore chaque jour refroidis par environ 200 mètres cubes d’eau. Une eau qui se gorge d’éléments radioactifs au cours de sa mission. Alors, depuis des années, Tokyo filtre ces eaux qui ont été contaminées après être entrées en contact avec les réacteurs ou des éléments fondus de ces derniers. « Un dispositif leur permet de filtrer l’ensemble des radionucléides qui sont contenus dans les eaux à l’exception du tritium », explique Jean-Christophe Gariel.

Le tritium est un isotope de l’hydrogène, un atome dont la composition est proche de l’hydrogène. Dans l’eau, il remplace donc facilement l’hydrogène et les scientifiques ne savent pas l’isoler. « Filtrer de l’eau, ça donne toujours de l’eau », image le DGA de l’IRSN. S’il fait partie intégrante des éléments radioactifs, ce « n’est pas le plus dangereux ».

D’autant que sa radioactivité diminue de moitié tous les douze ans, un ratio plutôt rapide en comparaison d’autres éléments radioactifs. Mieux encore, comme l’a répété l’Agence internationale de l’énergie atomique, le projet de rejeter ces eaux filtrées dans l’océan est similaire à l’élimination d’eaux usées d’une centrale nucléaire active. « Les rejets prévus seront équivalents à ceux qui auraient eu cours si la centrale était encore en fonctionnement », confirme Jean-Christophe Gariel.

Pas d’inquiétude sur la santé ou l’environnement

Par ailleurs, afin d’éviter que ce tritium ne revienne se déposer sur les côtes et encourager une forte dilution, le gouvernement japonais a prévu la construction d’un tunnel sous-marin d’un kilomètre de long. L’eau contaminée ira ainsi se diluer progressivement dans l’océan Pacifique à partir de mars 2023 pour atteindre rapidement les mêmes niveaux d’efficacité que l’homéopathie. Ce déversement, qui se fera sur des années, ne présente « pas de problème sanitaire, ni pour l’Homme, ni pour l’environnement », répète le membre de l’IRSN.

D’autres solutions avaient été envisagées comme l’enfouissement de l’eau contaminée dans des blocs de béton, son évaporation ou son injection dans les sous-sols. Dans chacun des scenarii, la même quantité de tritium aurait été rejetée dans l’environnement mais la dilution dans l’eau a été préférée car elle est déjà utilisée partout dans le monde et les « retombées sont plus faciles à appréhender ».

Le Pokémon radioactif

Dans l’espoir de calmer les esprits, le gouvernement japonais a développé des trésors d’imagination et mis sur pied une communication pédagogique, rassurante et… parfois maladroite. En 2021, quand l’exécutif a annoncé son intention de rejeter les eaux de Fukushima dans l’océan, il a couplé l’annonce à une campagne de communication dans laquelle le tritium était représenté par une mascotte aux airs de Pokémon. La mascotte « kawaï » a dû être retirée après seulement quelques jours d’existence et une vague d’indignation sur les réseaux sociaux.

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Les inquiétudes restent fortes et certaines organisations, à l'instar de Greenpeace, s'opposent à ce rejet. Des pêcheurs japonais craignent par ailleurs que l’eau contaminée ne ruine des années de travail pour rétablir la confiance dans leurs produits, alors qu’à l’international aussi la décision a provoqué de nombreuses réactions, notamment des voisins directs de l’archipel nippon.


Notre dossier sur Fukushima

Car si, concrètement, les rejets du gouvernement nippon sont les mêmes que pour toute centrale en fonctionnement, conceptuellement, ils restent la conséquence d’un accident nucléaire.

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