PORTRAITS DE FAMILLESJeune maman solo, la vie d’Hélène entre galères, tribunaux et découverts

Présidentielle 2022 : De « bulle » à « combat de tous les instants », la vie d’Hélène, jeune maman solo, a basculé

PORTRAITS DE FAMILLESAvant l’élection, « 20 Minutes » vous fait partager les attentes des familles d’aujourd’hui. Hélène, 30 ans, seule et « isolée » avec un enfant de 4 ans, nous ouvre la porte de son appartement et de son quotidien, loin, très loin, des préoccupations électorales
Hélène, 30 ans, et son fils Edan, 4 ans, dans leur appartement de Pertuis (84)
Hélène, 30 ans, et son fils Edan, 4 ans, dans leur appartement de Pertuis (84) - Alexandre Vella / 20 Minutes / 20 Minutes
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Avant l’élection présidentielle, 20 Minutes a rencontré des familles qui composent la société française d’aujourd’hui. Elles évoquent ce qui a changé au cours de ce mandat, leurs attentes et leur vision du monde politique actuel.
  • Infirmière de métier, Hélène est seule et isolée depuis deux ans. Elle fait partie des 2 millions de familles monoparentales françaises.
  • Après les soucis médicaux de son ancien conjoint, elle s’est retrouvée débordée du jour au lendemain, sans personne pour l’aider.
  • Hélène a une confiance très limitée en la politique, n’a jamais voté de sa vie, mais essaye, cette année « d’aborder les choses différemment ».

«Jusqu’ici tout roulait pour moi. J’étais dans ma bulle ». Mais depuis sa séparation il y a bientôt deux ans, la vie d’Hélène, 30 ans, est devenue « un combat de tous les instants », résume-t-elle assise à la table à manger du salon. Son fils de 4 ans, Edan joue à côté en cette fin de journée, une bille plate dans une main, une rame de train miniature à l’allure futuriste dans l’autre.

Le futur, Hélène a actuellement bien du mal à trouver un moment pour y songer. « La gestion du temps ? Abominable ». Surtout depuis que le papa a connu des problèmes de santé, conduisant à son absence totale et à la fin de la garde partagée. S’il « va mieux aujourd’hui », paye une pension et commence à revoir son fils deux heures par semaine, Hélène ne souhaite pas s’étaler sur le sujet. Elle a assez à faire avec « cette course permanente » ponctuée de galères qu’est désormais son quotidien.

La première d’entre elles a été de retrouver un logement. Garder seule un appartement à 900 euros de loyer était impensable, malgré ses revenus d’infirmière avoisinant les 1.900 euros. Elle a également dû déménager et quitter le paisible village de Pélissanne, commune de la grande campagne aixoise, où elle travaille à l’hôpital public en santé mentale. « Pour dénicher un logement qui ne soit pas insalubre avec deux chambres, je n’ai pas trop eu le choix… » La voilà installée depuis un peu plus d’un an à Pertuis, une petite ville du Vaucluse située à 25 kilomètres plus au nord, le long de l'A51. 650 euros de loyer pour un appartement fraîchement rénové. « L’air de rien, c’est 200 euros de plus ».

L’élection ? « Un max de pipeautage »

À deux mois de l’élection présidentielle, la trentenaire confie sur le ton de la culpabilité « n’avoir jamais voté de sa vie. Élire un con qui nous ment, quel intérêt ? », interroge-t-elle. Mais cette année devrait être sa grande première. « Je voterai », assure-t-elle. « Même s’il y a un max de pipeautage, j’essaye d’aborder les choses différemment cette fois ». Sa situation de maman solo serait-elle à l’origine de cette nouvelle discipline citoyenne ? « Peut-être », réfléchit-elle. Celle-ci pourrait-elle changer sa vie ? Ou du moins la faciliter ? Ses yeux ronds en réponse indiquent qu’elle n’attend et n’espère pas grand-chose de ce moment de démocratie, de cette élection, comme d’une autre.

Ses interactions avec la politique du gouvernement se résument à la CAF (Caisse allocation familiale) et la justice familiale, deux univers nouveaux pour elle… Et autant de déceptions. Après les soucis médicaux de son ex-conjoint, Hélène a sollicité la justice dans le cadre d’une mesure à bref délai afin de mettre en place des visites médiatisées, pour que le « papa puisse continuer à voir son fils ». Il a fallu trois mois pour que l’audience ait lieu, puis deux mois de plus pour le délibéré, qui était prévu sous 15 jours. « Ça fait beaucoup pour une audience à bref délai », trouve Hélène.

Miracle du découpage administratif, l’audience et les visites médiatisées se déroulent à Avignon, à 80 km de Pertuis, pourtant plus proche de Marseille (50 km) ou d’Aix (25 km). « C’est parce que c’est le même département… On a essayé de rapatrier le dossier à Aix, mais ils n’avaient pas de place », regrette-t-elle. Son expérience avec la CAF n’est visiblement pas plus réussie, quoiqu’elle fût bien partie : « Lorsque j’ai fait ma demande d’APL, la CAF m’a dit que j’avais le droit à 81 euros. Chouette, je prends ! Ça fait un plein d’essence. Puis c’est passé à 51 euros et là, à 37 euros. Que dalle quoi. »

Depuis qu’elle est seule, son pouvoir d’achat a dégringolé dans les mêmes proportions que ses allocations. « Quand je me suis retrouvée seule, j’ai commencé à creuser chaque mois un peu plus mon découvert ». Le déménagement a emporté ses quelques économies. Les frais d’avocat et la reprise seule du crédit voiture contracté à deux a fini de la mettre sous l’eau. « C’était devenu ingérable. J’ai demandé un étalement du prêt pour la voiture, passant de 3 ans à 7 ans, pour 8.000 euros de crédit sur une voiture construite en 2013. Elle sera morte avant la fin du crédit ».

« On ne pouvait rien pour moi »

Hélène a tourné ses comptes dans tous les sens, la marge de manœuvre est nulle, en dépit de son revenu situé un poil au-dessus du salaire médian en France métropolitaine (1.837 euros net par mois, Insee). « 650 de loyers, 300 euros de nounou, 300 euros de voiture. Vous ajoutez à cela le gaz, l’électricité, Internet et le téléphone, lorsque j’ai fait mes courses en début de mois et fait un plein, il ne reste plus grand-chose… », constate-t-elle. Cela d’autant plus qu’avec un père handicapé et une mère en Corse, elle ne peut guère compter sur eux, ni financièrement, ni pour la garde du petit.

« Personne ne m’a aidé, j’ai dû me débrouiller seule. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée totalement isolée, avec mes horaires décalés à l’hôpital et la garde intégrale d’Edan ». Elle fait alors appel à une assistante sociale. « Mais on ne pouvait rien pour moi. On m’a dit de voir avec mon employeur pour revenir à des horaires normaux. Ça a pris dix mois, avec l’aide de la CGT pour que je bascule sur un 9 heures – 17 heures ». Pour faire face et continuer à travailler, la mère célibataire augmente un temps le volume horaire – et les frais – de la nounou d’Edan. Cet été, elle a posé tous ses congés pour assurer la garde de son enfant. « Je voulais l’inscrire au périscolaire à Pertuis, on m’a dit que ça se faisait sur Internet. Je me suis connectée à 8 heures du matin, le serveur était saturé et à 8 heures 30, tout était plein. »


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Un coche qu’Hélène ne rate pas pour les vacances d’hiver pour lesquelles la jeune femme se rend directement en mairie. « J’étais devant à 7h15 », sourit-elle. « C’est premier arrivé, premier servi. Mais quand même, je crois qu’il devrait y avoir une priorité entre la mère qui dépose en enfant et part travailler et celle qui rentre chez elle, même si cette vie aussi n’est pas facile ».

« Seule, la moindre galère devient énorme. On n’est pas aidé », résume Hélène qui, dans son métier, prend soin des gens tous les jours.