CAMPAGNE« Health Data Hub », le mégafichier de santé suspendu à la présidentielle

« Health Data Hub », le mégafichier des données de santé suspendu à la présidentielle

CAMPAGNELa plateforme des données de santé risque de peser dans la campagne
Microsoft n'hébergera finalement pas la plateforme des données de santé.
Microsoft n'hébergera finalement pas la plateforme des données de santé. - Jeenah Moon / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP / AFP
Laure Gamaury

Laure Gamaury

L'essentiel

  • Le projet de plateforme des données de santé – ou « Health Data Hub » – vise à rassembler un grand nombre de data à des fins de recherche.
  • Soumis à de nombreux aléas, il a été mis en pause pour la durée de la campagne présidentielle, histoire pour le gouvernement d’éviter les polémiques qui l’entourent.
  • Que se passe-t-il du côté de nos données de santé ? Le projet est-il mort ? Va-t-il plomber le bilan numérique d'Emmanuel Macron ? On fait le point.

Vous n’en avez probablement jamais entendu parlé et pourtant, c’est un mégafichier compilant plusieurs bases de données qui fait l’objet de tractations et de rebondissements depuis plusieurs mois. Un espace immatériel où les informations de santé des Françaises et des Français seraient regroupées de façon anonyme pour faciliter la recherche en matière de santé publique, notamment. Et où un très gros morceau, le Système national des données de santé (SNDS), qui regroupe d’ores et déjà les datas de l’Assurance maladie et des hôpitaux, serait reversé.

Sauf que le « Health Data Hub » est en train de se transformer en boulet pour l’exécutif, qui botte en touche en cette période de campagne présidentielle, sans parvenir à éteindre complètement l’incendie. Remous, retards et reports… le feuilleton continue et on vous explique ce que vous avez raté.

La naissance du HDH

En 2018, au moment où Cédric Villani, député alors LREM, remet à Emmanuel Macron son rapport sur l’intelligence artificielle, il suggère la mise en place d’une plateforme où seraient hébergée une grande partie des bases de données de santé françaises à des fins de recherche. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement français s’empare de l’idée illico et crée, en 2019, le Health Data Hub qui est aussitôt violemment critiqué.

La raison ? C’est Microsoft, entreprise de droit américain et donc soumise aux lois extraterritoriales dudit pays, qui est choisie pour mener à bien ce méga projet, le tout sans appel d’offres, comme l’a reconnu Cédric O devant des sénateurs. Autrement dit, les datas hébergées par Microsoft peuvent être saisies par les services de renseignement ou les autorités des Etats-Unis dans certains cas précis de sécurité nationale. Dans la foulée, en 2020, la justice européenne invalide le cadre juridique du Health Data Hub, refusant que les données de santé de citoyens européens puissent être transférées outre-Atlantique.

Pour le secrétaire d’Etat à la Transition numérique, Cédric O, le choix s’était porté sur Microsoft en 2019 car c’est celui qui répondait le mieux aux besoins technologiques. Remis en cause par la justice européenne, le gouvernement a fait machine arrière et défend désormais la désignation d’un nouvel hébergeur « français ou européen ». Mais pas avant l’élection présidentielle. « Nous ne voulons pas que ce choix stratégique soit surdéterminé par des considérations politiques, a-t-il justifié il y a quelques semaines à 20 Minutes. La période actuelle n’est pas suffisamment sereine. »

En attendant, le Health Data Hub vivote, en accompagnant quelques projets de recherche industriels et universitaires, nécessitant au cas par cas des autorisations d’utilisation de la Cnil. « Le Health Data Hub existe toujours juridiquement mais il reste en mode pilote », analysait pour La Tribune le député MoDem Philippe Latombe, spécialiste du sujet. Sans centralisation des données, le processus est long et jusqu’ici, on parle donc d’embryons de travaux. Le Health Data Hub travaille également à la migration des données, sans connaître, pour l’heure, quelle sera la solution d’hébergement retenue pour succéder à Azure de Microsoft.

Simple coup d’arrêt ou début d’agonie ?

Le gouvernement voulait éviter toute polémique sur le sujet, raison pour laquelle il a mis ce projet de Health Data Hub en pause et choisi de retirer la demande d’autorisation de fonctionnement auprès de la Cnil en janvier. Les annonces de Cédric O, le 20 janvier, assurant que le gouvernement ne lancerait pas un nouvel appel d’offres pour remplacer Microsoft « avant la présidentielle », soulève plusieurs questions.

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La première a été abordée par Catherine Morin-Desailly, sénatrice de l’Union centriste et conseillère en charge du numérique auprès de Valérie Pécresse, lors de questions au gouvernement le 19 janvier : « Peut-on espérer une remise à plat de ce projet ou le gouvernement fait-il le dos rond pendant la campagne ? » La seconde concerne le budget de ce projet : à l’époque, le cabinet de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, avait annoncé une enveloppe de 80 millions d’euros sur quatre ans. Depuis, aucune communication n’a été faite sur l’évolution du budget.

Et l’excuse de l’épidémie mondiale de coronavirus s’est posée en juge de paix : « Les services juridiques et l’administration du ministère de la santé ont un temps disponible limité en raison de la crise du Covid-19 », a assuré Cédric O au Monde, le 20 janvier. Dont acte.

Renforcer la souveraineté numérique nationale et européenne

Signe du caractère crucial de l’hébergement des données sensibles, le gouvernement a lancé en mai 2021 la stratégie de « cloud au centre » pour tous les nouveaux projets informatiques publics. L’objectif : rapatrier les données en Europe. Exit les Etats-Unis et la Chine notamment. Avec des hébergeurs 100 % européens, le gouvernement souhaite disposer de solutions collaboratives et d’outils numériques performants et sécurisés.

Pour répondre à ces attentes, Capgemini et Orange ont lancé « Bleu », un nouvel hébergeur, qui répond aux critères d’exigence du label « cloud au centre », élaboré néanmoins en partenariat avec Microsoft qui leur proposera les licences de ses technologies. Les centres de données de Bleu seront « séparés de manière stricte des centres de données internationaux de Microsoft, ce qui garantira leur autonomie opérationnelle », affirment Capgemini et Orange. Bleu doit en outre être « exploité depuis la France par son propre personnel ». Un premier pas vers le transfert du Health Data Hub vers cet hébergeur hybride ? Pas sûr, Cédric O ayant déclaré le 20 janvier qu’il pourrait y avoir « plusieurs prestataires » pour la gestion de la plateforme des données de santé. Le feuilleton n’est décidément pas terminé.