JOUR OFFLa semaine de quatre jours, c’est bien ou pas ?

En Belgique, en Espagne ou en Islande… Que donnent les tests autour de la semaine de quatre jours ?

JOUR OFFPlusieurs expérimentations pour un meilleur alliage entre temps de travail et vie privée sont en cours en Europe, plaidant pour un passage à la semaine de quatre jours
Les façades d'immeubles de la Défense, à Paris.
Les façades d'immeubles de la Défense, à Paris.  - ALAIN JOCARD / AFP
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Le Premier ministre belge Alexander De Croo a annoncé mardi un projet de réforme du travail ouvrant la possibilité aux salariés qui le demandent de passer à la semaine de quatre jours, avec des journées de travail plus longues.
  • En Islande, en Espagne, au Royaume-Uni ou encore en Allemagne, d’autres expérimentations de semaine à quatre jours ont été menées ou sont en cours, avec différentes modalités.
  • Bien-être au travail, productivité, pollution… Les bienfaits de la semaine à quatre jours sont nombreux, mais peinent à convaincre la classe politique française.

Travailler moins pour vivre mieux. Voilà comment on pourrait résumer, en une formule à la Nicolas Sarkozy, l’idée de la semaine de travail de quatre jours qui fait son chemin un peu partout en Europe. En Belgique, le Premier ministre Alexander De Croo a annoncé mardi un projet de réforme, ouvrant la voie à une possibilité de travailler quatre jours au lieu de cinq. En Espagne, en Islande ou encore en Allemagne, des expérimentations similaires ont vu le jour ces dernières années. Qui a fait quoi ? Avec quel résultat ? Où en est le débat en France ? 20 Minutes fait le point.

La semaine de quatre jours, testée où et comment ?

La réforme belge, au sein d’un package législatif sur le marché du travail, vise à donner de la flexibilité aux travailleurs. L’idée ? Permettre aux employés qui le demandent de répartir leur temps du travail du vendredi sur les quatre autres jours, pour avoir un week-end rallongé. On reste donc à temps plein, à salaire égal et, espèrent les décideurs, à productivité en hausse, avec des salariés motivés et reposés. En outre, les salariés pourront travailler « un peu plus une semaine et un peu moins la suivante, ce qui offre une certaine souplesse aux personnes en situation de coparentalité », souligne le projet.

L’Islande a mené une expérience similaire entre 2015 et 2019 : réduire le temps de travail à trente-cinq heures hebdomadaires sur quatre jours, à salaire égal. Le gouvernement et la population ont été convaincus, et le dispositif a été généralisé. L’Espagne a alors emboîté le pas aux Nordiques : pendant trois ans, les salariés de 200 entreprises volontaires travailleront eux trente-deux heures, payées quarante heures, sur quatre jours pendant trois ans. En Suède, c’est la journée de six heures qui est testée depuis 2015.

Au Royaume-Uni, où l’on constate de longue date une productivité inférieure à la moyenne européenne pour un temps de travail supérieur, une trentaine d’entreprises vont mener un projet pilote avec un modèle 100/80/100 : la totalité du salaire maintenu, 80 % du temps de travail (quatre journées pas plus longues) mais avec le même niveau de productivité sur la semaine.

En Allemagne, c’est pour éviter des milliers de licenciements liés à la crise du Covid-19 que le secteur de la métallurgie a mis en place un temps de travail réduit, négociable, contre... la renonciation à une hausse de salaire à venir (mais sans perte du salaire actuel, donc). Hors Europe, l’Arabie saoudite, la Nouvelle-Zélande et le Japon se convertissent aussi progressivement à la semaine de quatre jours.

La semaine de quatre jours, une valeur sûre ?

Pour ses défenseurs, deux arguments plaident en faveur d’une réduction du temps de travail, ou au moins d’une semaine ramassée sur quatre jours. Le premier est celui du bien-être des employés. Selon les chercheurs islandais qui ont observé l’expérience menée dans leur pays, cités par The Independant, les travailleurs sont moins stressés, moins fatigués et plus optimistes. La mesure enrayerait aussi les arrêts maladies, l’entreprise andalouse Delsol ayant observé une baisse de 20 % du taux d’absentéisme. Et le sentiment de pouvoir mieux organiser son temps personnel joue aussi. La philosophe Céline Marty, autrice de Travailler moins pour vivre mieux, notait ainsi dans Le Monde qu' « avoir du temps pour soi c’est avoir du pouvoir sur notre vie ». Avoir un jour de repos en plus d’un week-end « souvent fatiguant » pourrait ainsi révolutionner notre manière de voir et d’apprécier le temps libre. Une étude de l'OCDE note aussi les bienfaits de cette organisation du travail.

L’autre argument est économique. En Islande, en Suède, ou toujours dans l’entreprise Delsol, la productivité a été maintenue voire améliorée, avec une augmentation des recettes à la clé. Le géant Microsoft a également témoigné d’un bond de productivité de 40% après le test d’une semaine de quatre jours à l’été 2019. Les effets bénéfiques vont même au-delà des salariés déjà en place : les entreprises ayant mis en place la semaine de quatre jours d’elles-mêmes, comme LDLC en France l'an dernier, deviennent plus attractives sur le marché de l’emploi.

Et avoir leurs bureaux libres un jour par semaine peut donner des idées. Le secteur métallurgiste allemand avait lui avancé un nombre moindre de licenciements et un maintien des cotisations sociales, bénéfiques pour tous, dans une industrie sinistrée. Enfin, citons le bénéfice écologique de prendre les transports ou la voiture un jour de moins par semaine.

La semaine de quatre jours, possible en France ?

La semaine de quatre jours est prônée depuis 1993 par le socialiste Pierre Larrouturou, candidat malheureux de la Primaire populaire. Elle a même été rendue possible entre 1996 et 1998 grâce à la loi Robbien, débouchant sur la création de centaines de CDI selon le député européen. Plusieurs entreprises françaises, comme la société d’informatique LDLC ou la start-up Welcome to the Jungle, sont passées à la semaine de quatre jours ces dernières années. La CGT, qui défend la semaine à trente-deux heures, soutient une telle évolution, alors que Jean-Luc Mélenchon veut une réforme sur le temps de travail.


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Difficile toutefois de voir la semaine de quatre jours, qui est un sujet pas ou peu abordé par les candidats à la présidentielle, devenir la norme en France dans les années à venir. A droite, le régime des trente-cinq heures de Lionel Jospin est sans cesse remis en question, difficile à appliquer dans plusieurs secteurs. De son côté, Emmanuel Macron estimait dans son discours du 12 octobre sur le plan France 2030 que « nous sommes un pays qui travaille moins que les autres »… ce qui est faux, comme l’attestent plusieurs études sur le temps de travail des pays européens.

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