PORTRAITS DE FAMILLES« Il faut remettre notre souveraineté alimentaire où elle devrait être »

Présidentielle 2022 : « Remettre notre souveraineté alimentaire où elle devrait être », estiment Claire et Geoffrey, agriculteurs urbains

PORTRAITS DE FAMILLESAvant l’élection, « 20 Minutes » vous fait partager les attentes des familles d’aujourd’hui. Claire et Geoffrey Andna ont créé en 2014 une ferme urbaine en plein Strasbourg. Sans grandes aides de l’Etat, qu’ils trouvent peu concerné…
Claire et Geoffrey Andna se sont lancés en 2014. En partant « de zéro ».
Claire et Geoffrey Andna se sont lancés en 2014. En partant « de zéro ». - T. Gagnepain / 20 Minutes / 20 Minutes
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Avant l’élection présidentielle, 20 Minutes a rencontré des familles qui composent la société française d’aujourd’hui. Elles évoquent ce qui a changé au cours de ce mandat, leurs attentes et leur vision du monde politique actuel.
  • A Strasbourg, Claire et Geoffrey Andna appartiennent à la grande famille des agriculteurs. Ils ont lancé en 2014 une ferme urbaine.
  • Depuis, l’exploitation a bien grandi. Aujourd’hui, 20 personnes y travaillent et le chiffre d’affaires était de « 1,8 millions d’euros » en 2021.
  • L’élection présidentielle 2022 ? « La politique ne nous touche pas vraiment. On aimerait juste que l’Etat soit beaucoup moins interventionniste », répond l’entrepreneur, qui ne manque quand même pas d’idées afin de faire évoluer le système.

Le lieu est rare. Surprenant dans une agglomération aussi densément peuplée que Strasbourg. Des champs de légumes en plein cœur de la ville ? Bienvenue à « l’îlot de la Meinau ». C’est là, enclavé entre une usine, la rivière Krimmeri et une zone industrielle que s’est installée une ferme urbaine. « On a même vu sur la flèche de la cathédrale », rigole Geoffrey Andna en faisant le tour du propriétaire. Soit deux énormes serres, de 6.500 et 4.000 m², sur un total de 11 hectares d’exploitation. D’anciens champs de maïs qu’il a complètement transformés depuis 2014, année où il s’est lancé « en partant de rien ».

Enfin, pas tout à fait. « Je suis venu avec le petit tracteur vigneron de mon grand-père, ma caisse à outils bon marché et beaucoup d’envie », poursuit l’entrepreneur, qui travaillait alors comme conseiller technique dans le secteur agricole. Sa femme Claire l’a vite rejoint et depuis, le couple a largement développé l’affaire. En 2021, « l’îlot de la Meinau » a réalisé un chiffre d’affaires « de 1,8 million d’euros ». Aujourd’hui, ce sont environ « 20 personnes » qui y travaillent à l’année. Que ce soit dans l’exploitation, au magasin de vente directe installé sur place ou pour la livraison.

« L'îlot de la Meinau » se trouve au milieu d'une impasse, pas très loin du stade de foot.
« L'îlot de la Meinau » se trouve au milieu d'une impasse, pas très loin du stade de foot. - T. Gagnepain / 20 Minutes

Une véritable success story ? Sans aucun doute mais surtout une réussite propre au jeune couple, 35 ans tous les deux. Ils insistent : « On a nous a très peu aidés, on nous a même mis plus de bâtons dans les roues qu’autre chose », résume l’ancienne salariée dans le privé. Elle fait référence à « une administration bien trop lourde et compliquée ». « Par exemple, pour obtenir environ 1.000 euros d’aides de la Politique agricole commune [PAC], il y a environ 20 heures de boulot pour des tas de relevés ».

Des aides financières, les époux en ont eu d’autres. Comme la dotation jeune agriculteur à l’installation, ou la récente subvention du plan de relance agricole… « On s’y est raccroché et ça nous a permis de continuer à investir. Mais ce n’est pas grâce à tout ça qu’on s’est développé », réagit Geoffrey Andna.

« La politique ne nous touche pas vraiment »

Pour la prochaine présidentielle, le couple ne sait pas encore trop où il va. Sans que ça ne l’inquiète. « La politique ne nous touche pas vraiment. On aimerait juste que l’Etat soit beaucoup moins interventionniste, reprend l’entrepreneur. En termes d’administration mais aussi d’aides. Certaines exploitations céréalières touchent plus de 100.000 euros de la PAC [par l’Union européenne] alors qu’elles n’emploient personne… On préférerait que ce soutien aille à une agriculture qui crée de la richesse et des emplois. »

Comme la leur… Qui fait presque figure d’exception dans un secteur où de nombreux producteurs souffrent. D’endettement, à cause des faibles cours d’achat de leurs produits, de leurs marges de plus en plus réduites… « Il faut se repenser quand on voit que ça ne fonctionne plus. Aujourd’hui, très peu d’agriculteurs vendent directement au consommateur… », balaie Claire Andna en se revendiquant « un peu hors système agricole ». « Mais pas trop quand même, on fait aussi appel à des collègues de temps en temps », nuance son mari.


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Les deux se rejoignent : ils aimeraient qu’on « s’intéresse un peu plus à [leur] modèle ». « Et qu’on ait aussi davantage les moyens de dialoguer avec nos instances, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. » Des délégations d’autres agglomérations, « comme Nancy et des villes belges » sont déjà venues leur rendre visite pour reproduire leur réussite de ferme urbaine. Très proche du consommateur qui vient directement s’y approvisionner.

Le magasin de vente « L'îlot de la Meinau », où sont acessibles légumes, fruits, jus, viande, fromages...
Le magasin de vente « L'îlot de la Meinau », où sont acessibles légumes, fruits, jus, viande, fromages... - T. Gagnepain / 20 Minutes

« Il faut remettre notre souveraineté alimentaire là où elle devrait être. Pendant le confinement, on l’a vu, il manquait des produits dans les rayons. L’agriculture doit retrouver sa juste place », insiste Geoffrey Andna, sans avoir l’impression que le thème concerne le moindre candidat à l’élection présidentielle. Tant pis, ils continueront quand même à investir et développer l’exploitation, peut-être avec l’ouverture prochaine d’un deuxième point de vente. « Il faut aller de l’avant… »