INTERVIEWLa France doit-elle craindre que le conflit russo-ukrainien l’éclabousse ?

Guerre en Ukraine : « Jusqu'ici la France a toujours tenté de gagner la guerre avant la guerre »

INTERVIEWJean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne et corapporteur d’un texte sur les conflits de « haute intensité », nous explique pourquoi la France n’est pas encore prête pour ces guerres d’un nouveau genre
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron - ETIENNE LAURENT / POOL / AFP / AFP
Camille Poher

Camille Poher

L'essentiel

  • Vladimir Poutine a lancé cette nuit une « opération militaire spéciale » visant à « démilitariser » et « dénazifier » l’Ukraine. Des bombardements ont commencé dans plusieurs villes, y compris Kiev, Odessa et même Lviv, située à 50 kilomètres de la Pologne.
  • Dans un tweet ce jeudi matin, Emmanuel Macron a condamné fermement la décision de la Russie et enclin cette dernière à mettre « immédiatement fin à ses opérations militaires ».
  • Jean-Louis Thiériot, député LR de la 3ème circonscription de Seine-et-Marne, est le rapporteur d’un texte d’information sur la préparation des conflits dits de « haute intensité », présenté à l’Assemblée nationale le 17 février dernier.

La guerre est déclarée. Après des semaines de tensions entre Kiev et Moscou, Vladimir Poutine a lancé l’offensive en Ukraine peu avant 6 heures du matin, heure russe. Alors qu’ Emmanuel Macron semble avoir agité tous ses outils diplomatiques pour empêcher un conflit armé, ce jeudi une guerre est bien en marche à moins de 3.000 km de nos frontières. Dans ce contexte de tensions, le député LR de la 3e circonscription de Seine-et-Marne, Jean-Louis Thiériot, a présenté un rapport d’information sur les « nouveaux conflits » à l’Assemblée nationale mi-février. Force de frappe de nos armées, cyberattaques et risques pour nos frontières, 20 Minutes a interviewé l’avocat, essayiste et homme politique français.

Jean-Louis Thiérot.
Jean-Louis Thiérot. - AN

Vous êtes le corapporteur, avec la députée Patricia Mirallès, d’un rapport d’information sur la « préparation à la haute intensité ». Quelle est cette notion de « haute intensité », dont vous faires mention ?

La « haute intensité » définit un conflit majeur, utilisant des armements importants mais surtout, et c’est toute la nuance, des conflits plus durs après des décennies de combat dits « asymétriques ». Dans ces affrontements la supériorité aérienne ne fait plus foi et, bien souvent, on dénombre de lourdes pertes de munitions et de matériels pour tous les pays engagés.

Ce texte indique que la France doit se préparer à des « conflits importants ». Qu’entendez-vous par cela ?

Le monde devient de plus en plus dangereux. A cet effet, on voit éclore de nombreux conflits gelés qui peuvent devenir explosifs comme avec la Grèce et la Turquie en Méditerranée ou encore dans la région du Pacifique, avec les tensions à Taïwan. Mais, on note aussi que l’usage de la force se fait de manière de plus en plus décomplexée. Ce qui se passe entre l’ Ukraine et la Russie en est le parfait exemple. Dans ce contexte de montée des tensions, la France peut-être amenée à s’engager dans ces conflits, pour protéger ses propres intérêts.

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La France est-elle, selon vous, dépassée sur le plan stratégique et militaire ?

Sur le plan stratégique, non. Nous utilisons toujours la méthode de la dissuasion en premier plan et plus largement nous tentons toujours de gagner la guerre avant la guerre. Notre faiblesse, c’est que nous sommes une armée dite « échantillonnaire ». Nous avons trop peu de chaque chose. Trop peu d’hommes, trop peu d’équipements ou encore trop peu de capacité d’entraînement.

Quelles sont les « pratiques hybrides » que vous mentionnez dans votre texte ?

C’est l’usage d’une série de moyens qui se trouve au-dessous du seuil de la guerre ouverte constituée, traditionnellement, de blindés et d’avions. Il s’agit d’attaques cyber non revendiquées, de manipulation de l’opinion publique par de fausses nouvelles, d’arsenalisation des dépendances, notamment économiques ou encore de l’instrumentalisation du droit. On sort clairement du champ de conflictualité terre, air, mer pour gagner le cyber et le spatial.

La Russie a-t-elle recours à ces pratiques ?

Complètement. Ce qui se passe dans le Donbass depuis des semaines en est la preuve. Des attaques informatiques, des fausses rumeurs de bombardements etc. L’utilisation de ces pratiques hybrides par la Russie visaient jusqu’alors à brouiller au maximum ses intentions d’entrer en guerre avec l’Ukraine.

La guerre qui vient d’éclater justement entre l’Ukraine et la Russie, peut-elle arriver jusqu’à la frontière de la France selon vous ?

Au sens militaire et à court terme, non. En revanche la France peut ressentir le contrecoup des sanctions qu’elle applique à la Russie avec notamment un impact sur les prix de l’énergie. De plus, si nous soutenons l’Ukraine, sur le plan armé, nous pouvons être soumis à des assauts hybrides, justement. La Russie peut tenter de nous menacer en réalisant une cyberattaque sur les logiciels de nos hôpitaux, par exemple. Si pour le moment, Moscou ne peut pas nous empêcher de dormir sur nos deux oreilles, il faudra cependant peut-être revoir notre copie si elle arrive aux frontières de la Pologne et de la Lituanie. A ce moment-là, ce sera une autre histoire.