FAKE OFFMacron a-t-il copié Valérie Pécresse, comme le dénonce la candidate ?

Présidentielle 2022 : Retraites, RSA… Emmanuel Macron a-t-il copié le programme de Valérie Pécresse, comme le dénonce la candidate ?

FAKE OFFOn a fait le tour de quatre propositions du sortant que sa rivale LR juge très proche des siennes
Emmanuel Macron, le 17 mars 2022, lors de la présentation de son programme.
Emmanuel Macron, le 17 mars 2022, lors de la présentation de son programme.  - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Le programme dévoilé par Emmanuel Macron est-il une «contrefaçon» de celui de Valérie Pécresse ?
  • A Nîmes, le 17 mars, Valérie Pécresse a dénoncé la récupération de quatre de ses propositions emblématiques par le président sortant : la retraite à 65 ans, l’investissement dans le nucléaire, la fin du projet européen de la ferme à la fourchette et la réforme du RSA.
  • On fait le point.

On vous le dit tout de suite, on n’a pas trouvé de preuves d’Emmanuel Macron photocopiant le programme de Valérie Pécresse, comme le dénonçait le photomontage publié par de militants LR ce vendredi (avant de le supprimer). Emmanuel Macron, « pâle copie » de la droite, voilà la petite musique que font entendre la candidate et ses soutiens depuis plusieurs jours, et encore plus depuis jeudi soir et la conférence de presse au cours de laquelle le président de la République a présenté son programme en vue d'une réélection. Sur TF1, lundi, et à Nîmes, jeudi, la candidate à la présidentielle a raillé le programme de son rival, « contrefaçon » du sien. On a fait le tour des quatre propositions étrillées par Valérie Pécresse.

« Monsieur Macron va faire la réforme des retraites jusqu’à 65 ans. Qui a eu le courage de le dire ? C’est nous ! »

C’est vrai. Emmanuel Macron laissait entendre le 9 novembre qu’il faudrait « travailler plus longtemps en repoussant l’âge légal », sans pour autant avancer une proposition concrète. Le report à 65 ans a été confirmé le 10 mars par Gabirel Attal, porte-parole du gouvernement, sur RTL. Un revirement puisque la réforme des retraites initialement présentée par le gouvernement, suspendue en raison du Covid-19, prévoyait un maintien de l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans.

Valérie Pécresse prône le départ à 65 ans depuis plusieurs années. En mars 2019, sur France Inter, elle déclarait : « Pour maintenir les retraites, il va falloir travailler à terme plus longtemps. La retraite à 65 ans, c’est inéluctable, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne le dit pas. »

« Sur l’énergie, il nous dit : "Je vais réinvestir dans le nucléaire." Il a fait le contraire, il a fermé Fessenheim […]. Pourquoi, aujourd’hui, nous parle-t-il du nucléaire ? Qui a reparlé du nucléaire ? C’est nous ! »

C’est plutôt faux. Le 9 novembre 2021, Emmanuel Macron a évoqué son plan sur le nucléaire, en annonçant vouloir « relancer la construction de réacteurs ». Le nombre de six a été confirmé à Belfort deux mois plus tard, le 10 février. Mais cette proposition de six réacteurs nouvelle génération ne sort pas de nulle part : EDF travaille sur ce projet depuis plusieurs années.

En septembre 2019, le gouvernement avait ainsi demandé en catimini à EDF dans une lettre d’étudier la possibilité de construire six réacteurs EPR, comme le révélait Le Monde. Quelques jours plus tard, Jean-Bernard Lévy, directeur général de l’entreprise, déclarait dans le quotidien : « Il est clair que la France se prépare à construire de nouvelles centrales nucléaires. C’est dans la mission que j’ai reçue lorsque j’ai été nommé, il y a cinq ans », en 2014.

Les Républicains ont toujours soutenu clairement la ligne pro-nucléaire. En novembre 2020, dans leur convention réchauffement climatique, le parti proposait d’engager la construction de six EPR de nouvelle génération, de refuser la fermeture de centrales nucléaires et de prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu’à 60 ans. Lors de la présentation de son programme énergétique, le 1er octobre 2021, Valérie Pécresse a repris la majorité de ces propositions

« Sur l’agriculture, il nous dit : "Il faut mettre fin au projet européen De la ferme à la fourchette." Mais qui a voté ce projet de décroissance agricole européen ? Le gouvernement d’Emmanuel Macron. Qui a dénoncé cette folie de la décroissance agricole à l’heure du réchauffement climatique ? C’est nous ! »

C’est faux. Emmanuel Macron a annoncé une « adaptation », pas la fin, de la stratégie européenne dite « De la ferme à la fourchette », qui vise, d’ici à 2030, à réduire de moitié l’usage de pesticides, de 20 % celui d’engrais, et à consacrer un quart des terres au bio. Bruxelles prépare des dérogations sur le taux minimal de terres en jachères imposé aux agriculteurs, pour les mettre en culture. Elles seront présentées le 23 mars.

Emmanuel Macron explique ce virage par le bouleversement lié à la guerre opposant Ukraine et Russie, deux gros producteurs de céréales, et le risque de crises alimentaires. Cette stratégie « reposait sur un monde d’avant-guerre en Ukraine, et qui prévoyait une diminution de la production de 13 %, a expliqué Emmanuel Macron. Ces objectifs doivent être revus, car en aucun cas l’Europe ne peut se permettre de produire moins. »

« Il dit aujourd’hui : "Quand on touche le RSA, il faut 15 heures d’activité en contrepartie." Qui a dit qu’il fallait une contrepartie de travail au RSA ? C’est nous ! »

C’est compliqué. Sur le revenu de solidarité active (RSA), les lignes sont particulièrement poreuses entre Les Républicains et La République en marche. Car Brigitte Klinkert, actuelle ministre déléguée à l’Insertion, a participé à la mise en place dans le Bas-Rhin d’un projet visant à conditionner le RSA à des heures de bénévolat dès 2017. Elle était alors présidente du conseil départementale sous l’étiquette… Les Républicains (jusqu’en 2019).

Arrivée au gouvernement en juillet 2020, c’est elle qui a mis en œuvre le contrat d’engagement jeune pour les 18-25 ans, où la logique « droits-devoirs » est déjà à l’œuvre. Cette allocation d’un maximum de 500 euros, entrée en vigueur début mars, est soumise à conditions, notamment avec un minimum de 15 à 20 heures par semaine d’activités, reposant sur l’offre de service de Pôle emploi et des Missions locales. Le non-respect des obligations expose à des sanctions graduées.

Jeudi, en présentant sa réforme du RSA avec contrepartie, Emmanuel Macron a d’ailleurs dressé un parallèle entre les deux et vanté cet esprit d’un « meilleur équilibre des droits et devoirs ».