PROMESSES DE CAMPAGNEQuel est le bilan du quinquennat Macron concernant la prévention santé ?

Présidentielle 2022 : Tabac, alcool, cancer… Le bilan mitigé du président candidat Macron en matière de santé préventive

PROMESSES DE CAMPAGNEEn 2017, le candidat Macron faisait de la prévention son objectif numéro un de son programme en matière de santé
Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme, le 17 mars à Aubervilliers.
Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme, le 17 mars à Aubervilliers. - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Ce jeudi, le président candidat Emmanuel Macron a présenté son programme électoral.
  • Lorsqu’il était candidat à l’Elysée il y a cinq ans, Emmanuel Macron avait placé la prévention au sommet de son programme santé.
  • A trois semaines du premier tour du scrutin, « 20 Minutes » fait le bilan du quinquennat de chef de l'Etat en matière de prévention santé.

A trois semaines du premier tour de l’élection présidentiel, Emmanuel Macron a présenté ce jeudi son programme. Celui qui porte désormais sa double casquette de président candidat a ainsi défendu son bilan et détaillé les axes de son projet présidentiel, notamment en matière de santé. « Le système français soigne bien, mais il prévient moins bien que beaucoup d’autres, a-t-il déclaré. Nous devons réussir à aller beaucoup loin, plus vite et plus fort sur ce que nous avons commencé » pour « renforcer une politique de prévention », rappelant « la stratégie cancer » et plaidant pour la « détection précoce des [troubles] DYS » ou encore « la prévention de l’obésité ».

Un programme santé 2022 qui reprend celui présenté il y a cinq ans. En 2017, Emmanuel Macron, alors candidat tout court, promettait ainsi de mener « la révolution de la prévention ». Alors, cinq ans plus tard, a-t-il tenu ses engagements ?

Un service sanitaire des étudiants en santé pour des actions de prévention

« Je veux créer un service sanitaire de 3 mois pour les étudiants en santé », scandait Emmanuel Macron il y a cinq ans lors d’un meeting à Nevers. Ils « interviendront dans les écoles, les entreprises, pour des actions de prévention », prévoyait son programme. Une mesure qui a bel et bien vu le jour. « Le service sanitaire est lancé depuis la rentrée 2018 pour les 47.000 étudiants » en médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, soins infirmiers et masseur-kinésithérapeute, indique l’Agence régionale de santé (ARS).

Il ne dure en revanche pas trois mois, mais prévoit « trois étapes, réparties selon une durée totale de six semaines », avec « un temps de formation théorique et pratique, un temps d’intervention concrète auprès de publics prédéfinis, et un temps d’évaluation de l’action ». Les étudiants sont ainsi formés « à la pédagogie, au partage de leurs savoirs pour sensibiliser les citoyens à des comportements favorables à la santé ».

Voir naître « la première génération sans tabac »

« La prévention, c’est aussi éviter la surmortalité massive liée au tabac qui, chaque année, fait 73.000 morts. Nous fixons l’objectif que la génération qui naît aujourd’hui soit la première génération sans tabac », proposait le candidat Macron en 2017. Une fois élu, il a pour y parvenir, chargé son gouvernement de taper le porte-monnaie, avec une augmentation moyenne totale d’environ trois euros du prix du paquet, qui dépasse désormais les dix euros. « Il s’est inscrit dans la continuité de cette politique dissuasive déployée lors des mandats précédents dans le cadre de plans cancer et de lutte contre le tabac, en s’appuyant sur les recommandations de l’OMS, explique Karine Gallopel-Morvan, professeure des universités en marketing social à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). Dans un objectif de santé publique : la hausse tarifaire, lorsqu’elle est répétée, régulière, et de plus de 10 %, fonctionne ». Une mesure prévue par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2018 et qui a permis la « baisse de 1.600.000 fumeurs quotidiens en moins de deux ans », chiffre l’Institut Montaigne, qui a dressé le bilan du quinquennat en matière de santé.

Mais « outre la poursuite des mesures lancées avant son arrivée au pouvoir, à l’instar du Mois sans tabac ou le remboursement des substituts nicotiniques, il n’y a pas grand-chose à mettre au crédit du chef de l’Etat. Son gouvernement aurait pu promouvoir des lieux sans tabac, notamment les écoles et les universités, mais il ne l’a pas fait. Il n’a pas non plus lancé de plan national contre le tabagisme, ni déployé les moyens nécessaires pour, déjà, faire appliquer les textes existants, poursuit-elle. Ainsi, concernant l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs, les dernières enquêtes démontrent le manque de contrôle et d’adhésion, qui fait qu’en pratique, aujourd’hui, un mineur peut très facilement acheter des cigarettes, alors que c’est illégal ».

Prévenir le cancer, les maladies cardiovasculaires et métaboliques

« Alors que nous avons l’un des meilleurs systèmes de soins du monde (…), nous ne sommes pas bons pour prévenir la maladie et combattre les facteurs de risque que sont le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité, la sédentarité », observait Emmanuel Macron en 2017. Et « dès 2018, on a essayé de renforcer la politique de prévention, (…) et essayé de développer les diagnostics précoces », a-t-il assuré ce jeudi. Or, « durant son quinquennat, sur le terrain de la prévention en général, le bilan est très faible, estime Karine Gallopin-Morvan. Pire, s’agissant de la lutte contre l’alcoolisme, à part le pictogramme »zéro alcool pendant la grossesse« – qui n’est pas satisfaisant parce qu’il est trop petit sur les bouteilles d’alcool pour avoir un effet dissuasif – rien n’a été fait pour prévenir l’alcoolisme. C’est très certainement sous la pression des lobbies de l’alcool, en atteste l’absence de soutien du gouvernement au mois sans tabac, ou dry junuary ».

Pourtant, « l’alcool et le tabac sont les deux principaux facteurs de cancer et les premières causes de mortalité évitables, et l’Inserm a démontré qu’une consommation excessive d’alcool multiplie par trois le risque de développer des démences, insiste-t-elle. Mais une fois élu, Emmanuel Macron n’a pas suffisamment investi pour que sa politique de prévention sanitaire montre son efficacité ». Un constat sévère également établi par la Cour des comptes, qui dans son rapport sur la prévention des cancers, des maladies neurocardio-vasculaires et du diabète publié en décembre dernier juge que « les résultats obtenus sont globalement médiocres, et ce, malgré un effort financier comparable à celui des pays voisins ». En cause, « des programmes de prévention médicalisée ( vaccination et dépistage), et des actions de promotion de la santé qui souffrent d’une adhésion trop faible et d’un déploiement insuffisant pour produire des effets significatifs ». Pour preuve : « les dépistages organisés des trois cancers concernés ( col de l’utérus, colorectal et sein), qui connaissent des taux de participation très inférieurs à celui de nos voisins européens ».