PORTRAITQui est Loïk Le Priol, suspecté de l'assassinat de l’ex-rugbyman Aramburu ?

Assassinat de Martin Aramburu : Ancien militaire, figure de l’ultradroite… Qui est Loïk Le Priol, principal suspect arrêté en Hongrie ?

PORTRAITLoïk Le Priol a été arrêté dans la nuit de mardi à mercredi en Hongrie
Loïk Le Priol, interpellé dans le cadre de l'enquête pour l'assassinat de Martin Aramburu, était interrogé sur Canal+ en 2016 pour parler de sa marque de vêtements Babtou solide certifié
Loïk Le Priol, interpellé dans le cadre de l'enquête pour l'assassinat de Martin Aramburu, était interrogé sur Canal+ en 2016 pour parler de sa marque de vêtements Babtou solide certifié - Capture d'écran / Canal+
Manon Aublanc

Manon Aublanc

L'essentiel

  • Loïk Le Priol, principal suspect dans la mort samedi à Paris de l’ex-rugbyman argentin, Federico Martin Aramburu, a été interpellé dans la nuit de mardi à mercredi en Hongrie.
  • Il est soupçonné d’avoir tiré avec une arme sur l’ancien international qui est décédé sur place, au petit matin samedi, après une altercation dans un bar de Saint-Germain-des-Près, Le Mabillon.
  • Cette figure de la mouvance ultradroite, âgée de 27 ans, est un ancien militaire et membre du GUD, mais également un entrepreneur. Connu de la justice, le jeune homme sera également jugé, avec quatre autres personnes, en juin pour le passage à tabac de l’ancien président du GUD en 2015.

Cinq jours après l'assassinat à Paris de l’ancien rugbyman, Federico Martin Aramburu, le principal suspect, Loïk Le Priol, militant d’extrême droite, a été arrêté dans la nuit de mardi à mercredi en Hongrie, près de la frontière avec l’Ukraine, a confirmé le parquet de Paris à 20 Minutes.

L’homme de 27 ans est soupçonné d’avoir tiré avec une arme sur l’international argentin après une altercation dans un bar de Saint-Germain-des-Prés. Un autre homme affilié à l’ultradroite, qui aurait également tiré sur l’ex-rugbyman, a été arrêté ce mercredi dans la Sarthe par la brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Nantes. Une jeune femme, soupçonnée d’avoir conduit la voiture depuis laquelle les deux hommes auraient tiré, a quant à elle été mise en examen pour « complicité d’assassinat » et placée en détention provisoire mardi.

Radié de l’armée

Retour quelques années en arrière. Nous sommes en 2010. Loïk Le Priol, 16 ans, intègre l’Ecole des mousses de la Marine nationale, à Brest. Par la suite, il rejoint le commando marine de Montfort, comme matelot fusilier, avec lequel il participe à des opérations extérieures au Mali et à Djibouti entre 2013 et 2015. Des services qui lui rapporteront d’ailleurs deux citations individuelles et deux médailles d’Outre-mer et de la Défense nationale. Mais le 7 juillet 2015, Loïk Le Priol, la vingtaine, est rapatrié en France sur recommandation des médecins militaires. Ces derniers détectent un état de stress post-traumatique sévère en lien avec sa fonction, ajoutant « que la prise d’alcool [...] aurait altéré son jugement », explique la cour administrative d'appel de Marseille dans une décision que le média en ligne StreetPress, qui a consacré une longue enquête au militant d’extrême droite, a repérée sur le site Légifrance.

Mais ce n’est pas tout. Selon nos confrères de Marianne, qui ont eu aussi travaillé sur le parcours du jeune homme, il aurait également été mis en cause à Djibouti pour avoir « frappé et étranglé une prostituée ». Dans sa décision, la justice administrative explique que le militaire a été placé en congé longue maladie le 9 juillet 2015, qui a été renouvelé jusqu’à la fin du mois de décembre 2017. Mais avant même la fin de cet arrêt, Loïk Le Priol est radié de l’armée, le 2 octobre 2017, en raison de l’ouverture d’une information judiciaire à son encontre pour des faits de violence aggravée.

Un habitué des tribunaux

Car le jeune homme est bien connu des services judiciaires. Comme le rapportent Marianne et l'AFP, Loïk Le Priol a déjà été condamné à l’âge de 19 ans pour des violences et à quatre mois de prison avec sursis à 23 ans pour des violences volontaires en réunion et conduite en état d’ivresse. Mais l'affaire qui lui vaut sa radiation de l'armée, c'est l’agression d’Edouard Klein, l’ancien président du Groupe union défense (GUD), un groupuscule d’ultradroite dans lequel Loïk Le Priol milite en 2015.

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 2015, Loïk Le Priol et quatre autres « gudards » ont violemment tabassé et humilié Edouard Klein. Filmée, cette agression ultra-violente a été révélée par nos confrères de Mediapart. Comme le souligne la cour administrative d'appel, Loïk Le Priol aurait « filmé la scène, faisant irruption dans l’appartement de la victime aux fins d’une expédition punitive, s’ensuivant lynchage, insultes, humiliations et menaces au moyen d’un couteau ». Après son interpellation le 14 octobre 2015 à son domicile, une information judiciaire est donc ouverte à l’encontre de l’ancien militaire pour « violence aggravée ayant entraîné une ITT de huit jours ». Le jeune homme, âgé de 21 ans au moment des faits, est placé en détention provisoire et écroué à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, avant d’être placé sous contrôle judiciaire du 3 novembre 2015 au 7 avril 2016.

Après deux renvois, les cinq suspects poursuivis pour cette agression doivent comparaître le 1er juin prochain devant le tribunal correctionnel pour « violences aggravées » avec ITT supérieure à huit jours, commises en réunion, sous la menace d’une arme, avec préméditation. Des faits pour lesquels certains prévenus – les récidivistes – encourent jusqu’à dix ans de réclusion.

« Babtou solide certifié »

Après sa carrière militaire, Loïk Le Priol se lance dans l’entreprenariat. En 2016, il lance avec Louise, sa petite amie de l’époque, Babtou solide certifié – « toubab » à l’envers, surnom donné dans certains pays d'Afrique aux Blancs –, une ligne de vêtements qui cartonne dans les milieux nationalistes. « Bouge ton cul de ta chaise, soulève de la grosse fonte, apprends ta putain d’Histoire en lisant des bouquins aussi gros que les couilles de tes ancêtres, bombe le torse, lève les yeux, regarde bien le ciel et rejoins enfin ta destinée. Deviens un babtou solide certifié ! », peut-on lire sur la page Facebook de la marque. Le tout jeune entrepreneur en a « marre de voir des petits jeunes qui vapotent des fumées goûts barbe à papa en train de choisir leur dernier jean slim », explique-t-il en 2016 à Streepress, qui l’interroge sur sa toute jeune entreprise. La création de la marque lui vaudra aussi une interview dans La Nouvelle édition, sur Canal+, en 2016, dans lequel il assume son nationalisme.

Pour promouvoir Babtou solide certifié, Loïk Le Priol s’entoure de plusieurs personnalités d’extrême droite, comme le YouTubeur nationaliste Baptiste Marchais ou Julien Rochedy, l’ancien président du Front national de la jeunesse, à qui il demande de poser avec ses vêtements. Et les relations ne sont pas uniquement professionnelles, comme en témoignent ses photos de profil Facebook et Twitter, où on le voit notamment aux côtés de Jean-Romée Charbonneau, candidat du Rassemblement national à Niort lors des dernières élections municipales de 2020 et de Julien Rochedy.

Si ce dernier a reconnu, mardi sur Twitter, que Loïk Le Priol était « un copain », avec qui il traînait « parfois vers 2012-2014 », il a expliqué s’être « éloigné [de lui] suite à l’affaire Edouard Klein ». « Ceux qui connaissaient Loïk pensaient tous qu’il s’était calmé. Il avait toujours été fêlé, il était suivi par un psy de l’armée, mais la dernière fois que je l’ai croisé à Paris, il avait une copine, des projets, semblait apaisé. On était contents "qu’il aille mieux" [...]. Puis vient cette information horrible sortie de nulle part. Une bagarre, l’alcool, les armes à feu, Loik qui pète un plomb et commet cet acte inqualifiable… », ajoute celui qui se présente aujourd'hui comme auteur, formateur et polémiste.

Désormais entre les mains des forces de l'ordre, Loïk Le Priol sera entendu dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet de Paris pour « assassinat », confiée à la brigade criminelle.