DECHETSChargeurs rapides, un futur désastre écologique?

Smartphones: Les chargeurs rapides préparent-ils un futur désastre écologique?

DECHETSPromoteur de chargeurs conçus de façon éco responsable, Guillaume Bensi regrette que les nouveaux systèmes de charge rapide pour smartphones ne soient pas faits pour être compatibles
Green_e passe les accessoires pour smartphones au vert
Christophe Séfrin

Christophe Séfrin

L'essentiel

  • 30 watts, 67 watts ou 120 Watts ? C’est actuellement la surenchère parmi les constructeurs de smartphones qui proposent des systèmes de charge de plus en plus rapides pour leurs appareils.
  • Selon Guillaume Bensi, fondateur de Green_e qui développe des chargeurs éco conçus, le principe va à l’encontre de l’environnement et va nous pousser à multiplier câbles et blocs de charge dans nos placards.
  • Plus encore, l’entrepreneur voit en la généralisation de la charge via USB-C en 2024, une opportunité pour que, paradoxalement, Apple impose sa loi.

Les 18/25 ans sont 64 % à avoir peur de manquer de batterie sur leur smartphone, selon une étude OpinionWay pour le fabricant de smartphones Oppo. De 30 watts à 120 watts (pour le futur Xiaomi 12 Pro 5G capable de se recharger en 23 minutes !), les systèmes de charge rapide se substituent désormais aux batteries d’appoint ou Powerbank. Fondateur de la société Green_e qui propose des chargeurs éco conçus et durables, Guillaume Bensi regrette que les nouveaux systèmes de charge rapide ne soient pas faits pour être compatibles.

L’irrésistible ascension des chargeurs rapides

Qu’est-ce qui explique l’ascension fulgurante des chargeurs rapides ? « Cela rassure le consommateur !, assure Guillaume Bensi. Pour les constructeurs, un smartphone, c’est un compte d’exploitation qui demande de répondre aux besoins du public pour toujours plus d’énergie, à un cahier des charges et à la concurrence. A la différence d’Apple, la plupart des marques asiatiques utilisent l’argument commercial de la vitesse de charge pour des batteries toujours plus grosses. » Si bien que les batteries sont de tailles différentes, et d’un ampérage différent. Aujourd’hui, on ne parle d’ailleurs plus d’ampérage, mais de Watts (W). L’énergie utilisée s’exprime en milliampères heure (mAh).

Explications. Si Apple ne participe pas à cette surenchère, c’est parce que la puce M1 de la marque à la pomme, qui équipe les derniers iPhone, est extrêmement puissante tout en consommant beaucoup moins que les puces concurrentes, notamment celles de chez Qualcomm. Alors dans ce cas, pourquoi mettre une grosse batterie, alors que le « moteur » du terminal consomme peu ? « Là où Samsung loge une batterie de 5000 mAh qui a un vrai coût dans son Galaxy S22 Ultra, Apple préfère booster son processeur et faire des économies sur le reste, estime Guillaume Bensi. Car si Apple ne la communique pas, la capacité de la batterie de l’iPhone 13 serait de 3095 mAh, si bien que les chargeurs Apple ne font que 20 Watts ! »

Un protocole commun, mais avec des limites

Heureusement, il existe aujourd’hui un protocole commun aux marques, la technologie Power Delivery. Le câble de recharge et le smartphone communiquent ensemble, que ce soit sous iOS ou Android. Ainsi, c’est le système qui vérifie si le câble est bien en capacité de recevoir et de transmettre l’énergie de la tête de charge. Et les s’adaptent l’un à l’autre. Par exemple, un MacBook compatible avec la charge 100 W, accepte de ne recevoir qu’un filet d’énergie depuis un chargeur de smartphone de 36 W. Pareillement, un Galaxy S21 Pro (45 W) ne reçoit de son côté que 45 W depuis un chargeur MacBook de 100 W. Le problème, c’est que la puissance des appareils ne va pas cesser de croître.

« Projetons-nous, reprend Guillaume Bensi : si dans quelques années, je change de smartphone, je serai contraint d’acheter un nouveau chargeur qui correspond à la puissance du moment. La charge rapide renoue avec le principe absurde d’un chargeur par appareil qui multiplie les déchets. C’est n’importe quoi ! »

La généralisation de l’USB-C ne va-t-elle pas contribuer à uniformiser tout cela ? « Pas sûr, répond Guillaume Bensi. Même si les constructeurs vont devoir adopter des câbles USB-C vers USB-C, rien ne les empêchera d’utiliser une technologie de charge sans fil propriétaire. » Le fondateur de la société Green_e pronostique qu’Apple, pour ne pas prendre le risque de se fâcher avec l’Europe, supprimera le port de charge Lighting de ses smartphones, mais retirera le câble et nous obligera à acheter un chargeur MagSafe sans fil afin de conserver la mainmise sur son écosystème.

Une coque d'iPhone intégrant le procédé de recharge sans fil MagSafe.
Une coque d'iPhone intégrant le procédé de recharge sans fil MagSafe. - CAPTURE

« S’il apparaît que MagSafe est actuellement le système de recharge sans fil le plus écologique, car celui qui connaît le moins de déperdition d’énergie, il n’y a que Belkin (qui appartient à FoxCom, qui fabrique les iPhone en Chine) et le japonais Mophie qui y ont accès. Nous, fabricants de chargeurs génériques, ne pouvons l’acheter. »

Un avenir vert est-il possible ?

Et pourtant, c’est peut-être là que les entreprises éco ont un rôle à jouer. Car une société comme Green_e a développé un chargeur unique de 65 watts qui permet d’alimenter à la fois les ordinateurs et les smartphones (ref : GR-6101 65W, vendu 34,90 euros). Ce chargeur quasiment universel correspond à 80 % des usages du marché, de l’iPhone 13 en 20 watts, au MacBook Air en 45 watts, etc. « Si on incitait les fabricants des grandes marques de smartphones à faire produire leurs accessoires par des entreprises écoresponsables, on résoudrait bien des problèmes : d’une part celui consistant à s’approvisionner continuellement en matières premières ; d’autre part, celui des déchets, avec des accessoires durables et recyclables. »