REPORTAGECargèse pleure Yvan Colonna, l'enfant du pays « sauvagement agressé »

Mort d'Yvan Colonna : Des milliers de personnes aux obsèques de l'indépendantiste à Cargèse

REPORTAGEDes milliers de personnes ont assisté à Cargèse aux obsèques de l'indépendantiste corse Yvan Colonna, mortellement agressé à la prison d'Arles où il purgeait une peine pour l'assassinat du préfet Erignac
Des milliers de personnes ont assisté aux obsèques d'Yvan Colonna
Des milliers de personnes ont assisté aux obsèques d'Yvan Colonna  - Fanny HAMARD/SIPA / SIPA
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Des milliers de personnes ont assisté aux obsèques d’Yvan Colonna dans son village de Cargèse.
  • Tué après son agression en prison, l’indépendantiste corse a été enterré au son des polyphonies corses et sous les drapeaux de l’Île de Beauté.
  • Lors du recueillement, certains n’ont pas hésité à pointer la responsabilité de l’Etat, accusé de « non-assistance à personne en danger ».

De notre envoyée spéciale à Cargèse

Le vent fait claquer le drapeau corse pendu à l’olivier de la place de l’église, au-dessus d’une masse compacte, toute de noir vêtue. Dans cette foule dense sous le soleil printanier, le cercueil d’ Yvan Colonna se fraie un chemin au son des polyphonies corses. Depuis ce vendredi midi, le village de Cargèse, berceau de la famille de l’indépendantiste condamné dans l’assassinat du préfet Erignac à Ajaccio, est totalement à l’arrêt. Les façades des rues sont recouvertes de tags à la gloire du berger le plus célèbre de la commune, et du fameux drapeau à la tête de Maure.

La dépouille de l’indépendantiste corse est portée par une demi-douzaine d’hommes, surplombée des « banderas », l’autre nom des drapeaux corses, mais aussi de drapeaux sardes et mêmes bretons. Aux alentours, aucun commerce, ou presque, n’est encore ouvert. Personne ici n’envisageait de ne pas se rendre aux funérailles de l’enfant du pays, décédé ce lundi après avoir été violemment agressé en prison.

Non-assistance à personne en danger

Dans cette foule se trouvent, disséminés, des proches du militant, comme cet Ajaccien qui ne dira pas son nom. « Ma nièce est mariée avec le neveu d’Yvan Colonna, explique-t-il. C’est très dur, les circonstances dans lesquelles il est mort. Il faut évidemment laisser faire l’enquête. Mais les gens s’interrogent. C’est bien beau d’avoir mis cinquante caméras. On ne peut pas laisser quelqu’un vivre ces huit minutes d’enfer ! Il y a eu de la part du personnel de la prison non-assistance à personne en danger ! »

L'olivier de la place de l'église de Cargèse
L'olivier de la place de l'église de Cargèse - Fanny HAMARD/SIPA

« Vous savez, Yvan, ce monsieur, c’était comme un frère pour moi, souffle Sandrine. Il a beaucoup aidé ma famille, notamment mon frère dans le passé. Ce monsieur a été condamné. Certes. Mais que ce soit mérité ou pas, il ne méritait pas de revenir sur ces terres dans ces conditions-là, entre quatre planches. En prison, on est quand même censé être en sécurité. »

« Ça serait horrible de laisser partir Yvan sans le venger »

Outre la famille, des figures nationalistes locales ont fait le déplacement, à l’image de Gilles Simeoni, le président autonomiste du Conseil exécutif, Jean-Guy Talamoni, l’ex-président indépendantiste de l’assemblée de Corse, ou encore Charles Pieri, ex-leader présumé du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), un mouvement qui a récemment menacé de reprendre la lutte armée. Comme pour mieux signifier toute la symbolique qui entoure aujourd’hui Yvan Colonna et son décès, dans une Corse où les revendications autonomistes sont de plus en plus fortes. Et c’est peut-être même cette symbolique qui a poussé la majorité des 3.000 personnes présentes à faire la route jusqu’à ce petit village qui compte habituellement 1.300 habitants. Marie-Dominique, venue de L’Île-Rousse, à trois heures de là, a même posé sa journée pour assister à l’événement.

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« La Corse, c’est une grande famille, explique-t-elle. On se serre tous les coudes. Yvan est un membre de la famille. Je suis venue démontrer le soutien du peuple corse face à cette injustice, cet acte de barbarie. Il a été lâchement et sauvagement agressé. Il n’y a pas de mots. Il n’y a que les maux. » Celle qui ne cache pas avoir manifesté ces derniers jours lance, comme un avertissement : « Pour le moment, c’est le temps du deuil. Mais après ça va être chaud. Ça serait horrible de laisser partir Yvan sans le venger. L’État est responsable de ce qui s’est passé. »

« Vous chantez des chants de guerre devant une tombe »

Après une messe entièrement en corse, le cercueil sort sur le perron de l’église, le temps d’une longue procession silencieuse. Après avoir parcouru pendant plusieurs kilomètres la longue route qui longe la mer, suivie des milliers de personnes venues assister aux obsèques, certaines drapées de banderas, la dépouille d’Yvan Colonna est déposée devant le caveau familial richement fleuri, dans un espace à l’écart de la route principale. « La famille entre, et vous pourrez ensuite vous recueillir auprès du cercueil », lance-t-on à la direction des centaines de personnes présentes.

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Levant haut le portrait du militant, les proches d’Yvan Colonna entament des chants corses qui parlent de liberté et d’indépendance. « Vous chantez des chants de guerre devant une tombe ! », s’agace un homme, brandissant dans sa main le bouquet de fleurs sauvages qu’il vient de cueillir. « Ce sont des chants qu’Yvan aimait ! », lui rétorque un membre de la famille Colonna, furieux. Le dernier chant venu, une vague d’applaudissements parcourt la foule nombreuse. Quelques poings se lèvent, en cascade, vers le ciel. On est à des kilomètres de l’olivier, l’arbre de la place de l’église. L’arbre de la paix, aussi.