EPIDEMIEFaut-il supprimer l’obligation vaccinale des soignants contre le Covid-19 ?

Covid-19 : L’obligation vaccinale des soignants, devenue un sujet de campagne, a-t-elle encore un sens ?

EPIDEMIEAlors que la majorité des restrictions n’ont plus cours, Emmanuel Macron n’envisage pas de lever l’obligation vaccinale des soignants, au contraire d’autres candidats
Illustration d'une infirmière qui vaccine contre le Covid-19.
Illustration d'une infirmière qui vaccine contre le Covid-19. - EPN/Newscom/SIPA / Pixpalace
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Depuis le 15 octobre, tous les soignants et agents qui travaillent à l’hôpital doivent présenter un certificat de vaccination, sans quoi ils sont suspendus sans salaire.
  • Et depuis février, ils doivent prouver qu’ils ont eu une dose de rappel ou attrapé le Covid-19.
  • Certains candidats à l’élection présidentielle proposent de lever cette obligation et de réintégrer les soignants suspendus. Mais pour Emmanuel Macron et son ministre de la Santé, il n’en est pas question.

C’était au lendemain de la levée des principales restrictions liées au Covid-19. Le 15 mars, Emmanuel Macron, en déplacement à La Pommeraye, dans le Maine-et-Loire, est interpellé par une infirmière non-vaccinée. « S’il vous plaît, laissez-nous reprendre notre travail », supplie la jeune femme, en larmes. « Le gouvernement, à court terme, ne va pas enlever l’obligation vaccinale », réplique alors le président. Pourtant, l’obligation vaccinale des soignants interroge alors que le pass vaccinal et le masque ne sont plus obligatoires dans la plupart des lieux. Et le sujet s’est invité dans la campagne présidentielle.

L’Angleterre renonce à l’obligation vaccinale des soignants

Quatre des candidats à l’Elysée veulent en effet réintégrer les soignants non vaccinés : Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan (soutenu par Florian Philippot), Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon se sont exprimés en faveur de la fin de cette obligation vaccinale.

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Certains pays sont revenus sur cette contrainte. Notamment l’Angleterre, qui a annoncé le 1er mars qu’elle renonçait à imposer le vaccin contre le Covid-19 à tous les soignants du public. Le gouvernement britannique avait pourtant annoncé en novembre que la vaccination anti-Covid deviendrait obligatoire en avril pour les soignants.

Quand la décision initiale a été prise, « le variant Delta était dominant », a expliqué dans un communiqué le ministre de la Santé britannique, Sajid Javid. « Il a depuis été remplacé par Omicron, qui est moins grave, avec un pourcentage de personnes ayant besoin de soins d’urgence ou d’admission à l’hôpital qui a été divisé par deux par rapport au variant Delta », a-t-il ajouté. Les employés des maisons de retraite du Royaume-Uni, qui avaient déjà été priés d’être complètement vaccinés, n’ont plus l’obligation de l’être depuis le 15 mars, selon le communiqué.

Véran confirme que l’obligation vaccinale est maintenue

Ce n’est pas le choix du gouvernement français. Le 3 mars, Le Premier ministre, Jean Castex, a précisé que le pass sanitaire restait exigé dans les établissements de santé… et l’obligation vaccinale des soignants d’actualité.

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« Afin de protéger les établissements de santé et leurs patients alors que le virus continue de circuler, l’obligation vaccinale des professionnels reste en vigueur dans les mêmes conditions que le 13 mars : le périmètre des professionnels et des structures concernés reste inchangé et les modalités de respect de l’obligation vaccinale sont les mêmes depuis le 15 février 2022, explique à 20 Minutes la Direction générale de l’offre de santé (DGOS). Elle s’applique ainsi à tous les professionnels (en poste ou entrant en poste) concernés et ne comporte aucune dérogation supplémentaire aux cas déjà prévus dans le cadre de l’obligation vaccinale. » Comprendre : excepté ceux qui ont une contrindication pour cette vaccination. Samedi dernier sur France 2, le ministre de la Santé, interrogé sur la possibilité de réintégrer les soignants non vaccinés, a confirmé : « Non, l’épidémie n’est pas terminée, le virus continue de circuler ».

77 % des salariés en établissements de santé ont reçu la dose de rappel

Où en est-on précisément ? Depuis le 30 janvier, tous les soignants doivent justifier de leur troisième dose pour continuer à exercer. Et depuis le 15 février, ces professionnels du soin ou agents hospitaliers doivent avoir fait cette injection… ou avoir un test positif au Covid-19 dans les quatre mois suivant leur dernière injection.

Selon le dernier bulletin de Santé Publique France, la couverture vaccinale de la dose de rappel était de 77,9 % pour les professionnels de santé exerçant en Ehpad ou en Unité de soins de longue durée (USLD), de 86,4 % pour les libéraux et de 77 % pour les salariés en établissements de santé. Un dernier chiffre bas, mais ces données ne renseignent pas sur le nombre de soignants infectés. Sollicité, le ministère n’a pas pu nous communiquer le nombre de soignants suspendus depuis février.

« J’ai échangé avec beaucoup de collègues qui, comme moi, remarquent que pour la 3e dose, il y a eu très peu de suspensions », dévoile François *, DRH dans un grand hôpital. Dans son CHU, sur 4.000 agents, il n’y a eu qu’une seule suspension en février. « Beaucoup de soignants réfractaires ont eu Omicron lors de la dernière vague, donc ils rentraient dans les cases. » Reste que certains soignants, qui refusent de faire une nouvelle dose et ont été infectés début janvier, par exemple, risquent de ne plus pouvoir exercer début mai.

« Cette obligation vaccinale fait peu de soignants réellement enlevés des lits »

Le sujet continue de diviser la communauté médicale. Si dans certaines villes, des soignants manifestent pour pouvoir retrouver leur blouse sans passer par la piqûre, d’autres estiment que cette réintégration n’aurait pas de sens. Réintégrer ces professionnels donnerait-il une bouffée d’air à l’hôpital, en grande difficulté depuis des années, comme le clament certains candidats à la présidentielle ? Selon la DGOS, début novembre, « seuls 0,6 % des professionnels concernés par l’obligation vaccinale ont fait l’objet d’une suspension sur les établissements ayant répondu à l’enquête. »

Un impact extrêmement limité, donc. Ce que confirme le DRH qui nous avons contacté, car de nombreuses personnes ont finalement accepté de se faire vacciner. « En octobre, en tout, nous avons eu huit suspensions, dont seulement quatre soignants. Cette obligation vaccinale engendre peu de soignants réellement enlevés des lits. Et donc réintégrer tous les soignants suspendus ne changerait pas grand-chose pour l’hôpital. Par ailleurs, ce n’est pas ce que veulent ceux qui sont en poste. Ils préfèrent travailler seuls que mal accompagnés. Quelqu’un qui ne veut pas faire des vaccins obligatoires est un danger. J’ai rencontré un infirmier qui disait " le Covid-19 n’existe pas". Quelle va être sa prise en charge du patient s’il pense ça ? Le Covid-19, on l’a vécu en première ligne, on a perdu deux collègues. Et depuis que les soignants sont vaccinés, le nombre de clusters a clairement baissé dans mon hôpital. »

Le DRH s’inquiète par ailleurs d’une éventuelle incohérence : « S’il y a une nouvelle flambée de l’épidémie, on va réinstaurer l’obligation vaccinale après l’avoir enlevé ? Ce serait déstabilisant. Suspendre et réintégrer des soignants, ce n’est pas mon métier… » Alors, faut-il rendre la vaccination contre le Covid-19 obligatoire pour tous les professionnels de santé, comme le sont déjà celles contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et l’hépatite B ? Le ministère n’a pas répondu à nos questions. « Dans trois ou quatre ans, si le Covid-19 est derrière nous, on pourrait supprimer l’obligation vaccinale », suggère le DRH. Mais pas avant.

* Le prénom a été modifié.

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