REFUGIESRéfugiées, Liliia et Uliana rêvent déjà du jour où elles pourront rentrer

Guerre en Ukraine : A peine arrivées, Liliia et Uliana rêvent déjà du jour où elles pourront « rentrer à la maison »

REFUGIESLa petite commune de Bessières a accueilli dans la nuit de mardi à mercredi onze femmes et 21 enfants originaires de Vinnytsia, au centre de l’Ukraine. Parmi eux, Liliia et sa fille Uliana qui vont désormais vivre chez Karine et Emmanuel
Liliia et Ulianna, à droite, sont arrivés à Bessières, au nord de Toulouse dans la nuit de mardi à mercredi et logent chez Emmanuel, Karine et leurs enfants.
Liliia et Ulianna, à droite, sont arrivés à Bessières, au nord de Toulouse dans la nuit de mardi à mercredi et logent chez Emmanuel, Karine et leurs enfants. - B. Colin / 20 Minutes / 20 Minutes
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • A Bessières, au nord de Toulouse, des bénévoles et le maire sont partis en Roumanie pour ramener 32 réfugiés ukrainiens dans la nuit de mardi à mercredi.
  • Liliia et sa fille Uliana de huit ans vont désormais vivre chez Emmanuel, Karine et leurs enfants.
  • Une situation difficile à vivre pour cette jeune mère enceinte de son deuxième enfant, qui a quitté son mari, sa famille et toute sa vie.
  • La commune a mis en place une prise en charge de ces personnes, notamment le suivi scolaire en partenariat avec la commune de Vinnytsia, dont ils sont originaires.

Ce mercredi après-midi, Volodymyr Zelensky a pris la parole devant les parlementaires français, appelant au boycott du marché russe ou encore à un soutien pour armer son peuple qui se bat pour la liberté. A 3.000 kilomètres de Kiev, dans la commune de Bessières​, au nord de Toulouse, Liliia regarde le discours de son président, « un héros national », sur une chaîne d’info en continu.

Cette jeune Ukrainienne de 31 ans et sa fille de huit ans, Uliana, sont arrivées à peine quelques heures plus tôt chez leurs hôtes, Emmanuel et Karine. Avec dix autres femmes et 21 enfants, elle a fait un long périple à travers l’Europe dans un car affrété par la ville de Haute-Garonne, avec à son bord le maire, mais aussi des bénévoles et Oléna, une habitante d’origine Ukrainienne.

« Elles ont quitté toute une vie »

Un voyage préparé avec les autorités de Vinnytsia « qui ont organisé l’extraction de ces familles jusqu’à la frontière roumaine », raconte l’édile, Cédric Maurel, qui n’a pas hésité lorsqu’il a fallu venir en aide à ces réfugiés. « La plupart de ces femmes sont parties avec l’équivalent d’un sac à dos, elles ont quitté toute une vie », confie le maire qui a coordonné la prise en charge de ces femmes et enfants par des familles de Bessières.

Emmanuel lui aussi était du voyage. Il a découvert dans le bus une jeune adolescente de 15 ans, qui venait de perdre son père, tué dans les combats, avec pour seule famille à ses côtés, sa jeune sœur de 21 ans. Certains n’avaient pas mangé à leur faim et dormi dans un vrai lit depuis longtemps. Pour ce fils de réfugiés espagnols, accueillir chez lui Liliia et Uliana allait de soi. « On avait de la place, on pouvait le faire », assure simplement cet employé municipal qui échange avec la jeune femme grâce à quelques mots d’anglais et à une indispensable application de traduction.

Enceinte de quatre mois, elle a tout quitté : son mari, ses parents, sa vie à Vinnytsia où elle était comptable. Jamais elle n’aurait pensé partir. « Mais il y a eu des explosions, nous vivions cachés, il y avait jusqu’à dix alertes par jour, c’était effrayant. Mon mari m’a demandé dès le premier jour de quitter le pays pour que notre enfant ne voit pas la guerre », explique-t-elle alors que son téléphone bipe sans cesse au rythme des informations venues d’Ukraine, des images de destruction des villes de son pays, du décompte terrible d’enfants tués depuis l’attaque russe.

Suivi des cours, insertion dans les associations

Son conjoint qui travaille sur les réseaux électriques de la ville du centre de l’Ukraine est resté sur place et jusqu’au dernier moment elle n’a pas révélé à sa petite fille qu’elles allaient quitter leur pays pour la France, loin du front. Les beaux yeux bleus d’Uliana sont tristes mais la présence de Néo et Naël, les enfants de Karine, permet de lui redonner un peu le sourire. Tous vont aussi pouvoir retrouver les autres familles arrivées à leurs côtés. Un fil de discussion sur WhatsApp a déjà été créé et la mairie met à leur disposition une salle pour qu’elles puissent se retrouver.

« Nous allons faire en sorte que tout le monde ait des cours de français. Grâce à un dispositif avec la ville de Vinnytsia, les élèves vont continuer à suivre les cours en visio et pourront ainsi valider leur cursus, les plus petits seront intégrés aux écoles françaises », détaille Cédric Maurel. Des associations sportives ont déjà proposé d’intégrer les familles à leurs activités et une association, Solid’Ukraine 2022, a été créée pour leur venir en aide.

Liliia est déjà « reconnaissante, de l’aide et du soutien », apportés par tous les volontaires. Mais aussi envers l’Europe « pour ses équipements de protection et ses armes ». « Si, avec d’autres, elle ne nous avait pas soutenus, notre pays n’existerait peut-être plus. Notre armée s’en sortira sur terre. Mais notre ciel est ouvert, il s’agit d’un grand danger auquel l’Ukraine a du mal à faire face seule. Et puis il faut aménager au moins un couloir humanitaire pour l’évacuation en toute sécurité des personnes », estime la jeune mère dont on lit la fatigue sur le visage.

« La population ukrainienne est plus unie que jamais »

Si elle n’avait pas voté pour Zelensky, aujourd’hui elle est derrière l’humoriste devenu chef de guerre à « 100 % ». Et elle croit en l’armée de son pays. « La population ukrainienne est plus unie que jamais, chacun aide autant qu’il peut. Les femmes tissent des filets de camouflage, des nombreux hommes ont rejoint l’armée dès le premier jour, ils ont fait la queue devant les bureaux d’enrôlement militaire durant des jours », raconte-t-elle.

Ce voyage en France est loin de celui qu’elle avait un jour imaginé. La guerre l’a précipitée sur les routes d’Europe, chez des inconnus. Karine et Emmanuel vont tout faire pour qu’elle se sente au mieux chez eux. Liliia espère se faire des amis et apprendre le français. « Pour la première fois depuis le début de la guerre, je suis en sécurité. Mais dès que notre pays sera calme, nous rêvons de rentrer à la maison ».