CYCLISMEComment Christophe Laporte est devenu l’un des favoris de Paris-Roubaix

Paris-Roubaix : Christophe Laporte peut mettre fin à 25 ans de malédiction française dans l’Enfer du Nord

CYCLISMESixième en 2021, Christophe Laporte peut viser beaucoup plus haut ce dimanche dans Paris-Roubaix. Son passage de Cofidis chez Jumbo-Visma l’a fait changer de dimension
Avant Paris-Roubaix, Christophe Laporte a signé un superbe début de saison, notamment sur Paris-Nice début mars.
Avant Paris-Roubaix, Christophe Laporte a signé un superbe début de saison, notamment sur Paris-Nice début mars. - Shutterstock / Sipa / Pixpalace
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Christophe Laporte peut espérer devenir ce dimanche le premier Français à remporter Paris-Roubaix depuis Frédéric Guesdon en 1997.
  • L’ancien coureur de Cofidis réussit un début de saison de très haut niveau dans l’armada néerlandaise de la Jumbo-Visma.
  • Plus encadré, Laporte peut faire fructifier un potentiel qu’il n’a pas toujours exploité au maximum.

Favori ? Gros outsider ? Peu importe après tout. Ce dimanche, la victoire d’un Français dans Paris-Roubaix ne serait pas une énorme surprise, et c’est déjà un événement en soi, dans une épreuve où la dernière victoire tricolore remonte au millénaire dernier, avec Frédéric Guesdon en 1997. A 29 ans, Christophe Laporte a changé de statut cet hiver en même temps que d’écurie et de pays. Au revoir la France et Cofidis, bonjour les Pays-Bas et Jumbo-Visma, avec sa constellation de Galactiques, en premier lieu Primoz Roglic et Wout van Aert.

« Pour être le meilleur coureur possible, il fallait aller dans la meilleure équipe, résumait au début du mois dans Ouest France le 6e de la très boueuse édition 2021 de l’Enfer du Nord. J’ai eu cette opportunité. Je ne voulais pas avoir de regrets à la fin de ma carrière. » « Nous sommes très contents de lui, salue Mathieu Heijboer, directeur de la performance de la Jumbo. On savait déjà qu’il était très fort. Mais il nous a quand même un peu étonnés. Il a tout de suite été l’un des meilleurs coureurs de classiques. A chaque fois, il s’est battu pour la victoire ou a aidé Wout. »

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Impressionnant dès sa première sortie lors de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, auteur de sa première victoire en World Tour dans l’étape inaugurale de Paris-Nice – encadré et adoubé par ses « patrons » van Aert et Roglic – 2e du Grand Prix E3 (derrière van Aert) puis de Gand-Wevelgem, 9e du Tour des Flandres… Laporte cartonne, même s’il est loin de sortir de nulle part, comme le rappelle Alain Deloeuil, son ancien mentor chez Cofidis.

« Meilleure équipe du monde » avec le « meilleur coureur du monde »

« On n’est pas trop surpris, glisse l’historique directeur sportif de la formation nordiste, où le Varois a passé huit saisons. Christophe a eu une progression constante. Beaucoup disent que ce n’est plus le même coureur. Mais il faut ramener les choses dans leur contexte. Chez nous, il avait quand même fait 6e de Paris-Roubaix, 4e de Gand-Wevelgem [en 2018] ou 11e du Tour des Flandres [en 2021]. »

Mais en partant aux Pays-Bas, le grand Sudiste (1,89 m) a quand même gagné au change. « Il a passé un cap car il évolue dans la meilleure équipe du monde des classiques avec le meilleur coureur du monde, reprend Deloeuil. Quand van Aert est là, il pèse sur la course avec ses équipiers de qualité. Dans les classiques, c’est une équipe respectée comme la Quick Step, avec donc beaucoup plus de facilités à courir à l’avant du peloton. »

Assistant sportif chez Cofidis, resté proche de Laporte, Christophe Hajaer enchaîne : « Chez nous, il avait déjà fait de super performances. Pour moi, il est dans la continuité. Il est peut-être plus rigoureux dans son métier. Evoluer dans une équipe qui joue la gagne très régulièrement, ça motive toujours. » On en revient au cliché, si fréquent dans le foot, du Français un peu trop pépouze quand il évolue à domicile avant de sortir le grand jeu hors de ses frontières.

« Christophe, c’est quelqu’un qu’il ne fallait pas trop bousculer au début, développe Alain Deloeuil. Il gagnait ses quelques courses, ça lui allait très bien. Tout d’un coup, il s’est dit : " je vais peut-être essayer de voir si je suis à la limite ou si je peux encore progresser ". Il est parti chez Jumbo. En début de saison, il a fait trois semaines de stage à Tenerife, en altitude. Chez nous, c’était la croix et la bannière pour le faire partir aussi longtemps. Mais quand on arrive dans une équipe avec un leader comme Wout van Aert qui dit : " on s’en va trois semaines ", je ne pense pas qu’on réponde : " non, je n’y vais pas ". »

Laporte a donc arpenté les hauteurs des Canaries en février, avec son leader et sa garde rapprochée aux patronymes qui fleurent bon les classiques flandriennes : Tiesj Benoot, Mike Teunissen, Tosh Van der Sande et Nathan Van Hooydonck. Après s’être bâti une caisse et avoir perfectionné son anglais (Jumbo, magnanime, n’exige pas l’usage du néerlandais), l’effet a été immédiat une fois revenu en Europe.

Wout Van Aert et Christophe Laporte lors de l'arrivée du Grand Prix E3 le 25 mars 2022. Le Belge l'a emporté devant le Français.
Wout Van Aert et Christophe Laporte lors de l'arrivée du Grand Prix E3 le 25 mars 2022. Le Belge l'a emporté devant le Français. - Shutterstock / Sipa

Et ce n’est pas fini, selon Mathieu Heijboer. « Quand il va faire encore plus de stages, il pourra développer son " moteur " et encore plus s’entraîner que ce qu’il a été habitué à faire, explique l’ancien coureur hollandais. Il a appris des choses sur la nutrition, pendant et après la course mais aussi après l’entraînement. Et il peut encore perdre des kilos, peut-être deux. »

Passé « du Stade Rennais au Real Madrid »

Cet entraînement personnalisé est bien entendu l’un des secrets de la réussite actuelle du Varois, comme il le reconnaît lui-même. Pour Deloeuil, son ancien poulain est passé cet hiver « du Stade Rennais au Real Madrid ». « Les budgets sont différents, les structures aussi, convient le directeur sportif de Cofidis. Là où nous mettons une ou deux personnes autour d’un coureur, ils en mettent cinq ou six. »

Et ce nouveau confort sert plutôt d’aiguillon que de somnifère. Ses débuts réussis chez Jumbo ont donné une légitimité à Laporte avant Paris-Roubaix. Bien sûr, le retour de Van Aert, forfait au Tour des Flandres et à l’Amstel Gold Race pour cause de Covid, risque de rogner ses prérogatives. Mais la direction de l’armada néerlandaise assure que son cador, grand battu de l’édition 2021 remportée par Sonny Colbrelli, sera avant tout un équipier de luxe pour Teunissen, Van Hooydonck et le Français. « On compte sur Christophe dans le final, on va le protéger », assurait Mathieu Heijboer avant l’officialisation de la participation de Van Aert, jeudi.

Disputée le 3 octobre, l'édition 2021 de Paris-Roubaix avait été particulièrement boueuse, pour les coureurs dont Christophe Laporte (en rouge avec Cofidis), 6e à l'arrivée.
Disputée le 3 octobre, l'édition 2021 de Paris-Roubaix avait été particulièrement boueuse, pour les coureurs dont Christophe Laporte (en rouge avec Cofidis), 6e à l'arrivée. - Alex Broadway / Shutterstock / Sipa

Impeccable sur le plat, à l’aise sur les pavés et rapide au sprint, le méridional affiche toute la panoplie d’un candidat au succès dans la Reine des classiques. « Je l’ai vu progresser sur Paris-Roubaix d’année en année, relève Christophe Hajaer, qui lui a si souvent massé les cuissots après les courses. Les premières années, il ne passait pas les 200 ou 220 bornes puis il a franchi un cap. Il vient du VTT et les trajectoires, c’est un point fort pour lui. Il sait aussi très bien se placer dans le peloton. Pour moi, c’est un vainqueur en puissance dans les prochaines années. »


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« Je serais content et frustré à la fois s’il gagne », avoue Alain Deloeuil, dont la formation est « orpheline » de Laporte avant la course de dimanche. « Mais il le mériterait. Ce n’est plus un coureur de chez moi, mais je l’apprécie énormément. » Le potentiel de Laporte fait l’unanimité chez nos interlocuteurs. Comme le côté tellement aléatoire d’une course qui la rend aussi mythique pour les observateurs que parfois désespérante pour ses acteurs.