CRITIQUESJean Tirole juge le programme de Le Pen « dissimulateur et non financé »

Présidentielle 2022 : Le prix Nobel Jean Tirole juge le programme de Marine Le Pen « dissimulateur et non financé »

CRITIQUESSelon le lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques, le programme de Marine Le Pen est financé « à l’aide de recettes hélas en partie fictives »
Jean Tirole a reçu en 2014 le prix de la Banque de Suède en sciences économiques.
Jean Tirole a reçu en 2014 le prix de la Banque de Suède en sciences économiques. - ERIC DESSONS/JDD / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Jean Tirole est inquiet : « depuis la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite n’a jamais été aussi proche du pouvoir ». Le prix Nobel d’économie français a donc décidé d’attaquer Marine Le Pen en passant au crible ses propositions économiques. Et le constat est sévère : le programme est selon lui « dissimulateur et non financé » et « appauvrira durablement notre pays ».

« Le programme de Marine Le Pen est une liste à la Prévert de dépenses supplémentaires, largement sous-estimées à 68 milliards d’euros par an, financées à l’aide de recettes hélas en partie fictives », affirme-t-il dans une tribune parue samedi dans La Dépêche du Midi.

Sur l’immigration, le calcul « repose sur du vent »

Selon le lauréat en 2014 du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, les 16 milliards d’euros d’économies que Marine Le Pen dit vouloir faire grâce à des mesures sur l’immigration sont « un calcul qui repose sur du vent : toutes les études montrent que les immigrés ne coûtent quasiment rien en termes d’argent public, car les cotisations sociales de ceux qui travaillent compensent les coûts imputés à notre système de protection sociale ».

S’interrogeant aussi sur comment la candidate réalisera « 8 milliards d’économies sur le fonctionnement de l’Etat », il estime, comme avant lui l’institut Montaigne, que « le coût de son programme de dépenses semble très sous-estimé ». « Redescendre l’âge de la retraite à 60 ans mettra en faillite notre système, avec des conséquences importantes pour les plus défavorisés », affirme par exemple Jean Tirole alors que la candidate RN veut réinstaurer cet âge de départ pour ceux qui ont commencé à travailler entre 17 et 20 ans.

Les propositions de Marine Le Pen ne permettront « ni de préparer l’avenir, ni de réduire les inégalités », d’après l’économiste qui prend pour exemple l’exonération d’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans qui s’appliquerait aussi pour un haut diplômé « gagnant cinq fois le Smic ».

« Un Frexit qui ne dit pas son nom »

Constatant que malgré une dette publique passée de 100 % à près de 116 % du PIB en raison de la crise sanitaire, la France n’a pas perdu la confiance des marchés, il anticipe que « le manque de prévoyance du programme de Marine Le Pen ne rassurera pas ces derniers, qui verront dans la France une version européenne de l’Argentine ».

Enfin, si la candidate RN « ne parle plus de quitter l’Europe et l’euro, son programme revient à s’asseoir sur les règles européennes et créera immédiatement une profonde crise de l’Union, avec des répercussions immédiates sur la crédibilité budgétaire de la France », prévient le prix Nobel. Il s’agirait en fait « d’un Frexit qui ne dit pas son nom ».