CAMPAGNEAprès ses 22 % et une candidature à Matignon, Mélenchon pousse son avantage

Législatives 2022 : Après ses 22 % et une candidature à Matignon, Mélenchon tente de pousser son avantage

CAMPAGNEPour les législatives, La France insoumise a posé ses conditions et Jean-Luc Mélenchon décidé de se mettre en première ligne, au risque de charger la barque pour le reste de la gauche
Jean-Luc Mélenchon et les insoumis sur les bancs de l'Assemblée nationale. (archives)
Jean-Luc Mélenchon et les insoumis sur les bancs de l'Assemblée nationale. (archives) - LUDOVIC MARIN / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Après sa troisième position et ses 22% au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a appelé les Français à faire de lui leur Premier ministre en élisant une majorité LFI à l'Assemblée nationale lors des législatives de 12 et 19 juin.
  • Les insoumis sont en position de force pour poser leurs conditions. Si les contacts ont été pris avec les communistes et les écologistes, Jean-Luc Mélenchon n'a pas fermé la porte aux socialistes mardi.
  • Les conditions semblent favorables à une union. « Cette fois, on peut vraiment gagner », résume le député LFI Eric Coquerel.

Au lendemain du premier tour de la présidentielle, certains journaux annonçaient que Jean-Luc Mélenchon allait prendre, à l’automne, la direction d’une fondation proche de La France insoumise. Une sorte de pré-retraite, en somme. Mais mardi soir, les ambitions étaient clairement différentes lorsque, sur BFMTV, le député de Marseille a demandé aux Français de l'« élire Premier ministre » lors des législatives de juin prochain. Rien de moins. Fort des 22 % de Jean-Luc Mélenchon le 10 avril, le coordinateur insoumis, le député Adrien Quatennens, avait déjà dit vouloir « imposer une cohabitation » au président ou à la présidente qui sera élue dimanche. L’affaire a désormais changé de dimension.

Même s’il a raté le second tour, le bloc de gauche sort du premier tour de l’élection présidentielle en meilleure santé qu’en 2017 : ses candidates et candidats ont récolté près de 32 % des voix, contre 27,5 % en 2017. Ce score, plus au moins égal à celui de l’extrême droite (selon qu’on y ajoute Nicolas Dupont-Aignan ou pas), peut, effectivement, lui permettre de nourrir quelques espoirs pour les élections législatives. Dans une centaine de circonscriptions, le total des voix de gauche dépasse les 40 % et, dans une quarantaine d’entre elles, ce total dépasse même les 50 %. Loin de la majorité absolue (289 sièges) mais peut-être de quoi dépasser les 60 sièges détenus aujourd’hui par les socialistes, communistes et insoumis à l’Assemblée – voire devenir la principale opposition en cas de large union qui permettrait – au moins – à la gauche d’être au second tour dans de nombreuses circonscriptions.

Des conditions à l’union

Tout ça, c’est sur le papier. « Je veux faire passer un message fort : pas de règlements de compte, pas de rancœur, pas d’acrimonie. Il faut se rassembler », a dit Jean-Luc Mélenchon mardi. Rien à voir avec 2017, où LFI était partie seule à la bataille pour les législatives. « La situation est complètement différente d’il y a cinq ans, avance le député Eric Coquerel. A l’époque on ne pouvait pas gagner. L’enjeu, c’était de faire élire le plus possible de députés de résistance. Cette fois, on peut vraiment gagner, ça change la donne. »

Il y a quatre conditions à l’union, posées par le camp LFI : accepter la stratégie d’union populaire – c’est-à-dire « ne pas ressusciter des stratégies d’accord à géométrie variable entre organisations politiques » –, explique un communiqué de l’intergroupe parlementaire insoumis, faire campagne pour gagner les élections législatives car « l’ambition ne peut pas se réduire à sauver un maximum de députés de chaque formation politique », « tourner la page des relations fortement dégradées » par la campagne présidentielle et, surtout, soutenir le programme. La France insoumise considère que son programme doit être la base de travail et fixe des conditions sine qua non, comme le Smic à 1400 euros, la retraite à 60 ans, l’abrogation de la loi El Khomri, etc. Sans mentionner le programme international très controversé. Le fait de devoir se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon dans la campagne législative et – potentiellement – à Matignon, apparaît presque comme une cinquième condition.

Avec ou sans le PS ?

L’inflexion par rapport à 2017 est notable, mais la dot que doivent apporter les mariées de la gauche est lourde. Côté communiste, une première rencontre a déjà eu lieu sans trop de problèmes. Même le NPA a apprécié la main tendue de LFI. Chez EELV, on est plus prudents : Julien Bayou, le secrétaire national du parti, souhaite « a minima sur un pacte de non-concurrence » et a tiqué sur une clé de répartition proportionnelle des circonscriptions entre partis, basée sur le premier tour de la présidentielle… ce qui serait extrêmement défavorable aux écologistes. « C’est pas la lutte des places, c’est la lutte des classes », a dénoncé Jean-Luc Mélenchon mardi soir, expliquant qu’il ne proposait pas un accord électoral mais « un accord stratégique qui devient un accord électoral ».

Reste la question du Parti socialiste, pas destinataire de la lettre des insoumis, malgré la main tendue d'Olivier Faure. « Il n’y aura pas de discussion avec le PS, et ce refus est définitif », déclarait dans Le Journal du dimanche Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Mardi, Adrien Quatennens, sur France Bleu Nord, et Manuel Bompard, ex-directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, dans Regards, semblaient moins catégoriques. En fin de journée, Jean-Luc Mélenchon – qui inclut les voix d’Anne Hidalgo dans le « bloc populaire » qu’il appelle de ses vœux – a plaidé pour des discussions « sans exclusives », y compris avec les socialistes qui accepteraient les conditions.

Porte ouverte

« C’est au PS de clarifier sa position, juge Eric Coquerel. Le problème, avec eux, c’est qu’on ne sait pas trop à qui on a affaire. Si c’est le PS d’Anne Hidalgo, qui n’a jamais été capable de dire ce qu’elle ferait en cas de second tour Mélenchon-Macron, je ne sais pas ce qu’on peut faire ensemble. Mais j’ai aussi entendu Olivier Faure… » Le premier secrétaire du PS est parvenu, mardi soir, à faire adopter par le conseil national du parti (le « parlement » du PS) une motion autorisant des discutions en vue des législatives avec toute la gauche, y compris la France insoumise. Après l’interview de Jean-Luc Mélenchon, qui a personnalisé les enjeux, l’affaire ne paraissait pas entendue.

« Il a été habile, il a une stratégie », reconnaissait tard mardi soir un membre du conseil national du PS, pourtant régulièrement agacé par l’attitude du député de Marseille envers son ancien parti. « On ouvre la porte et on discute, après on verra… », ajoute le même, prudent. Après la campagne présidentielle acrimonieuse que vient de vivre la gauche, discuter dans un cadre un peu formel, ce n’est pas rien. Il reste un petit mois aux formations de gauche (avant la clôture des candidatures pour les législatives) pour tenter d’aller au-delà. Ce ne sera pas de trop.