CAMPAGNELa « suffisance » d’Emmanuel Macron peut-elle lui coûter des points ?

Présidentielle 2022 : La « suffisance » d’Emmanuel Macron lors du débat peut-elle lui coûter des points ?

CAMPAGNELe président-candidat s'est souvent tenu de manière désinvolte lorsque Marine Le Pen s'exprimait, mercredi, lors du grand débat d'entre-deux tours
Emmanuel Macron en train d'écouter Marine Le Pen lors du débat présidentiel d'entre-deux tours, le 20 avril 2022.
Emmanuel Macron en train d'écouter Marine Le Pen lors du débat présidentiel d'entre-deux tours, le 20 avril 2022.  -  ISA HARSIN/SIPA / SIPA
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont débattu durant près de trois heures, mercredi, pour la traditionnelle confrontation de l’entre-deux-tours.
  • Par sa gestuelle et ses mots, le président-candidat a montré par moments un « grand détachement », voire de l’arrogance à l’égard de son adversaire.
  • Au point de perdre des voix dimanche ? Pas sûr…

Il a tenu, allez, une petite demi-heure avant de commencer à afficher ostensiblement sa désinvolture. En était-ce, d’ailleurs, ou plutôt de l’arrogance, du mépris, voire de l’ennui parfois ? Peut-être un peu de tout ça… ou pas du tout. Personne n’est dans la tête d'Emmanuel Macron, mais tous ceux qui ont regardé le débat opposant le président-candidat à Marine Le Pen, mercredi soir, n’ont pas manqué de noter son attitude parfois légère, penché en avant sur son pupitre, le sourcil arqué ou la tête reposée sur son poing, comme s’il attendait d’entendre enfin quelque chose d’intéressant dans ce qui reste un événement majeur de la vie démocratique française. On s’est même demandé, à un moment, s’il n’allait pas finir par mettre les pieds sur la table. Son équipe l’a peut-être craint aussi, puisqu’elle a demandé aux réalisateurs de l’émission d’en faire moins sur les plans de coupe, rapportait France Inter ce jeudi matin. En vain.

Le président sortant à l’offensive, une rareté

Etait-ce la traduction de sa plus grande maîtrise des dossiers très vite apparue, alors que l’on pouvait s’attendre à un départ bille en tête de Marine Le Pen sur sa si chère thématique du pouvoir d’achat ? Possible. « La suffisance contre l’incompétence », commentait ainsi le maire de Chalon-sur-Saône Gilles Platret, un des cadres de LR. Plus alerte pour rebondir et mettre son opposante face à ses contradictions, et finalement plus à l’aise, Emmanuel Macron n’a en tout cas pas hésité à montrer un visage offensif, à l’attaque face à une Marine Le Pen sur la retenue. L’inverse de ce que l’on imaginait entre un président sortant et sa challengeuse.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

« C’est vraiment étonnant, Marine Le Pen n’a pas su aller le chercher sur son bilan, son passif. Il y avait pourtant de quoi faire, observe la politologue Virginie Martin. Elle aurait pu être facile sur la gestion du début de la crise Covid avec les masques, les "gilets jaunes" dans la rue tous les samedis, McKinsey ou son inaction climatique. Mais elle a préféré rester sur sa ligne, de son côté du terrain. » Laissant le champ libre à son adversaire.

Le Pen gagnante par effet miroir ?

Ce dernier s’y est engouffré, mais en cédant à la facilité, estime notre experte. « Il a été d’un grand détachement, et a donné l’impression de ne pas avoir travaillé les sujets importants de la démocratie, de l’extrême droite, dit-elle. Le moment était historique, si l’on considère que cela fait trois fois que le RN est au 2e tour et que cela tombait vingt ans après le 21 avril. Il aurait pu rappeler le débat Chirac-Le Pen qui n’a pas eu lieu, le choc… Il y avait d’autres choses à faire que revenir sur l’emprunt de Marine Le Pen à une banque étrangère. »

Virginie Martin est sévère avec le président-candidat sur son attitude générale, qu’elle qualifie de « je-m’en-foutiste » et « désagréable ». « On attend mieux d’un chef d’État. Et il a manqué une occasion de tendre la main aux Français, de montrer qu’il avait entendu les critiques de son premier quinquennat », ajoute-t-elle. De ce point de vue, on peut se demander si Emmanuel Macron n’a pas laissé quelques plumes dans la bataille. L’entourage de Marine Le Pen se raccroche d’ailleurs à cette branche ce jeudi, assurant que la suffisance de l’adversaire a fait gagner la candidate RN par effet miroir.

Simple confirmation

Pas vraiment, répond Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos. Du moins, pas au point de faire bouger les lignes dans les sondages. « Ce débat n’a fait que confirmer ce que les Français pensaient déjà », pose-t-il, avant de détailler : « D’un côté, Marine Le Pen conserve de vraies difficultés sur le fond, elle n’a pas réussi à en finir avec cette perception très ancrée d’incompétence du RN, ou en tout cas d’inaptitude à gouverner. De l’autre, les Français pensent Emmanuel Macron capable de faire face à des crises, de gérer le pays, même si ce n’est pas une personnalité qu’ils apprécient à cause de ce côté arrogant, éloigné des préoccupations quotidiennes. »

Certains auront donc pu être interloqués par ce qu’ils ont vu mercredi, mais pas de quoi non plus hurler à la surprise ou à la contrefaçon. « Quelques électeurs de gauche qui hésitaient entre lui et l’abstention choisiront peut-être la deuxième option à cause de ça, mais cela restera marginal », complète Mathieu Gallard.


Notre dossier sur la présidentielle

En tête des sondages de manière de plus en plus prononcée à mesure que l’on avance dans cet entre-deux tours, le président sortant n’aura certainement pas perdu de points mercredi – et c’était là son grand objectif. Il en sera peut-être autrement de sa popularité, mais ce n’est pas encore un sujet. Quant au débat, il ne faudrait pas oublier l’essentiel, rappelle Virginie Martin : « Au final, on a vu une discussion sans vision, sans allant, sans projection, sans épaisseur. A quoi va ressembler la France en 2050 ? Je n’ai pas entendu de réponse. »