VIE PRATIQUEGare à l'inflation masquée dans les grammages des aliments

Alimentation : Gare à l’inflation masquée dans les grammages des produits

VIE PRATIQUEDes yaourts moins remplis au changement de recettes, certains industriels font preuve d’ingéniosité pour réduire le coût des produits sans changer le prix à l’unité
A trop avoir les yeux rivés sur le prix à l’unité, on peut passer à côté d’une augmentation masquée du coût au kilo.
A trop avoir les yeux rivés sur le prix à l’unité, on peut passer à côté d’une augmentation masquée du coût au kilo. - iStock / City Presse / City_presse
Julie Polizzi pour 20 Minutes

Julie Polizzi pour 20 Minutes

Si les tarifs de l’énergie et des carburants explosent, l’inflation n’épargne pas non plus les produits de grande distribution. Pour limiter au maximum la facture, les Français font donc plus que jamais jouer la concurrence. Mais à trop avoir les yeux rivés sur le prix à l’unité, on peut parfois passer à côté d’une augmentation masquée du coût au kilo.

Ne pas dissuader l’achat

Tout récemment, des acheteurs ont alerté 60 Millions de consommateurs sur les sachets d’une marque de pâtée pour chat passés de 100 g à seulement 85 g, tandis que le prix avait augmenté. Un exemple annonciateur de pratiques bien connues du magazine. « On a dénoncé ce type de méthodes d’inflation masquée dès 2008 », explique Lionel Maugain, journaliste spécialisé dans les sujets financiers pour la revue. Et de préciser : « On parle ici de tous les stratagèmes utilisés par les fabricants pour dissimuler une hausse du prix à l’unité. »

À l’époque, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) avait enregistré une inflation record de 2,8 % sur l’année. Or, lorsque l’augmentation des tarifs est généralisée, les ménages sont amenés à prioriser leurs achats. Me Florent Prunet, avocat associé en droit de la consommation au cabinet Jeantet à Paris, analyse : « Cette stratégie de shrinkflation [l’équivalent anglo-saxon] repose sur l’idée que le consommateur est plus sensible au prix qu’à la quantité du produit. En diminuant le volume de façon indolore sans toucher au tarif, les marques évitent par conséquent de dissuader l’achat. »

À chacun sa technique

Dès lors, un paquet de biscuits pesant plusieurs centaines de grammes peut facilement en perdre une trentaine sans que cela ne saute aux yeux, tout comme un sachet de céréales moins rempli ou des desserts individuels délestés de 10 g en remplaçant le fond plat du pot par un fond concave.

Lionel Maugain met également en garde contre le changement de recette du produit : « Dans ce cas, le fabricant va par exemple utiliser des ingrédients moins nobles et donc moins chers. » La transformation du packaging peut elle aussi parfois relever de l’inflation masquée, en laissant penser que cette innovation justifie une augmentation du prix, alors que cette dernière est en réalité plus importante que le surcoût du nouvel emballage. De même, 60 Millions de consommateurs a dernièrement dénoncé des promotions s’accompagnant d’un changement de format des produits, « ce qui perturbe les repères des acheteurs », suivies par une hausse de prix de 10 % en moyenne par rapport au tarif relevé avant l’opération.

Avoir l’œil et le bon

Alors que l’inflation a atteint 1,6 % en 2021 et promet d’être encore plus forte en 2022, les spécialistes s’attendent à voir ces techniques marketing se multiplier dans les mois à venir. Or, ces modifications sont d’autant plus discrètes que les formats des produits de grande consommation sont libres depuis une directive européenne de 2007, entrée en vigueur en 2009. Outre les tablettes de beurre classique en 125 ou 250 g, on voit ainsi fleurir des versions en 225 g. Même chose pour la boisson d’1 litre qui cohabite aujourd’hui avec des bouteilles de 1,25 l, 1,75 l et 2 l, sans compter les formats mini. Difficile par conséquent de faire un comparatif éclairé.

Pour ne pas s’y laisser prendre, une seule solution : « Il faut toujours se fier au prix du produit au kilo ou au litre et faire attention aux modifications de packaging », conseille le journaliste Lionel Maugain. Sachez aussi que les articles des distributeurs sont en général moins sujets à cette inflation masquée, là où les marques « premium » tentent davantage de contenir le prix sur l’étiquette.

Au niveau du droit

Si ces techniques nous paraissent plus que discutables moralement, elles sont légales. En effet, tant que les mentions obligatoires sur le prix et les quantités sont respectées, les fabricants peuvent bien faire ce qu’ils veulent. Ainsi, le nouveau grammage amoindri est précisé sur un côté du paquet, tandis que le prix inchangé à la pièce est accompagné de celui au kilo ou au litre. C’est donc plutôt l’omission de la modification qui serait de nature à induire les acheteurs en erreur. Sauf que « le défaut de communication sur le changement de format n’est pas sanctionné comme une pratique déloyale puisque non seulement l’information est correcte, mais de plus on ne peut pas prouver que si le consommateur avait été mieux averti, il n’aurait pas réalisé cet achat », conclut Me Prunet.