CYCLISMEAvant Liège la pression sur les épaules d’Alaphilippe est-elle trop grande?

Liège-Bastogne-Liège : Champion du monde, Julian Alaphilippe a-t-il trop de pression sur ses épaules ?

CYCLISMEJulian Alaphilippe n’est pas dans la forme de sa vie avant Liège-Bastogne-Liège. La pression du maillot de champion du monde et la saison des classiques de la Quick-Step, désormais entre ses mains, pèsent lourd sur ses épaules
Julian Alaphilippe (Quick-Step Alpha Vinyl)
Julian Alaphilippe (Quick-Step Alpha Vinyl) - Olivier Matthys/AP/SIPA / SIPA
William Pereira

William Pereira

L'essentiel

  • Julian Alaphilippe aborde Liège-Bastogne-Liège avec moins de certitudes que les années précédentes.
  • Sur la Flèche wallonne, mercredi, le Français a terminé 4e au mur de Huy, où il paraissait auparavant imbattable.
  • Le champion du monde se met beaucoup de pression depuis qu’il porte le maillot arc-en-ciel. Trop ?

Quelque chose ne tourne pas rond. D’une, Julian Alaphilippe n’a pas remporté la Flèche Wallonne en milieu de semaine et de deux, il s’en satisferait presque. « Je suis soulagé que la course soit terminée, soupirait le champion du monde en zone mixte. J’ai fait ce que j’ai pu, les jambes ont parlé. J’avais pas mal de pression sur les épaules avant le départ. » Le langage corporel du Français, moins explosif et aérien qu’à l’accoutumée, n’a trompé personne. La crispation était de fait palpable. Faut-il y voir la pression d’une équipe qui tourne moins bien cristallisée dans un seul homme dont dépend désormais la réussite de la Quick-Step Alpha Vinyl sur les classiques ?

C’est la théorie de l’ancien coureur Steve Chainel. « Je pense que ça l’affecte un peu. Peut-être qu’au sein de son équipe, on le met gentiment sous pression. Evidemment que Julian sait la gérer vu son palmarès, mais c’est peut-être pas la même donne d’avoir quasiment la saison de classiques de ton équipe entre tes mains que quand il allait sur la Flèche, l’Amstel et Liège avec Asgreen, vainqueur sur les Flandres, Lampaert et Stybar sur le podium à Roubaix et Sénéchal, vainqueur une belle classique. Forcément, la pression n’est plus la même. » Les mots d’Alaphilippe vont dans ce sens. « J’ai l’impression que la pression augmente d’année en année, surtout avec tout ce que l’on dit sur nous et notre début de saison. »

La Quick-Step Alpha Vinyl décevante ce printemps

Pour ceux à qui ça aurait échappé, la formation belge, insolente collectionneuse de succès majeurs depuis l’extinction des dinosaures au moins, s’essaye depuis le début de l’année à la lose. Parfois de manière gênante, à l’image de ce passage en force de la voiture du directeur sportif de la Quick-Step sur la Flèche Brabançonne, qui, par effet domino, causa la chute et l’abandon de Julian Alaphilippe. Anecdotique, mais pas trop. « C’est le genre de truc qui n’arrive pas quand tout va bien », dit Chainel.

Du côté des directeurs sportifs, on est lucide. Pas de « oui mais on a des victoires sur des courses secondaires avec Jakobsen, Evenpoel et Cavendish ». Tout au plus du fatalisme lié à ces dernières semaines, ces derniers mois, et ce foutu Covid-19 qui a pas mal affecté la préparation d’avant-classiques. « On peut faire une longue liste de coureurs malades pendant la préparation, pendant la compétition et qui ont dû abandonner les courses, énumère Rik van Slycke, un des dirigeants de la Quick-Step. Ce que tu n’as pas pris pendant la préparation, tu ne peux pas le récupérer les jours suivants. ». Il poursuit :

« Si on fait le calcul, on a été très malchanceux et à cause de ça, on a couru des courses en étant moins agressifs parce qu’on avait pas les coureurs en forme. Et en plus de ça, la concurrence n’a pas dormi, avec des bonnes recrues. Les autres ont fait une copie de notre équipe, de nos tactiques. Ils commencent à rouler comme nous. » »

Van Slycke estime que Liège-Bastogne-Liège sera la deuxième course de la saison où son équipe sera à 100 % de ses capacités. La première étant Paris-Roubaix, où, pas de bol là encore, Yves Lampaert s’est viandé à sept bornes de l’arrivée alors qu’il était encore dans le coup. Dimanche, Alaph’ pourra compter sur la complicité de Remco Evenepoel, qui, en ancien footeux, trouve encore du plaisir dans la passe décisive. « J’ai eu le temps de lever les bras pour apprécier sa victoire, j’en ai eu la chair de poule », jubilait le jeune Belge après avoir aidé le Français à remporter son premier succès en 2022, sur le Tour du Pays basque.

« Pas à la rue complet », annonce Alaphilippe

C’est aussi lui qui l’a amené dans la roue de Pogacar au mur de Huy – erreur stratégique, certes, mais bien intentionnée. Le directeur sportif espère que sa présence et celles de Vansevenant et Van Vilder sauront réconforter le Français avant dimanche. « Il a des équipiers qui sont à 100 % derrière lui, et avec Remco, il sait qu’il n’a pas la pression d’être tout seul. Même quand il veut gagner, il aime savoir qu’il n’est pas tout seul à pouvoir réussir. » On peut le comprendre. Le maillot de champion du monde est déjà suffisamment lourd à porter pour un seul homme, s’il faut en plus tenir une équipe à bout de bras, il y a de quoi péter un câble et courir à reculons.


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« De temps en temps il veut trop prouver, reprend Van Slycke. Il veut être digne de son maillot, alors il fait ses efforts au mauvais moment, il y a de la nervosité, une envie de bien faire. » Pour ce qui est des jambes, les dernières sorties à l’entraînement ont été positives et personne ne semble s’en inquiéter, Alaphilippe le premier : « Je ne suis non plus pas à la rue complet. » Avec un Pogacar moins aérien qu’attendu et pour meilleur adversaire Dylan Teuns (à moins que van Aert soit déjà de retour au top), ce serait pécher par manque de foi que d’abandonner totalement l’idée d’un succès du Français à Liège, où celui-ci aura l’avantage de ne pas ressentir la pression du tenant du titre, vu que ce monument est un des rares qui lui échappe encore. Cette fois, seule la victoire pourra le soulager.