Le récap’
de la journée

Résultats présidentielle 2022 : Les 41,5 % de Marine Le Pen, un record aux pieds d’argile

CHIFFRES
Malgré les revendications de « succès », plusieurs éléments du score de l’extrême droite dimanche soir assombrissent l’horizon de Marine Le Pen
Marine Le Pen, dimanche soir, après son discours de défaite.
Marine Le Pen, dimanche soir, après son discours de défaite.
rgarrat
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L’essentiel

  • Avec 13,2 millions de voix au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen décroche un résultat record pour l’extrême droite.
  • Pourtant, vu le contexte favorable, ces 41,45 % de suffrages exprimés en faveur de la candidate du RN peuvent être vus comme un échec.
  • Et une preuve que le front républicain est encore bien vivant.

Plus 13 millions de voix – soit 41,45 % des suffrages exprimés – se sont portées sur Marine Le Pen dimanche, lors du second tour de l’élection présidentielle. C’est bien sûr une performance inédite – et de loin – pour l’extrême droite. Seulement 10 millions de personnes avaient voté Le Pen en 2017, et 5,5 millions au second tour de 2002. « C’est un score très important qui montre que l’extrême droite a pris de l’ampleur, qu’elle s’est consolidée, et qu’il s’est passé quelque chose sous ce quinquennat qui a laissé plus de place à Marine Le Pen », juge Gilles Ivaldi, politologue spécialiste de l’extrême droite au Cevipof. Marine Le Pen a d’ailleurs vu dans son score « une éclatante victoire ». Tant que ça ?

« On peut dire que le RN a eu une habile gestion de la défaite, dimanche soir », note, tout en euphémisme, Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos. « 41,45 %, ce n’est pas un score extrêmement bon pour Marine Le Pen alors que le contexte était positif pour elle », ajoute le sondeur. Ce « contexte positif », c’est d’abord la dédiabolisation de Marine Le Pen, accélérée par Eric Zemmour, qui lui a servi de paravent au premier tour. Elle n’était plus l’extrémiste de service dans les médias, et son image s’est largement améliorée par rapport à 2017.

Contexte positif mais ambivalent

Le « contexte positif », c’est aussi une campagne qui s’est jouée sur son thème fétiche de cette année : le pouvoir d’achat. Un thème sur lequel Marine Le Pen a même fini par être jugée crédible dans les enquêtes d’opinion. Et un thème toujours difficile pour un sortant : « Voir ce sujet revenir, ça veut dire qu’au bout de cinq ans, la situation ne s’est pas forcément améliorée », notait dès la rentrée l'économiste Stéphanie Villers.

Précisément, Marine Le Pen faisait aussi face à un président sortant hors cohabitation et, jusqu’à dimanche, aucun n’avait réussi à se faire réélire au suffrage universel direct. « Avec tout cela, sans doute ne pouvait-elle pas l’emporter, mais le second tour aurait pu être davantage disputé », juge Mathieu Gallard. Le résultat a finalement été sans appel.

Gilles Ivaldi reconnaît lui aussi un contexte favorable à Marine Le Pen, mais juge que sur chacun de ces éléments de contexte, il y avait aussi des choses favorables à Emmanuel Macron. « Eric Zemmour a certes joué le rôle d’un épouvantail plus extrémiste, mais accrédité que l’extrême droite était en progression et constituait une menace. Sur le pouvoir d’achat, la situation est en partie liée à la guerre en Ukraine, ce qui avantage clairement le président sortant. »

Le front républicain existe bien plus qu’on ne l’imagine

Autre indicateur pas vraiment engageant pour Marine Le Pen : un entre-deux-tours complètement raté. « Elle a essayé de poursuivre sa dynamique positive du premier tour, mais ça n’a pas marché. Il lui a manqué quelque chose de nouveau pour créer une nouvelle dynamique », pense Gilles Ivaldi. Et puis les deux principales faiblesses du RN ont à nouveau été mises en avant : d’abord le fait que ce soit un parti d’extrême droite « jugé autoritaire et raciste par une majorité de Français », détaille Mathieu Gallard. Et puis sur la question de la compétence : « Marine Le Pen n’est toujours pas perçue comme assez solide, notamment par l’électorat de droite. Même au débat, elle a été dominée là-dessus par Emmanuel Macron ».

Ça s’est vu dans les chiffres : entre les sondages réalisés au soir du premier tour et le résultat du second tour, la candidate RN a perdu 5,5 points. Elle n’en avait perdu que 3,5 en 2017. Finalement, même s’il est moins vaillant qu’en 2002, le front républicain est toujours bel est bien vivant. Plus qu’on ne le croit en tout cas : l’écart de 17 points observé dimanche entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est plus élevé que dans la plupart des sondages. Sur 238 sondages de second tour Macron-Le Pen publiés depuis janvier 2019, seuls 15 ont donné un écart plus important. Tous au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine, où les intentions de vote en faveur d’Emmanuel Macron ont flambé.

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« C’est la loi d’airain électorale du FN : plus la perspective de son arrivée au pouvoir semble concrète après les résultats du premier tour, plus le backlash [retour de bâton] est fort au deuxième », analysait dès début avril le sondeur de chez Ipsos Mathieu Gallard. A ce moment-là, Marine Le Pen était dans la marge d’erreur de la victoire dans les sondages de second tour. « Les régionales de l’an dernier nous l’ont prouvé quand, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, même face à un ancien UMP, Thierry Mariani, qui incarnait la dédiabolisation RN, le front républicain a quand même fonctionné », rappelle Gilles Ivaldi. Les derniers remparts du front républicain sont peut-être les plus solides.

Découvrez les résultats du second tour de l’élection présidentielle 2022 par ville, département et région sur 20 Minutes.

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