CONFECTIONLe pull 3D est-il l’avenir de l’industrie textile « made in France » ?

Zéro couture, presque zéro déchet… Le pull 3D est-il l’avenir de l’industrie textile ?

CONFECTIONL’entreprise 3D Tex, installée à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), s’est imposée en quelques mois comme une alternative crédible et écologique dans le marché du textile en proposant de tricoter des pulls et bonnets en trois dimensions
A Saint-Malo, l'entreprise 3D Tex a mis au point une usine de fabrication de pulls et bonnets en 3D. Un procédé plus écologique et orienté vers le zéro déchets.
A Saint-Malo, l'entreprise 3D Tex a mis au point une usine de fabrication de pulls et bonnets en 3D. Un procédé plus écologique et orienté vers le zéro déchets.  - J. F. Monier / AFP / AFP
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Réputée pour être la deuxième industrie la plus polluante au monde, l’industrie textile peine à réduire son impact écologique.
  • Faute de solution alternative, les consommateurs s’orientent souvent vers des produits conçus en Asie, dans des conditions sociales et environnementales contestables.
  • A Saint-Malo, la société 3D Tex tente d’aller à contre-courant en proposant des pulls et bonnets conçus en 3D qui évitent le gaspillage.

Le défi était immense. A voir l’usine qui tourne déjà 24 heures/24 cinq jours par semaine, on se dit qu’il est en passe d’être réussi. Six mois après son lancement, le site de production de 3D Tex voit déjà sortir des milliers de pulls et de bonnets entièrement « made in France » chaque semaine. Une prouesse tant l’industrie textile tricolore a été décimée, obligeant le secteur à massivement délocaliser. Les initiatives naissent ici et là dans l’esprit de passionnés animés par l’envie de coudre autrement. A Saint-Malo, l’idée farfelue a germé dans l’esprit de trois connaisseurs de l’industrie textile de mettre au point un concept de fabrication en trois dimensions plus écologique.

« J’ai commencé ma carrière dans le textile en Asie. J’ai vu le meilleur savoir-faire là-bas, mais j’ai aussi vu le pire. J’ai vu des rivières changer de couleur à cause des rejets polluants. On sait tous que des milliers de personnes travaillent dans des conditions plus que douteuses, que c’est une industrie très polluante. Ça ne nous empêche pas d’acheter des vêtements, moi le premier. Mais c’est avant tout parce qu’on n’a pas le choix », analyse Basile Ricquier, l’un des trois associés ayant créé 3D Tex.

A Saint-Malo, l'entreprise 3D Tex a mis au point une usine de fabrication de pulls et bonnets en 3D. Un procédé plus écologique et orienté vers le zéro déchets.
A Saint-Malo, l'entreprise 3D Tex a mis au point une usine de fabrication de pulls et bonnets en 3D. Un procédé plus écologique et orienté vers le zéro déchets.  - J. F. Monier / AFP

Inaugurée en septembre, son usine a la particularité de tricoter sans couture grâce à des machines sophistiquées qui travaillent en 3D. Le concept a des arguments : il ne produit presque pas de déchets et ne génère aucune perte de tissus. Son assemblage sans couture se révèle plus résistant et évite l’utilisation de kilomètres de fil. Et surtout, il est réalisé en France. En 2022, 3D Tex espère produire 80.000 pièces pour sa première année complète d’exercice. « Mais on n’est pas encore au rendement souhaité. Avant tout parce que notre formation nous prend du temps », poursuit Basile Ricquier.

Le Slip français, TBS ou Auchan comme clients

Depuis quelques années, le chef d’entreprise a dû convaincre les banques de le suivre, puis les marques de vêtements. Il doit chaque jour se battre avec les coûts de production pour rester compétitif. Mais son plus grand défi a été de trouver une main-d’œuvre qualifiée pour réaliser les tâches manuelles notamment les opérations de remaillage.

3D Tex a donc recruté et formé pendant six mois 20 personnes pour assurer la production de ses pulls et bonnets. L’entreprise fait travailler une trentaine de personnes au total mais compte bien en employer 80 à 100 à l’horizon 2025. Un optimisme débordant ? Plutôt un constat marquant : à peine lancée, l’entreprise a déjà un carnet de commandes rempli pour l’année 2022 grâce à une vingtaine de marques comme TBS, Le Slip Français mais aussi des distributeurs moins « renommés » comme Gémo ou Auchan.

Promouvoir le savoir-faire français

La société malouine a aussi pu compter sur le soutien du géant local de la mode. Basé à Saint-Malo, le groupe Beaumanoir a choisi de prendre part au capital de 3D Tex et a déjà réalisé plusieurs modèles en trois dimensions pour ses marques de prêt-à-porter Bonobo et Bréal. « L’objectif est de promouvoir le savoir-faire français et réduire l’impact écologique de l’industrie du textile », justifiait alors Roland Beaumanoir, le fondateur du groupe, promettant « une fabrication en seulement trente minutes ».

Reste à résoudre l’épineuse question du coût. Le fondateur de 3D Tex reconnaît que ses produits sont « encore vraiment plus chers » que ceux fabriqués en Asie. Mais en réduisant la marge et en concevant des produits plus résistants, la société a su se démarquer. « Les marques peuvent se permettre de vendre plus cher si le produit est plus durable et fabriqué localement. Mais si on veut vraiment baisser les prix, il faut augmenter la production. C’est à l’industrie textile de s’y engager », résume Basile Ricquier.

Son entreprise n’a pas attendu que le monde du prêt-à-porter soit convaincu et s’est déjà tournée vers d’autres débouchés comme les secteurs du médical ou de l’automobile. Avec une source intarissable d’espoir. « Le textile est partout ».