ENQUETELes lunettes cassées de Delphine Jubillar accusent-elles son mari ?

Affaire Delphine Jubillar : Les lunettes cassées de l’infirmière disparue accusent-elles son mari ?

ENQUETEUne expertise menée sur les lunettes cassées de Delphine Jubillar accréditerait la thèse d’une dispute violente avec son mari le soir de sa disparition. Mais pour les avocats du suspect n°1, cet élément tardif n’est pas révélateur
Lors d'une marche à la mémoire de Delphine Jubillar, le 19 décembre 2021 à Cagnac-les-Mines.
Lors d'une marche à la mémoire de Delphine Jubillar, le 19 décembre 2021 à Cagnac-les-Mines. - F. Scheiber  / AFP
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Dans l’enquête sur la disparition de Delphine Jubillar, une nouvelle expertise faite sur les lunettes de l’infirmière, et dévoilée par Le Parisien, accréditerait la thèse d’une bagarre entre les époux.
  • Les avocats de Cédric Jubillar, le suspect n°1, se montrent extrêmement dubitatifs sur ces nouvelles révélations à charge.
  • Delphine Jubillar a disparu de son domicile de Cagnac-les-Mines, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Aucune trace d’elle n’a été retrouvée depuis.

Des lunettes, aux branches amovibles, sont au centre de nouvelles révélations dans l'enquête sur la disparition de Delphine Jubillar, l’infirmière qui s’est volatilisée de son domicile de Cagnac-les-Mines ( Tarn) il y a maintenant dix-huit mois. Une branche a été retrouvée derrière le canapé du salon sur lequel elle dormait, une autre sur la table de la cuisine, la monture sur le comptoir de cette même pièce. Les pièces de ce puzzle ont été confiées aux experts de la Direction générale de l’Armement (DGA) qui ont procédé à des tests poussés. Selon les informations dévoilées mardi soir par Le Parisien, les spécialistes ont rendu leurs conclusions, versées le 7 avril au dossier d’instruction.

Et elles accréditeraient la thèse d’une bagarre entre les deux époux le soir de la disparition. Les ingénieurs de la DGA considèrent en effet que les examens et essais réalisés permettent de conclure que « les dommages observés sur la paire de lunettes […] sont la conséquence d’efforts dynamique ». Des efforts appliqués de « l’extérieur vers l’intérieur », autrement résultant d’un coup porté. Ils écartent en revanche que les dégâts puissent résulter d’une chute du haut des 161 cm de la disparue. Ils affirment enfin qu’en l’état, les lunettes n’étaient plus utilisables, notamment parce que le verre droit ne pouvait plus tenir, alors que Louis, le fils du couple, a confié que sa mère portait ses lunettes lorsqu’il a regardé la télévision avec elle le soir fatidique.

La défense préfère s’intéresser au téléphone de Delphine

Ces constats collent avec l’hypothèse des gendarmes et des juges d’instruction, celle d’une dispute entre Delphine et Cédric Jubillar, déjà étayée par le témoignage de leur fils et par les « cris d’effroi » entendus par deux voisines.

Mais ils ont aussi le don d’agacer au plus haut point le trio d’avocats de Cédric Jubillar. D’abord sur la forme. Puisqu’ils n’ont à ce jour « pas eu communication » de cette expertise. Ils s’apprêtent d’ailleurs à saisir ce mercredi le parquet de Toulouse sur « cette nouvelle violation, à charge, du secret de l’instruction ». Les défenseurs du mari contestent aussi la portée de cette expertise. « On a franchi un cap de plus dans cette enquête délirante », commente Me Emmanuelle Franck. Elle pointe d’abord que ces lunettes n’ont été confiées à l’expertise « qu’un an après la disparition ».

« Il est établi depuis longtemps dans le dossier que les lunettes étaient cassées, poursuit-elle. Mais elle en avait deux paires et on ne sait même pas laquelle elle utilisait. » La défense ironise sur le fait que Cédric Jubillar, à qui l’accusation prête un certain sang-froid, ait pu « poser les lunettes sur le comptoir de la cuisine pour que les gendarmes, qu’il a appelés lui-même, les voient bien ». Enfin, Emmanuelle Franck rappelle que Cédric Jubillar s’est prêté à un examen médico-légal dans les heures qui ont suivi la disparition de son épouse. Ce dernier n’a relevé aucune trace sur ses mains ou phalanges laissant penser qu’il avait pu porter un coup.

Et le téléphone de Delphine Jubillar jamais retrouvé mais activé ?

Du côté de la défense du mari, qui veut privilégier la piste d’un départ volontaire, on s’attache à une autre pièce, déjà révélée et elle aussi versée au dossier récemment. Il s’agit des informations transmises par le constructeur de téléphone Huawei. Elles indiquent que l’appareil, jamais retrouvé, de Delphine Jubillar s’est activé à plusieurs reprises au cours de la nuit de la disparition. « La dernière fois à 6h52, une heure où nous avons la certitude que notre client était chez lui en compagnie des gendarmes », fulmine Emmanuelle Franck.


Cédric Jubillar, en détention provisoire depuis dix mois maintenant à la maison d’arrêt de Seysses, près de Toulouse, doit être réentendu par les juges d’instruction le 12 mai.