GASPILLAGEL’industrie agroalimentaire veut pouvoir réutiliser ses eaux usées traitées

Sécheresse : L’industrie agroalimentaire veut pouvoir réutiliser ses eaux usées traitées

GASPILLAGEPour réduire les prélèvements et la consommation d’eau, les acteurs de l’agroalimentaire réclament un changement de la réglementation
Illustration d'une usine d'agroalimentaire ici près de Rennes, en Bretagne.
Illustration d'une usine d'agroalimentaire ici près de Rennes, en Bretagne. - C. Allain / 20 Minutes
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • Très gourmande en eau, l’industrie agroalimentaire s’inquiète de l’épisode de sécheresse qui pourrait entraîner des restrictions d’eau.
  • Pour préserver la ressource et limiter leur consommation d’eau, plusieurs acteurs bretons militent pour la réutilisation des eaux usées traitées.
  • En raison d’une réglementation très stricte, la France est à la traîne dans ce domaine par rapport à certains de ses voisins européens.

Les premières alertes remontent à la mi-avril. Après deux années assez humides, la France fait face cette année à un épisode de sécheresse particulièrement précoce. Aucune région n’est par ailleurs épargnée. En Bretagne, région souvent moquée pour sa météo, trois départements (l’Ille-et-Vilaine, le Morbihan et les Côtes-d’Armor) sont placés en vigilance depuis plusieurs jours. La situation inquiète bien sûr les agriculteurs mais aussi les acteurs de l’agroalimentaire, une industrie particulièrement gourmande en eau.

Depuis fin 2019, un groupe de travail baptisé « Collectif eau propre » s’est ainsi constitué au sein de l’association bretonne des industries agroalimentaires (ABEA), un puissant réseau qui regroupe près de 200 entreprises et plus de 50.000 salariés dans la région. Pour réduire leur consommation d’eau et préserver la ressource, ces acteurs prônent le développement de la Reuse, une solution permettant de réutiliser les eaux usées traitées.

Une réglementation très stricte en France

Dans ce domaine, la France est un peu à la traîne par rapport à certains de ses voisins européens. Par crainte d’un scandale sanitaire, la réglementation est en effet très stricte pour les entreprises de l’agroalimentaire. « Nous ne pouvons utiliser que de l’eau potable dans le process alimentaire, pour nettoyer les lignes de production par exemple », souligne Clothilde d’Argentré, cheffe de projets environnement au sein de l’ABEA. Après traitement, la réutilisation de ces eaux usées n’est ensuite possible que pour le lavage extérieur des camions, le refroidissement des chaudières ou l’arrosage des pelouses par exemple.

Pour les membres de l’ABEA, des solutions existent pourtant pour traiter et filtrer ces eaux usées et les rendre de nouveau potables. Et donc utilisables dans le process alimentaire. Au Canada par exemple, une brasserie a ainsi développé une bière à partir d’eaux usées. Idem en Belgique ou en Espagne où la réutilisation des eaux usées est très développée.

Des économies d’eau considérables

A l’heure où le manque d’eau se fait de plus en plus criant partout sur la planète, l’autorisation de cette Reuse en France permettrait selon l’ABEA des économies d’eau considérables. « Après un sondage auprès de 28 sites agroalimentaires bretons, on a identifié 2,5 millions de mètres cubes d’eau potable, soit l’équivalent de plus de 800 piscines olympiques », indique Clothilde d’Argentré.

Le sujet était d’ailleurs au cœur des discussions lors du Varenne agricole de l’eau qui s’est tenu en début d’année. Malgré des avancées, « le développement de projets de Reuse en alimentaire est aujourd’hui au point mort », regrette l’ABEA. « Alors que la souveraineté alimentaire est un enjeu plus que jamais d’actualité, qu’attendons-nous pour faire confiance aux entreprises et adopter les solutions pragmatiques qui contribueront à rendre notre chaîne alimentaire plus résiliente ? », interroge Olivier Clanchin, président de l’ABEA et par ailleurs PDG du groupe agroalimentaire Olga, appelant les autorités « à faire preuve de bon sens ».