ELECTIONChangement de tête en vue à Force Ouvrière

Syndicats : Frédéric Souillot s’apprête à succéder à Yves Veyrier à la tête de Force Ouvrière

ELECTIONCertaines branches du syndicat dénoncent un manque de débat démocratique et un candidat peu connu des délégués
Yves Veyrier va laisser sa place à la tête de Force Ouvrière.
Yves Veyrier va laisser sa place à la tête de Force Ouvrière. -  JEANNE ACCORSINI/SIPA / SIPA
Xavier Regnier

X.R. avec AFP

Force Ouvrière va changer de visage. Le syndicat ouvre lundi son XXVe congrès dans l’agglomération de Rouen, avec en point d’orgue l’élection vendredi du successeur de l’actuel secrétaire général, Yves Veyrier. Sauf surprise, ce devrait être le « réformiste » Frédéric Souillot. « Je pense que ce Congrès va être rassemblé et déterminé », a déclaré Yves Veyrier sur BFM Business mercredi.

Après le congrès houleux de Lille en 2018, qui avait vu le secrétaire général Jean-Claude Mailly copieusement hué, puis le départ au bout de six mois de son successeur Pascal Pavageau à la suite de la révélation de l’existence d’un fichier sur les dirigeants du syndicat, FO aura à cœur de donner une image d’unité. Lors de son élection, Yves Veyrier, représentant du courant « réformiste », avait lui-même dû affronter Christian Grolier, représentants des « trotskistes », et l’anarchiste Patrice Clos.

Vers un duel

Environ 3.000 délégués sont attendus au Parc des Expositions de Rouen. L’élection du secrétaire général par le Comité confédéral national (le « parlement » de FO, réunissant représentants des fédérations et des unions départementales) est prévue vendredi en fin de journée, après la clôture formelle du Congrès. Cette fois-ci deux candidats sont en lice : Frédéric Souillot et à nouveau Christian Grolier

Frédéric Souillot, actuel secrétaire confédéral au secteur de l’organisation et des affaires juridiques, est âgé de 54 ans. Issu de la fédération de la métallurgie, Il est lui aussi un « réformiste », et bénéficie du soutien officieux de Jean-Claude Mailly. Christian Grolier, patron de la puissante Fédération générale des fonctionnaires, bénéficierait cette fois-ci du soutien d’une partie des anarchistes.

Une élection déjà jouée ?

La fédération des transports, que dirige Patrice Clos, « n’a pas fait de choix encore », a cependant indiqué ce dernier. Les trotskistes sont quant à eux divisés, et une partie d’entre eux, derrière Hubert Raguin, soutient Frédéric Souillot, faisant selon certains primer les considérations stratégiques sur la cohérence idéologique. De part et d’autre, la victoire de ce dernier ne semble en tout cas guère faire débat, ce qui pourrait conduire Christian Grolier à retirer sa candidature la semaine prochaine.

Cette perspective ne fait pas que des heureux. Fabrice Lerestif, anarchiste, affirme ne pouvoir « ni soutenir ni cautionner Frédéric Souillot », raison pour laquelle il votera pour le candidat trotskiste. Avec dix autres responsables du syndicat, dont Patrice Clos, il a signé un texte qui s’inquiète du « déclin » de FO, et appelle à une réforme statutaire, alors que « la majorité silencieuse » est « actuellement écartée de fait de l’administration de la confédération ».

Le manque de débat démocratique pointé du doigt

Le vote du CCN, qui rassemble « les grands électeurs » de FO, est parfois éloigné des revendications de la base, pointe-t-il. « Que la base prenne en main son destin y compris en sortant des sentiers bien balisés qu’on voudrait lui faire prendre », écrit-il à l’AFP. Frédéric Lerestif souhaiterait que les deux candidats puissent s’exprimer à la tribune du Congrès, ce qui n’est pas prévu statutairement, soulignant qu’il y a « une incongruité : les délégués, quand ils vont partir, ne sauront pas qui est Frédéric Souillot ».

Les opposants de ce dernier critiquent aussi bien sa ligne, jugée trop conciliante avec le pouvoir, qu’un défaut d’incarnation. « Vu son parcours, j’ai du mal à l’imaginer dans le mandat de secrétaire général », disait en avril à quelques journalistes Christian Grolier, pointant le manque d’expérience « des dossiers, de la presse, des discussions à Matignon » de Frédéric Souillot. Sous couvert d’anonymat, un responsable fustige une élection « en catimini », l’annonce tardive du départ d’Yves Veyrier, fin février, n’ayant pas permis « un débat démocratique plus abouti ». Frédéric Souillot « va être élu sans avoir pris la parole, et je pense qu’il organisera les choses pour que ça perdure le plus longtemps possible », prédit-il.