POUVOIR D'ACHATFace à l’inflation, la quête de fidélisation des supermarchés

Inflation : Face à la hausse des prix, les supermarchés veulent fidéliser leurs clients

POUVOIR D'ACHATLes initiatives de la grande distribution pour le pouvoir d’achat des Français se multiplient
Les supermarchés rivalisent d'ingéniosité pour sauver le pouvoir d'achat de leurs clients, et ainsi les fidéliser.
Les supermarchés rivalisent d'ingéniosité pour sauver le pouvoir d'achat de leurs clients, et ainsi les fidéliser. - DAMIEN MEYER / AFP / AFP
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • L’inflation est particulièrement forte en France dans le secteur alimentaire, et les consommateurs se serrent de plus en plus la ceinture (et l’estomac).
  • Pour y faire face, la grande distribution propose de nombreuses offres, promotions, cartes de réduction…
  • Des gestes commerciaux qui ont pour but de fidéliser la clientèle, particulièrement volatile en cette période de hausse des prix.

Le chariot est plus léger qu’à l’accoutumée, les hésitations plus longues au moment de se saisir d’un produit, l’œil plus aiguisé à la recherche d’une promotion ou d’une bonne affaire. L’inflation touche la France de plein fouet, et se ressent particulièrement en supermarché. « C’est au moment de faire les courses qu’on constate le problème, et à quel point le coût​ de la vie est devenu totalement fou », avance Thibaut, jeune trentenaire parisien dans un Carrefour du 9e. La hausse des prix a atteint 4,8 % sur un an en avril, selon l’Insee, dont 3,8 % pour le secteur alimentaire. Certains produits sont particulièrement touchés : selon l’IRI (Information Ressources, Inc.), entre avril 2021 et avril 2022, le prix des pâtes a grimpé de 15,31 %, celui de la moutarde de 9,26 %, des huiles de 9,98 %, des farines de 10,93 % et des viandes surgelées de 11,34 %.

Toujours selon l’Insee, la consommation des ménages a « nettement » baissé en mars, de 1,3 %. « C’est principalement du au recul de la consommation alimentaire (- 2,5 %) », a précisé l’Institut national de la statistique. Thibaut peut en témoigner : « La viande ou les fruits frais, c’est finito. Trop cher pour ce que ça nourrit ».

Opération fidélisation

Sébastien Corrado, directeur général exécutif des hypermarchés et supermarchés Casino, se refuse au fatalisme : « Notre mission, en tant que grande enseigne, c’est justement d’accompagner au mieux nos clients et de les aider dans la préservation de leur pouvoir d’achat ». Casino, Carrefour, Lidl… la grande distribution multiplie les initiatives. Casino, toujours, a par exemple lancé une série de mesures, le « pack pouvoir d’achat ». Parmi elles, l’abonnement à Casino Max, pour 45 euros par an jusqu’à fin juin (90 euros ensuite). Cela offre 10 % de réduction sur l’ensemble des produits. Tous les fruits et les légumes sont à 1 euro le kilo le jeudi et le vendredi, et la différence avec le prix « réel » est remboursée en bon d’achat dans les magasins.

L’opération a un double avantage : augmenter le pouvoir d’achat des clients, et les fidéliser. « En période d’inflation, notre priorité est encore plus d'accompagner nos clients et de les satisfaire au quotidien, dans la maîtrise de leur budget courses.. C’est du gagnant-gagnant », préciseSébastien Corrado. 200.000 clients ont déjà été convaincus par l’abonnement, selon le directeur, qui ajoute : « Quand des acheteurs prennent un abonnement chez nous, cela les fidélise et ils font plus de courses dans nos magasins ». Booster le pouvoir d’achat, donc, pour en profiter chez soi.

Des clients frivoles

Car en période d’inflation, le client est infidèle, car à la recherche des meilleurs prix sur chaque produit, renseigne un article du New York Times. Une habitude que confirme Johanne, psychologue à Montpellier : « Je vais au Franprix pour le frais et le bio. Les produits premiers prix, je les achète à Leader Price. Le congelé, à Carrefour. C’est tout un programme et beaucoup de temps. Mais le temps, c’est économiser de l’argent ».

D’où, notamment, la compensation par bon d’achat, qui « oblige » le client à faire le reste de ses courses dans le magasin concerné. Une option qu’a choisie Leclerc dans son opération « bouclier anti-inflation », lancée le 4 mai. Une « compensation systématique en bons d’achat » sera offerte aux clients en cas de hausse des prix sur 120 produits parmi « les plus achetés chaque jour dans les centres E. Leclerc », indique l’enseigne. La mesure court jusqu’au 31 juillet.

Pousser à la consommation chez soi

Carrefour propose, lui, deux abonnements : d’abord, « Carrefour + quotidien », d’un coût mensuel de 5,99 euros et offrant jusqu’à 15 % de réduction sur plus de 7.000 produits de marques Carrefour. Ensuite, « Carrefour + marché frais », à 7,99 euros par mois, et permettant 15 % de réduction maximum sur tous les produits frais.

Des abonnements qui gonflent les achats des clients. L’abonnement à Casino Max devient rentable à partir de 50 euros de dépense par mois dans le magasin (et 100 dès que l’abonnement reviendra à 90 euros par an). « Carrefour + quotidien » est rentable dès 40 euros d’achat de produits éligibles et « Carrefour + marché frais » à partir de 64 euros d’achat.

Michel Biero, directeur des achats Lidl, ne dit pas autre chose : « L’idée d’une carte, c’est de fidéliser le client et qu’il vienne faire ses courses chez nous plutôt que chez les autres ». Lidl propose une application, la carte Lidl +, gratuite et téléchargeable sur tous les smartphones. Elle permet une fois par mois de bénéficier de 5 % de réduction sur l’ensemble de ses courses. « Le client ne va pas s’en servir uniquement pour acheter un pack d’eau, ironise Michel Biero. Il va faire de nombreux achats, afin de bénéficier au maximum de la réduction. »

Consigne gouvernementale

Les initiatives viennent aussi directement d’en haut, puisque le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a convoqué la grande distribution « pour (lui) demander de soutenir les Français dans la lutte contre l’inflation », renseigne Michel Biero. Qu’importe, donc, si toutes les opérations ne sont pas rentables pour les enseignes, la cause va au-delà. Les acteurs de la grande distribution « ont beaucoup – beaucoup, beaucoup – gagné en 2020 : ils ont été, avec les restaurants fermés, extrêmement fréquentés, donc ils peuvent aujourd’hui concéder un peu de marge, affirmait Christiane Lambert, patronne de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) sur BFMTV. C’est vrai que c’est difficile pour eux, mais ils en ont les moyens. »

Qu’importe pour Johanne que ces initiatives soient de la pure philanthropie, de la fidélisation du client ou une consigne gouvernementale : « chaque réduction compte et est bonne à prendre en cette période ». Même si, là encore, « trier entre toutes les offres devient de plus en plus compliqué. » Comme quoi, en période d’inflation, la solution miracle n’existe pas.