TENNISLe public du Central sera-t-il forcément derrière Nadal face à Djokovic ?

Roland-Garros 2022 : Le public du Central va-t-il forcément soutenir le « gentil Nadal » face au « méchant Djokovic » ?

TENNISLe public du court Philippe-Chatrier préfère traditionnellement Rafael Nadal à Novak Djokovic, mais la tendance n’est peut-être plus aussi marquée et le fait que le choc soit programmé en soirée pourrait aussi avoir son influence
Novak Djokovic lors de la demi-finale remportée face à Rafael Nadal à Roland-Garros en 2021.
Novak Djokovic lors de la demi-finale remportée face à Rafael Nadal à Roland-Garros en 2021.  -  Thibault Camus/AP/SIPA / SIPA
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Rafael Nadal et Novak Djokovic se retrouvent ce mardi en quart de finale de Roland-Garros.
  • L’Espagnol, 13 fois vainqueur Porte d’Auteuil, jouit d’une immense cote de popularité auprès du public, généralement plus dur avec le Serbe.
  • Sauf que l’épique demi-finale de l’année dernière entre les deux hommes, dans des conditions spéciales en nocturne, était peut-être le début d’un changement en faveur du numéro 1 mondial.

A Roland-Garros,

On en connaît un qui a dû être content à l'annonce de la programmation du choc des quarts de finale entre Rafael Nadal et Novak Djokovic, ce mardi. On parle du joueur serbe lui-même, bien sûr. Non seulement son adversaire est plus vulnérable en soirée, mais le numéro 1 mondial peut aussi espérer un public davantage partagé dans ses encouragements que ce qu’il aurait connu l’après-midi. Les sessions de nuit attirent une faune différente, plus jeune, qui aime la provoc', les aspérités. Et donc pas forcément dévouée au « gentil Rafa » dans sa lutte face au « méchant Djoko ».

Ce n’est pas pour rien que le Serbe a vécu « le meilleur moment » de sa carrière à Roland lors de la demi-finale de l'an dernier, face au même adversaire et dans ces mêmes conditions nocturnes. Il y avait eu l’intensité gigantesque de cette rencontre, évidemment, mais aussi pour la première fois cette impression d’être soutenu à la hauteur de son statut. Il avait dit après sa victoire en finale combien ces encouragements l’avaient touché. Ce déficit de popularité par rapport à Nadal et Federer est un sujet aussi récurrent que sensible chez Djokovic. Difficile de savoir si, comme il le dit, il l’a pleinement intégré et qu’il vit avec ou s’il court toujours après malgré tout.

C’est là qu’on se souvient d’une conversation particulièrement intéressante entre le numéro 1 mondial et Stan Wawrinka lors d’un live sur Instagram organisé par le Suisse pendant le premier confinement, en avril 2020. Les deux hommes en étaient venus à parler de cette histoire. « Je trouvais ça injuste, avait reconnu Djoko. Quand je suis arrivé, j’ai dit que je voulais être numéro 1. Les gens se sont dit : "qui est-il pour challenger Rafa et Roger ?" C’était moi contre le reste du monde. » Wawrinka avait alors eu cette répartie géniale, qui résume parfaitement la situation : « Dans un film, on ne peut pas avoir trois gentils, vous devez avoir quelqu’un contre. » Va donc pour le rôle du bad guy.

« Il a su avancer dans l’adversité »

C’est comme ça que le Serbe s’est construit, aussi. « Il adore quand le public est contre lui. Ça le motive, ça le réveille, ça sort le feu qu’il a en lui », estime l’ancien 8e joueur mondial Marcos Baghdatis, croisé lundi au lancement du tournoi des Légendes. « Je me rappelle encore d’une finale à Wimbledon contre Federer [en 2019] où le public scandait "Roger, Roger" mais dans sa tête il entendait "Novak, Novak". C’est vrai qu’il a besoin de ça », ajoute Henri Leconte. Djokovic avait alors expliqué qu’il avait remporté ce jour-là « le match le plus dur mentalement » de sa carrière. « Cela peut vous sembler bizarre, presque pervers. Mais c’est comme ça. J’ai essayé de me convaincre qu’elle criait dans mon sens. C’est un exercice mental », avait-il lancé.

Mais en est-on toujours à ce degré d’animosité aujourd’hui ? D’un point de vue tennistique, non. Tout le monde a fini par reconnaître son génie, dans un style certes moins clinquant que les deux autres, moins coloré, mais sacrément efficace et surtout sans faille. Pour ce qui est de la cote de sympathie, c’est autre chose. Son expulsion rocambolesque d’Australie en début d’année n’a pas arrangé les choses, comme ses positions assumées depuis contre le vaccin. Mais attention, c’est aussi ce qui motive les gens qui l’admirent. Pas sur le vaccin en lui-même, mais sur ce côté affirmé, moins policé et élève modèle.

«Alors, ils sont où les haters?»
«Alors, ils sont où les haters?» - MARTIN BUREAU / AFP

Dans l’appel à nos lecteurs lancé sur notre site pour savoir s’ils étaient « plutôt Nadal ou Djokovic », c’était presque du 50-50 dans les réponses. « Et dire que certains sifflent le meilleur joueur du monde, déplore par exemple Rachel. N’en déplaise à beaucoup, Djoko est un garçon intelligent et tellement atypique. » « Il mérite plus de considération et de respect », acquiesce Céline. On vous livre également in extenso le riche et argumenté témoignage de Lucas :

« Bien qu’ayant une grande admiration pour Nadal, je préfère Djokovic. D’abord car il a su se faire une place parmi les trois monstres tennistiques des 20 dernières années, jusqu’à parfois les surpasser. Ces 15 dernières années il a joué des matchs légendaires contre ses deux rivaux qui me marqueront à vie. Je dois aussi avouer que j’aime son côté "bad boy" (très caricatural, et caricaturé, car lorsqu’on creuse l’homme a l’air tout aussi bon que Nadal ou Fed), qui a su avancer dans l’adversité (public hostile, coups durs sportifs ou extra-sportifs) et se nourrir des moments difficiles. Je trouve ça fascinant chez lui. Dans les bons ou les mauvais moments, il ne peut pas laisser indifférent. »

« Nadal respecte ses adversaires et les règlements sanitaires »

Du côté des nombreux pro-Nadal, du grand classique. L’Espagnol est aimé « pour sa gentillesse, son humilité et son comportement exemplaire sur le terrain », résume Cédric. « Rafa sans hésiter : simple, combatif, il incarne depuis plusieurs années la légende du tennis », dit Julien. « Il respecte ses adversaires et les règlements sanitaires », critique en miroir Jean-Marc. Avant la rencontre de ce mardi, il faut tout de même se rappeler que le roi de Roland a été pendant des années malmené par le public de ce même tournoi, quand il était vu comme celui qui empêcherait ad vitam le beau Rodgeur de gagner Porte d’Auteuil.

« Le public parisien est stupide », avait même balancé Toni après la défaite de son neveu face à Robin Soderling en 2009. « J’ai l’habitude d’entendre le nom de mes adversaires venir des tribunes quand je joue, avait commenté l’intéressé. C’est vrai que c’est dommage que dans un tournoi où j’ai eu tant de grands moments, le public n’ait jamais eu un geste pour moi. » Oui, Nadal a un jour prononcé cette phrase. Mais l’Espagnol avait su finalement renverser cette sorte de tradition française qui veut qu’on n’aime pas tellement ceux qui gagnent trop souvent.


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Tout est ouvert pour le choc qu’on espère à la hauteur des attentes, ce soir. En fait, le comportement des spectateurs dépendra certainement du scénario. Parmi les plus probables, celui où Nadal, le pied douloureux et les jambes lourdes après ses cinq sets face à Auger-Aliassime dimanche, se retrouve vite en difficulté. « Le public peut être un atout extraordinaire pour Nadal car il va avoir besoin de ça, projette Henri Leconte. En tout cas, je pense que le Central peut se fissurer. » Qui allumera la brèche ?