POLITIQUEQuels changements pour le Rassemblement national à l'Assemblée ?

Législatives 2022 : Temps de parole, vice-présidence, commissions… Quels changements pour le Rassemblement national à l’Assemblée ?

POLITIQUEEn obtenant 89 députés dimanche soir, le parti de Marine Le Pen aura davantage d’influence au sein de l’hémicycle
Marine Le Pen.
Marine Le Pen. - FRANCOIS GREUEZ/SIPA / SIPA
Thibaut Le Gal

T.L.G.

L'essentiel

  • Le Rassemblement national a réussi une percée historique au second tour des législatives en obtenant 89 sièges dimanche soir.
  • Le RN pourra constituer un groupe parlementaire et disposera de nombreux outils qu’il n’avait pas lors de la précédente mandature.
  • Marine Le Pen et ses soutiens auront également bien plus de temps de parole lors des débats à l’Assemblée.

C’est l’un des faits politiques majeurs de dimanche soir. Le Rassemblement national a réussi une percée historique en faisant élire 89 députés à l'Assemblée nationale. Après un score déjà record en finale de la présidentielle (41,5 % des voix), Marine Le Pen a fait mentir les prédictions des instituts de sondages, et même dépassé ses rêves les plus fous. « Nous espérions avoir un groupe et dans nos plus grands espoirs on espérait avoir 60 députés. C’est vrai qu’on a été surpris agréablement par la mobilisation de nos compatriotes et par ce souhait que l’immigration, que l’insécurité, que la lutte contre l’islamisme ne disparaissent pas de l’Assemblée », a affirmé la députée réélue dans le Pas-de-Calais. Cette entrée en force dans l’hémicycle offre de nouvelles armes politiques au RN.

Un groupe, c’est plus d’influence dans l’hémicycle

« J’ai été extrêmement frustrée ces cinq dernières années où on n’avait pas les moyens de se battre, pas les moyens de s’exprimer », disait récemment Marine Le Pen. L’ancien député RN Gilbert Collard confiait même « s’emmerder » au sein de l'hémicycle en 2019. En dépassant le seuil des 15 députés, le Rassemblement national pourra former un groupe indépendant, ce qu’il n’était pas parvenu à faire en 2017 avec seulement 8 élus. « Le premier parti d’opposition a enfin les armes nécessaires, ce sera le jour et la nuit avec la mandature précédente où le RN faisait ce qu’il pouvait avec ce qu’il avait », assure Jean-Philippe Tanguy, nouveau député RN de la Somme.

Un groupe offre des avantages matériels (collaborateurs, bureaux, etc.) mais surtout plus de temps de parole au moment des séances publiques, lors des questions au gouvernement ou des débats, alors que le parti était jusqu’ici limité à une poignée d’interventions par mandat. Lors du précédent quinquennat, Les Républicains, qui disposaient d’environ 100 élus, ont ainsi posé 301 des 1.825 questions au gouvernement, contre seulement 25 pour l’ensemble des non-inscrits. « On nous a fait beaucoup de procès de mauvaise foi, en nous disant qu’on était absent à tel ou tel débat. Mais avec seulement sept députés, on ne pouvait tenir les séances à rallonge faites sur mesure pour le groupe large de la majorité. Cette fois, on pourra assurer une permanence en séance », reprend l’ancien directeur de campagne adjoint de Marine Le Pen à la présidentielle.

Des outils pour mettre en valeurs leurs thèmes de prédilection

La députée d’Hénin-Beaumont, qui sera présidente du groupe, pourra également demander la création d’une commission spéciale, obtenir une suspension de séance ou un vote par scrutin public. En ayant plus de 58 élus, le RN aura la possibilité de déposer une motion de censure pour marquer son désaccord politique et tenter éventuellement de faire tomber le gouvernement lors d’un vote. Le parti dispose également des 60 parlementaires nécessaires pour saisir le Conseil constitutionnel afin de s’assurer de la conformité d’un texte et espérer quelques retouches, son grand objectif avant les élections. La loi Avia contre les contenus de haine en ligne avait ainsi été largement retoquée par les Sages en juin 2020 au grand dam du gouvernement.

Les élus RN auront également d’autres outils pour mettre en avant leurs thèmes de prédilection. Le « droit de tirage » pour lancer une commission d’enquête, ou les « niches parlementaires » pour défendre leurs propres propositions de loi. Marine Le Pen a déjà indiqué qu’elle proposerait dès que possible un premier « texte de lutte contre l’islamisme » à la représentation nationale.

Une entrée en force dans les commissions

Le RN sera également représenté au Bureau de l’Assemblée, une sorte de conseil d’administration de l’institution (avec des postes de vice-présidents notamment) et dans les huit commissions permanentes (Affaires économiques, Lois, Affaires sociales…), à la proportionnelle du nombre de sièges détenus. Avec 89 élus, le RN entend bien rafler la mise. « Nous demanderons tout ce à quoi nous avons droit. Le premier groupe d’opposition de l’Assemblée que nous avons ne transigera sur aucun des moyens qui lui est accordé par la tradition ou les règles républicaines », a indiqué Marine Le Pen ce lundi.

L’ex patronne du RN a demandé l’un des six postes de vice-présidents de l’Assemblée et la présidence de la Commission des finances. Ce poste crucial, aux pouvoirs étendus, revient traditionnellement depuis 2007 au groupe d’opposition le plus important, mais il devrait faire l’objet d’une bataille avec La France insoumise, qui le revendique également. « Nos adversaires nous reprochent sans cesse de ne pas être compétents, tout en nous interdisant l’accès aux postes de crédibilité. J’espère que cette énième tentative de contournement démocratique n’aura pas lieu », souffle Jean-Philippe Tanguy.

Au-delà de l’influence politique, le RN touchera un jackpot financier. Le parti bénéficiera d’environ 10 millions d’euros par an de dotations publiques après ses bons résultats à la présidentielle et aux législatives. Une cerise sur le gâteau bienvenue pour un parti endetté à plus de 20 millions d’euros et contraint de se financer à l'étranger​.