FAKE OFFLe secret fiscal peut-il être divulgué par la commission des finances ?

La Nupes peut-elle divulguer certains secrets fiscaux si elle obtient la présidence de la commission des finances ?

FAKE OFFLe député Renaissance Eric Woerth craint que les Insoumis veuillent « faire du contrôle fiscal » si la présidence de la commission des finances leur échoit
Eric Woerth (Ensemble!) a été élu député dans la 4e circonscription de l'Oise. (Illustration)
Eric Woerth (Ensemble!) a été élu député dans la 4e circonscription de l'Oise. (Illustration) - Jacques Witt/SIPA / Pixpalace
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Dans Le Figaro, Eric Woerth, qui était à la tête de la commission des finances lors de la précédente mandature, s’inquiète d’une présidence Nupes-LFI qui « s’intéresserait aux dossiers des uns et des autres, les individus et les ménages, comme les entreprises ».
  • Pour Gilles Carrez, ancien député LR et président de la commission des finances entre 2012 et 2017, la question du secret fiscal est « le sujet-clé » : il ne faut pas « jeter en pâture les dossiers fiscaux de particuliers voire d’entreprises ».
  • Eric Coquerel, candidat Nupes-LFI au poste, estime scandaleux d’accuser la Nupes de telles intentions. « ll est évident qu’on ne va pas s’en servir pour organiser une chasse aux sorcières », dit-il.

Le secret fiscal est-il menacé ? Selon Eric Woerth, l’arrivée d’un député Nupes-La France insoumise à la présidence de la Commission des finances le laisse craindre. Dans Le Figaro, le 21 juin, l’ancien ministre du Budget a partagé son opinion sur la question : « Les Insoumis ont visiblement en tête de faire du contrôle fiscal », s’est-il inquiété.

Le député de l’Oise (ex-LR transfuge Renaissance), qui était à la tête de cette commission lors de la précédente mandature, souligne que son président contrôle « l’action du gouvernement et les politiques publiques », son rôle n’est pas « de s’intéresser aux dossiers des uns et des autres, les individus et les ménages, comme les entreprises ». « Je ne préfère pas un RN à un FI, il ne faut pas me faire dire cela, a-t-il également déclaré. Je ne suis pas un extrémiste. Je dis simplement que les Insoumis ont visiblement en tête de faire du contrôle fiscal. Ce que je n’ai pas entendu au RN. »

Des propos qui ont indigné dans le camp de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes). Eric Coquerel, candidat Nupes-LFI à la présidence de cette commission, s’est dit « atterré » sur Sud Radio le 24 juin. Dans un tweet partagé plus de 1.000 fois, un internaute s’en prend à Eric Woerth : « Quand le planqué Woerth avoue que la NUPES est dangereuse parce qu’elle risque de faire le boulot à la Commission des finances, les Français ont toutes les cartes en main pour comprendre comment nos institutions ont été détournées depuis 5 ans ». « Qui fait peur aux fraudeurs et évadés fiscaux ? interroge Antoine Léaument, nouveau député de l’Essonne Nupes-LFI. La Nupes, pas le RN. »

FAKE OFF

La présidence de cette commission, souvent qualifiée de prestigieuse, sera attribuée par un vote prévu jeudi 30 juin. La majorité traditionnellement n’y participe pas, laissant les oppositions s’organiser depuis 2009. Une fois élus, le président de la commission des finances et le rapporteur général ont plusieurs prérogatives : ils ont le pouvoir de contrôler sur pièce et sur place, à l’improviste, tous les aspects du budget, de la dépense publique de l’Etat. Le président peut aussi retoquer des amendements de parlementaires au titre de l’article 40 de la Constitution, s’il juge que ceux-ci vont augmenter les dépenses ou diminuer les recettes de l’Etat.

Le président et le rapporteur général peuvent tous deux se faire communiquer les dossiers fiscaux des entreprises ou des particuliers dans le cadre de leurs missions d’examen des lois et de contrôle. Ils sont, cependant, tenus de respecter le secret fiscal, prévu par l’article L 103 du livre des procédures fiscales. Pour Gilles Carrez, ancien député LR et président de la Commission des finances entre 2012 et 2017, la question du secret fiscal est « le sujet clé », explique-t-il à 20 Minutes. « Le secret fiscal, c’est de la dynamite, et il faut être extrêmement responsable, appuie-t-il. C’est un élément fondamental dans un pays démocratique. »

« Ça peut être tentant d’organiser des fuites »

Il lui est arrivé de se faire communiquer quelques dossiers d’entreprise, jamais de particuliers. « Lorsque le président de la commission ou le rapporteur général demandent communication d’un dossier, ils sont comme un agent des services fiscaux, ils ne peuvent en aucun cas en faire état publiquement, souligne Gilles Carrez. Ce pouvoir leur permet de discuter avec les services fiscaux, en aucun cas de travailler avec les journalistes. » Si la divulgation est prouvée, la personne tenue au secret peut être condamnée à un an d’emprisonnement et à 15.000 euros d’amende, selon l'article 226-13 du code pénal.

« La crainte qu’on peut avoir, comme LFI fait de la politique en permanence et a un contenu idéologique extrêmement fort, c’est que ça peut être tentant d’organiser des fuites », estime Gilles Carrez, indiquant que le risque « ne doit être ni sous-estimé ni surestimé ». « Jeter en pâture les dossiers fiscaux de particuliers voire d’entreprises, c’est le début du totalitarisme », assure-t-il, y voyant « un engrenage pervers ».

« On ne va pas organiser une chasse aux sorcières »

Pour Eric Coquerel, il est scandaleux d’accuser la Nupes de telles intentions. « Le président de la Commission des finances peut lever le secret fiscal, pas le rendre public, rappelle-t-il à 20 Minutes. Il est évident qu’on ne va pas s’en servir pour organiser une chasse aux sorcières. » Il y voit une manœuvre pour effrayer, « l’équivalent des chars russes en 1981 ».

Pour le député de Seine-Saint-Denis, la présidence de la Commission des finances permettra de « mener des commissions d’enquête parlementaire pointues sur certains sujets qui n’étaient pas ceux mis en avant dans le dernier quinquennat et, à partir de là, d’aller chercher des informations qui peuvent être précieuses ». Il donne en exemple « les questions d’optimisation fiscale » et cite la convention établie entre le Parquet national financier et McDonald’s le 16 juin. Le géant de la restauration a accepté de payer 1,25 milliard d’euros en France et échappe ainsi à des poursuites pénales pour fraude fiscale entre 2009 et 2020.

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« Cela pourra être sur des dossiers, non pas mis en fuite dans la presse, mais qui méritent d’être rendu public par une commission d’enquête parlementaire », estime-t-il. Cette présidence doit être « un contre-pouvoir », souligne-t-il. « Assumer les clivages politiques, ça ne veut pas dire le totalitarisme, ça veut dire la démocratie », défend-il encore.