GEOPOLITIQUEGuy Lagache raconte son docu en immersion au côté d’Emmanuel Macron

« Un président, l’Europe et la guerre », le documentaire saisissant de Guy Lagache en immersion au côté d’Emmanuel Macron

GEOPOLITIQUESeul, avec sa caméra, le journaliste a suivi ces derniers mois la cellule diplomatique de l’Elysée pour un reportage au cœur de l’exercice du pouvoir qui sera diffusé le 30 juin à 21h10 sur France 2
Emmanuel Macron dans une séquence du documentaire de Guy Lagache intitulé un président, l'Europe et la guerre.
Emmanuel Macron dans une séquence du documentaire de Guy Lagache intitulé un président, l'Europe et la guerre. - Eléphant / Breath Films / Mile Production / Phototele
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • Le documentaire de Guy Lagache Un président, l’Europe et la guerre sera diffusé le jeudi 30 juin à 21h10 sur France 2.
  • Le journaliste, seul avec sa caméra, s’est immergé dans la cellule diplomatique de l’Elysée. On y suit notamment les coulisses des différentes discussions entre Emmanuel Macron et ses homologues russe et ukrainien.
  • « C’est l’un des sujets les plus difficiles que j’ai réalisés dans ma vie. J’ai eu des accès, mais ce n’était pas open bar, explique Guy Lagache. Tout a été négocié avec eux, jour après jour, heure après heure. »

«Je voulais aller jouer au hockey sur glace. Je te parle depuis la salle de sport. » Ces deux phrases seraient anecdotiques si elles n’avaient pas été prononcées par Vladimir Poutine lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, le 20 février, quatre jours avant que la Russie attaque l’Ukraine. Ces propos, particulièrement lunaires au regard du contexte géopolitique, ponctuent l’une des nombreuses séquences fortes d’Un président, l’Europe et la guerre, que diffusera France 2 le jeudi 30 juin, à 21h10. Lors du même échange, on entend le chef d’Etat français hausser le ton face à son interlocuteur au sujet des accords de Minsk : « Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit. On s’en fout des propositions des séparatistes. Ce que tu me dis met en doute ta volonté de négocier. »

Parler de documentaire exceptionnel ou qui fera date n’est pas exagéré : il plonge le public au cœur de la cellule diplomatique de l’Elysée et raconte l’histoire en marche, de la montée des tensions aux portes de l’Europe, à l’explosion du conflit et à ses premières conséquences. Une guerre qu’au sommet de l’Etat, personne ne semble avoir voulu voir venir.

« Je pense que tout n’est pas perdu »

Le 2 février, alors que les exercices militaires russes se multiplient autour de l’Ukraine, Emmanuel Macron est confiant. « On va essayer de faire "désescalader" tout ça, dit-il. Je pense que tout n’est pas perdu. » Il livre son analyse : « Nous n’avons pas pensé jusqu’au bout la fin de la Guerre froide. » Le 7 février, le président français rencontre son homologue russe à Moscou pendant cinq heures. Il juge alors la situation « préoccupante ». Le lendemain, il s’envole pour Kiev où il s’entretient à huis clos pendant trois heures avec le chef d’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky. Pendant ce temps, la diplomatie finalise la signature de contrats industriels mal engagés : un suspense dont le documentaire ne perd pas une miette.

Derrière la caméra, Guy Lagache. Le journaliste s’est immergé, dès le mois de janvier, dans les coulisses de l’Elysée. Son projet, au départ, était tout autre : « Raconter à hauteur humaine » et « de façon pédagogique » l’Europe au moment où la France prend, pour six mois, la présidence du Conseil de l’Union européenne. La guerre en Ukraine a complètement bousculé ses plans : le changement d’angle s’est imposé.

« C’est l’un des sujets les plus difficiles que j’ai réalisés dans ma vie »

« C’est la première fois dans l’histoire du documentaire que l’on voit l’exercice du pouvoir en France », a souligné le reporter qui a présenté lundi sa réalisation à une poignée de médias, dont 20 Minutes. Guy Lagache a tourné toutes les images, seul. Il est parvenu à glisser sa caméra jusqu’au bunker de l’Elysée où se déroulait un conseil de défense. « C’est l’un des sujets les plus difficiles que j’ai réalisés dans ma vie. J’ai eu des accès, mais ce n’était pas open bar, explique-t-il. Tout a été négocié avec eux, jour après jour, heure après heure. Une fois que vous entrez le premier jour, il ne faut pas croire que le deuxième est acquis. Tout est à recommencer. » Il a fallu prendre le temps d’installer un rapport de confiance.

N’y avait-il pas un risque de tomber dans le plan de com ? « Le fait que je ne sois pas journaliste politique fait que je ne suis pas pollué par l’habitude de la couverture d’Emmanuel Macron par le prisme de la politique, répond Guy Lagache. Qu’il y ait un travail sur la communication, je n’en doute pas. Le fait qu’il aille à Kiev avec trois autres chefs d’Etat, est-ce un acte de communication politique ? Evidemment. » Et de préciser qu’il a filmé des appels « pendant des heures » et que « ce qui est certain, c’est que quand vous avez un coup de fil de Poutine, vous ne savez pas ce qu’il va se passer. »

Une seule séquence supprimée

Guy Lagache était du voyage – en train – le 16 juin, aux côtés d’Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi qui se déplaçaient en Ukraine pour y rencontrer Volodymyr Zelensky. Dans le wagon, il a interviewé le président français. La séquence ne figure pas dans la copie de travail que nous avons été invités à visionner mais le journaliste assure lui avoir posé « toutes les questions qui semblaient importantes », notamment son exhortation à « ne pas humilier la Russie ». « Ce qui m’intéresse c’est à quoi ça sert de dire ça ? Pourquoi se projeter dans l’après alors qu’on est dans le maintenant ?, s’interroge Guy Lagache. On voit qu’il se dessine une stratégie derrière cela, la volonté de préparer la fin [du conflit], certes, mais aussi de faire opposition à la stratégie anglo-saxonne. »

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Emmanuel Macron n’a pas encore vu ce documentaire. Emmanuel Bonne, le chef de la cellule diplomatique française a eu droit à un visionnage « technique ». « Je voulais m’assurer que les éléments diffusés ne sont pas secret-Défense ou classifiés et donc pas en mesure de mettre à mal la sécurité nationale, indique le journaliste. Il y a une seule chose que j’ai enlevée, une information très confidentielle. » Cela n’ôte rien à l’intérêt que peut revêtir Un président, l’Europe et la guerre pour le public qui pourra juger de ce qui a échoué. Et de ce qui n’a pas marché.

Sujets liés