VACANCESPourquoi les colos vont manquer de monos cet été ?

Vacances d’été : Effet Covid, faible rémunération… Pourquoi les centres de loisirs et les colos vont manquer d’animateurs ?

VACANCESLes centres de loisirs et les colonies de vacances peinent cette année à recruter des animateurs saisonniers
Sur tout le territoire français, 5 000 postes d'animateurs sont vacants pour cet été.
Sur tout le territoire français, 5 000 postes d'animateurs sont vacants pour cet été.  - GILE MICHEL / SIPA
Noémie Penot

Noémie Penot

L'essentiel

  • En France, 5.000 postes d’animateurs de centres de loisirs et de colonie de vacances sont à pourvoir pour la période estivale.
  • Le nombre de diplômés du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) a baissé de 22 % entre 2019 et 2020, une chute qui traduit un désintérêt grandissant pour le secteur.
  • Une revalorisation de la rémunération et des compétences, c’est ce qu’espèrent les professionnels de l’animation. Qui seront contraints cet été de restreindre les effectifs d’accueil d’enfants, voire de supprimer des séjours.

Chaque année en France, 1,3 million d’enfants partent en centre de loisirs ou en colonies de vacances durant l’été. Mais cette fois-ci, ces accueils de loisirs, plébiscités par les parents qui ne peuvent pas poser huit semaines de congé ou ne peuvent s’offrir des vacances en famille, ne tourneront pas à plein régime. En cause : la pénurie d’animateurs saisonniers, que les centres peinent à recruter pour compléter les équipes. « Cette crise est latente depuis un moment, reconnaît Michael Ramalhosa, directeur de programme à la Fédération nationale desFrancas et coordinateurs de l' Observatoire des centres de loisirs éducatifs. Mais avant, on arrivait à trouver des solutions jusqu’à la veille des départs. Dès que les gens se présentaient, ils étaient pris ».

Aujourd’hui, plus de 5.000 candidatures manquent à l’appel, et le nombre de diplômés du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) baisse drastiquement. D’après l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), 31.000 BAFA ont été délivrés en 2020, soit 22 % de moins qu’en 2019. Une tendance sur plusieurs années puisqu’en 2016, près de 55.000 diplômes avaient été délivrés. Pourquoi les jeunes délaissent-ils le secteur ? Quelles sont les perspectives pour l’avenir ? 20 Minutes fait le point.

Des freins à la formation BAFA

Il y a d’abord le cas des jeunes dont la motivation ne fait pas défaut, mais qui ont subi le contexte des deux années précédentes. « Les formations BAFA se déroulent au printemps. Or nous avons été confinés à ces périodes-là », explique Gauthier Herbomel, délégué régional des Hauts-de-France à l’Union française des centres de vacances (Ufcv). Deux ans de suite, les formations ont dû être annulées, et seulement certaines ont pu être reportées au mois de juin. Par ailleurs, la question du prix revient régulièrement sur la table. Passer le BAFA revient à débourser entre 800 et 1.000 euros pour valider le parcours de formation, qui comporte trois stages : deux théoriques et un pratique.

Un coût qui peut être compensé lors du stage pratique, s’il est rémunéré. « Parfois, des employeurs offrent le BAFA à des candidats sous réserve qu’ils animent plusieurs séjours par la suite sans être rémunérés », affirme Vincent Clivio, directeur du développement et de la vie associative à la Fédération nationale Familles Rurales. Autre option : réaliser son stage pratique sans être payé.

Côté aides, la CAF propose 91,47 euros. Les collectivités locales mettent aussi la main à la poche, mais de manière disparate. Selon les départements, elles varient de 100 à 400 euros. Sans compter une aide supplémentaire de 200 euros annoncée par le gouvernement en octobre 2021, allouable dès 2022, en raison de la pénurie d’animateurs.

Une attractivité en berne

Mais si les chances d’obtenir un job en accueil de loisirs sont multipliées pour qui possède le BAFA, elles ne sont pas nulles dans le cas contraire. « La règle est la même quelle que soit la période de l’année : les équipes doivent être constituées d’au moins 50 % de membres formés », précise Michael Ramalhosa. Sans oublier que d'autres diplômes équivalents au BAFA permettent d’accéder à ce job saisonnier. Entre autres, le CAP petite enfance, les brevets sportifs ou la licence STAPS.

La pénurie actuelle de monos s’expliquerait donc davantage par le manque d’attractivité du secteur. « Les jeunes vont se tourner vers des emplois saisonniers plus rémunérateurs », d’après Gauthier Herbomel. Selon les employeurs, la rémunération, pour une journée d’encadrement, s’élève majoritairement à une trentaine d’euros environ - pour aller parfois « jusqu’à x 10 » –, selon le délégué régional. Or, les jeunes « identifient moins qu’avant la cause éducative », complète-t-il. Michael Ramalhosa confirme : « Etre animateur, c’est davantage un engagement éducatif qu’un métier. Et il n’est pas indemnisé à hauteur de ce qu’il devrait être ». « Comme tous les métiers du lien social », conclut Gauthier Herbomel.

Quelles perspectives ?

Conséquence de ce manque d’encadrants, côté organisation pour cet été, c’est l’inquiétude qui règne. « On a des difficultés à boucler toutes les équipes, assure Vincent Clivio. Beaucoup d’associations réduisent la capacité d’accueil des enfants, certaines vont jusqu’à supprimer des séjours ». Car il existe une règle d’or à respecter : celle du ratio enfants/animateurs. « Pour les plus de 6 ans, c’est un animateur pour 12 enfants, et on ne descendra pas en dessous », explique Michael Ramalhosa.

Pourra-t-on inverser la vapeur ? « Il faudrait rendre la formation attractive, mais aussi faire valoir l’apprentissage de la vie collective et de compétences transférables dans d’autres domaines ensuite », selon Michael Ramalhosa. Alors que les premières Assises de l'animation ont eu lieu début 2022, Vincent Clivio espère la création prochaine d’un « comité de filière animation, qui réunirait tous les intervenants du secteur » pour « discuter de l’amélioration des conditions de travail et de formation des animateurs ».