JOUR DE POLOn a passé la première journée de la nouvelle législature à l’Assemblée

Election historique, jeunes stars médiatiques, discours polémique… On a passé la journée à l’Assemblée nationale

JOUR DE POLEntre les tribunes de la presse et la salle des Quatre Colonnes, il y avait du monde à l’Assemblée nationale pour la première journée de la nouvelle législature
Yaël Braun-Pivet, élue première femme présidente de l'Assemblée nationale, mardi.
Yaël Braun-Pivet, élue première femme présidente de l'Assemblée nationale, mardi.  - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

C’est le coup d’envoi ! Ce 28 juin 2022, à 15 heures, c’était le vrai début de la 16e législature de la Ve République. Les nouveaux députés et députées élus les 12 et 19 juin étaient (presque) tous réunis pour choisir leur président, en l’occurrence, pour la première fois, leur présidente. 20 Minutes a planté sa tente dans les jardins du Palais-Bourbon pour raconter le premier tour du reste de la vie de l’Assemblée nationale. Récit et anecdotes d’une première journée chargée.

Les journalistes et les jeunes stars

C’est la foule des grands jours dans la chiche salle de presse de l’Assemblée nationale, encore plus dans la salle des Quatre Colonnes et la salle des Pas perdus, célèbres « zones mixtes » où journalistes, notamment télé, peuvent converser avec les députés et députées. A côté des présents pour l’occasion, il y a ceux qui connaissent mieux les lieux et arcanes de l’institution. « Moi, je m’attends à une étape de plat du Tour de France aujourd’hui. On se réveillera pour le sprint », explique l’un d’eux. Alors que la séance ne démarre qu’à 15 heures, les journalistes font déjà le pied de grue tôt. Certains étaient d’ailleurs déjà là pour la réunion de l’intergroupes de la Nupes, le matin.

Les députés qui passent sont encore rares. Mais ça n’est pas anodin : « Ceux qui arrivent très tôt aux réunions, ce sont toujours ceux qui veulent parler aux journalistes », explique un autre confrère, devant l’arrivée précoce de certains jeunes députés qui ont le don de carte de visite facile. Mais on peut attirer l’attention d’une manière plus politique : la députée écologiste de Lyon, Marie-Charlotte Garin, a par exemple choisi de venir siéger pour cette première avec la robe que portait Cécile Duflot en 2012. Robe qui lui avait valu quelques sifflets. Louis Boyard, le plus jeune député de l’Assemblée, aussi issu de la Nupes, assesseur de droit du scrutin de jour, a, lui, ostensiblement refusé de serrer la main aux députés du RN qu’il croisait à la tribune.

Le discours clivant

Il y en a un qui est la « star légitime » de cette journée : c’est José Gonzalez. Comme à chaque début de législature, avant l’élection du président ou de la présidente de l’Assemblée nationale, les débats de la chambre basse sont brièvement présidés par son doyen d’âge, José Gonzalez cette année, donc. Le député des Bouches-du-Rhône, 79 ans depuis le 28 avril, est issu du RN. Il n’est pas vraiment de la nouvelle garde mariniste : il est au parti depuis les années 1970. En vertu de son âge, il a le droit de faire une petite déclaration depuis le Perchoir.

Une déclaration pas vraiment neutre : José Gonzalez, pied-noir né à Oran, a évoqué sa terre natale à laquelle il a été « arraché ». « J’ai laissé là-bas une partie de ma France », à l’indépendance de l’Algérie en 1962, a-t-il affirmé, s’interrompant un instant sous le coup de son émotion. On peut comprendre la surprise d’une partie de l’assistance pour les applaudissements qui s'en suivent. Sorti, Gonzalez persiste et signe : « Venez avec moi en Algérie dans le Djebel, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire : quand est-ce que vous [les Français] revenez. » Le malaise est intense.

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Les voisins gênants

Le premier jour d’une nouvelle législature de l’Assemblée nationale a forcément un côté rentrée des classes : on ne sait pas toujours à côté de qui on va s’asseoir. Car les députées et députés ne siègent pas encore par groupes politiques, mais par ordre alphabétique. Tous les cinq ans, les observateurs et observatrices ricanent de certains voisinages détonants. En 2017, Jean-Luc Mélenchon était aux côtés d’Emmanuelle Ménard, la députée d’extrême droite de Béziers.

Cette année, notons, pour la bonne bouche, que Sandrine Rousseau, la députée écolo, et Fabien Roussel, le communiste se sont retrouvés côte à côte. Tout comme Aurore Bergé, la présidente du groupe LREM-Rennaissance et d’Ugo Bernalicis, insoumis de Lille. Ça n’empêche pas certaines discussions entre opposants et opposantes, comme entre Hervé Berville, macroniste breton, et Sophia Chikirou, insoumise parisienne. Ça tombe bien, tout le monde le dit, dans cette Assemblée sans majorité et déchirée, il va falloir discuter.

Le prochain match à gagner

La journée de mardi n’est pas terminée que tout le monde pense déjà à jeudi. Jeudi, c’est l’élection des présidents et présidentes des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Parmi elles, la commission des finances, dont la présidence doit aller à un groupe de l’opposition. Le RN, fort de ses 89 députés et députées, la revendique, en tant que premier groupe d’opposition. Sauf que la Nupes, en quatre groupes, rassemble 151 élus et élues. Si, comme elle l’a promis et comme c’est l’usage, la majorité ne vote pas, c’est bien Eric Coquerel, désigné par l’union de la gauche pour briguer le poste, qui devrait l’emporter.

Mais, il y a un « mais » : la presse, et notamment l’Opinion, s’est fait l’écho d’un soi-disant deal secret entre LR et le RN. LR conserverait un des trois postes de questeurs (ceux qui gèrent l’intendance de l’Assemblée) contre un vote pour Jean-Philippe Tanguy, le candidat RN à la commission des finances. Eric Coquerel, serein, n’y croit pas un instant. Il rappelle qu’il faudrait qu’aucune voix LR ne manque pour qu’il se fasse battre. Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, ne croit pas LR capable de franchir ce Rubicon : « Le général de Gaulle ne se retournerait pas dans sa tombe, il ferait des vols planés. »

L’élection attendue

Il faudrait tout de même revenir à l’objet principal de cette journée : l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale. La journée, on l’a dit, s’annonçait longue : sans majorité absolue, il était probable qu’il faille attendre le… troisième tour. Or, comme chaque député vote à bulletin secret, un par un, dans l’ordre alphabétique, il faut entre une heure et demie et deux heures pour voter, dépouiller, et enfin annoncer un résultat. Yaël Braun-Pivet, la candidate d’Ensemble! (la coalition macroniste), était bien sûr la favorite, mais n’était pas seule : Annie Genevard, pour LR, Fatiha Keloua Hachi, pour la Nupes, Nathalie Bassire, élue de la Réunion, et Sébastien Chenu, du RN, étaient aussi sur les rangs.

La faible majorité relative macroniste mettant un peu de piment dans le travail parlementaire, on n’est pas à une théorie du complot près. Peu avant le début du premier tour, un député de la Nupes affirmait avoir reçu « plein de coups de fil d’Olivier Véran » (désormais ministre des Relations avec le Parlement) pour s’assurer que la Nupes ne voterait pas au dernier moment pour la candidate LR et ainsi ferait battre la candidate macroniste au troisième tour. Pendant le dépouillement du premier tour, nouvelle rumeur : Sébastien Chenu se retirerait au second tour (car ici, tout le monde peut se maintenir s’il ou elle le veut). Les journalistes font les comptes, calculettes en main : à une ou deux voix près, il pourrait donc y avoir une élection dès le second tour. Le RN veut-il rentrer plus tôt à la maison, ou mettre dans l’embarras la future présidente, élue grâce à l’abstention de l’extrême droite ?

Le résultat escompté

Sébastien Chenu s’est bien désisté et a offert une élection plus rapide que prévu à Yaël Braun-Pivet, élue grâce à 242 voix au second tour, contre 144 à la candidate de la Nupes (un peu moins que les 151 voix des quatre groupes de l’union de la gauche). Yaël Braun-Pivet, première femme à occuper ce poste​ en France, ne s’est pas privée de souligner l’événement dans son discours, très personnel, et devant sa fille en larmes dans le public. Sur un plan politique, la députée des Yvelines doit donc au moins en partie son élection à l’abstention du RN. Notons aussi que ce scrutin n’a pas (encore) permis de déceler les marges de manœuvre possibles du gouvernement. Au premier tour, Yaël Braun-Pivet a recueilli les 238 voix à peu près prévues, quatre de plus au second tour. Comme ouverture, on fait mieux. Le rendez-vous est déjà pris pour mercredi, pour voir si l’ambiance sera plus à la concorde pour l’élection du bureau de l’Assemblée.