PROCÈSLa condamnation de Salah Abdeslam, un « soulagement » pour les victimes

Attentats du 13-Novembre : « Soulagement » et « libération » pour les victimes à l’énoncé du verdict

PROCÈSL’unique survivant des commandos terroristes de Paris et Saint-Denis a écopé de la peine de prison à perpétuité incompressible
Salah Abdeslam a écopé de la peine de prison à perpétuité incompressible.
Salah Abdeslam a écopé de la peine de prison à perpétuité incompressible. - BENOIT PEYRUCQ / AFP / AFP
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • Après 149 journées d’audience, la cour d’assises spécialement composée a rendu son verdict ce mercredi 29 juin.
  • Salah Abdeslam, unique survivant des commandos des attentats terroristes du 13-Novembre, a écopé de la peine la plus lourde prévue par notre arsenal juridique, la perpétuité incompressible.
  • Devant une salle comble, le président de la cour d’assises spécialement composé a lu une très courte synthèse des charges retenues contre tous les accusés.

A la cour d’assises spécialement composée de Paris,

Dans les travées de la longue salle en bois clair, les larmes sont sorties d’un coup, de part et d’autre de la pièce. Signe du trop-plein accumulé ces neuf derniers mois et ces dernières heures. L’attente, la foule, la forte présence médiatique, le poids de l’enjeu judiciaire et l’énoncé tardif des peines auront eu raison de la sérénité des parties civiles et de certains accusés. Des larmes qui signent aussi l’immense « soulagement » ressenti à l’issue de ces 149 journées d’audience au procès des attentats du 13-Novembre.

« On va enfin pouvoir tourner cette page », glisse dans la salle des pas perdus, David Fritz-Goeppinger, otage rescapé du Bataclan. À l’image de ce procès, cette ultime journée se sera étirée dans le temps. Attendue pour 17 heures, la décision de la cour d’assises a finalement été rendue peu après 20 heures, devant une salle comble. En cinquante minutes à peine, le président Jean-Louis Périès a scellé le sort des 14 accusés qui comparaissaient depuis le mois de septembre et des 6 hommes jugés en leur absence et présumés morts en Irak ou en Syrie.

Réquisitions suivies pour Abdeslam et Abrini

Soucieux d’écourter cette dernière audience, le président de la cour d’assises a indiqué d’emblée vouloir « épargner la lecture exhaustive » des 120 pages de leur décision rédigées au fil de trois journées de délibéré. Tous reconnus coupables, les 14 accusés présents ont écopé de peines contrastées. Le visage fermé, Salah Abdeslam, unique survivant des commandos terroristes, a été condamné à la peine la plus lourde prévue par notre Code pénal. Qualifié de « coauteur » des attaques de Paris et Saint-Denis par la cour, le trentenaire a été condamné à une peine de prison à perpétuité incompressible. Une première pour des faits relevant de terrorisme.

Comme lui, cinq des six accusés jugés en leur absence – dont le commanditaire des attaques Oussama Atar – ont été condamnés à cette peine maximale. Une perpétuité décidée également pour Mohamed Abrini, surnommé dans la presse « l’homme au chapeau » après son identification à l’aéroport de Bruxelles lors des attaques qui ont frappé la capitale belge. À la différence de Salah Abdeslam toutefois, le Molenbeekois bénéficie, lui, d’une période de sûreté de 22 ans. Pour ces deux amis d’enfance, les magistrats de la cour ont fait le choix de suivre les réquisitions du Parquet national antiterroriste.

Des hommes libres

Pour l’ensemble des autres accusés en revanche, les peines rendues ce mercredi ont été plus faibles que celles réclamées par l’accusation. Hamza Attou, Ali Oulkadi et Abdellah Chouaa qui comparaissaient libres, après une période de détention provisoire, ne retourneront pas en prison. Émus et soulagés, les trois hommes condamnés à 4 et 5 ans de prison – assortis de sursis – ont longuement enlacé leurs avocats à l’énoncé de leurs peines. Dans le box, Farid Kharkhach, affichait lui aussi un large sourire. Le Belgo-Marocain de 39 ans a écopé de la plus petite peine : 2 ans de prison. Détenu depuis déjà cinq ans et demi, il devrait sortir de détention dans les prochaines heures – sa femme vient le chercher depuis la Belgique.

Selon la cour, il a bien fourni des faux papiers pour la cellule djihadiste, mais « aucun élément » ne prouve qu’il savait à quoi ils serviraient. La qualification terroriste n’a donc pas été retenue. Pour d’autres, le verdict a été bien plus lourd. Visés par la perpétuité et restés mutiques tout au long du procès, Osama Krayem, Sofien Ayari et Mohamed Bakkali ont été condamnés à 30 ans de prison. Une peine de 18 ans de prison a été rendue à l’égard de deux hommes – Adel Haddadi et Muhammad Usman- choisis par l’Etat islamique pour une mission suicide en France mais interpellés avant sur la route des Balkans. Enfin, trois amis des frères El-Bakraoui, logisticiens belges de la cellule djihadiste, ont écopé de 8 à 10 ans de prison.

Une fin tant attendue

L’avocat de l’un d’entre eux, Ali El Haddad Asufi, salue une décision « satisfaisante » : « Dans l’ensemble, il y a pas mal de surprises. C’était un procès historique avec une grosse charge émotionnelle. La peine pour notre client est satisfaisante au regard de la dureté des réquisitions. Ça a été dix mois éprouvants, en dents de scie. On est content d’arriver au bout. Mais il est évident que beaucoup payent pour les autres. Certains ont servi de symbole et payent pour les morts », a réagi Me Jonathan De Taye.


Notre dossier complet sur le procès

Échangeant longuement avec leur client à travers la paroi vitrée du box après le verdict, les avocats de Salah Abdeslam n’ont pas réagi à la peine rarissime visant leur client. La voix couverte par le brouhaha du public prêt à quitter la salle, Jean-Louis Périès a rappelé que les accusés disposaient désormais de 10 jours pour faire appel. Une perspective difficile à imaginer pour nombre de parties civiles réunies ce mercredi soir sur les marches de l’ancien palais de Justice. Thomas, 30 ans, victime rescapée du Bataclan, entend profiter de la fin de cette séquence éprouvante : « Je me sens libéré, j’avais tellement hâte que ça se termine ». C’est désormais chose faite.