CULTURE DU RISQUEPourquoi il faut éduquer les Français à la culture de la Sécurité civile

Incendies en Gironde : Et si on éduquait les Français aux bons réflexes face aux risques de catastrophes naturelles ?

CULTURE DU RISQUEDe plus en plus touchée par des catastrophes naturelles, aléas du changement climatique, la France a encore des progrès à faire dans la culture du risque et l’éducation de la population
Les vacanciers du camping de la Dune du Pilat après avoir été évacués de leur camping en raison d'un incendie à La Teste-de-Buch, le 13 juillet 2022.
Les vacanciers du camping de la Dune du Pilat après avoir été évacués de leur camping en raison d'un incendie à La Teste-de-Buch, le 13 juillet 2022. - UGO AMEZ/SIPA / SIPA
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Les récents incendies en Gironde ont démontré que les habitants des zones à risque n’ont pas toujours les bons réflexes en cas catastrophe naturelle.
  • Plusieurs professionnels appellent alors à travailler davantage, et dès le plus jeune âge, sur la culture du risque.
  • Si des solutions existent déjà, surtout au niveau local, des progrès restent à faire au niveau national afin d’atteindre l’objectif d’une population informée et éduquée sur les comportements à adopter.

Il existe l’éducation à la Sécurité routière, l’éducation aux risques que comporte l’usage de la drogue, et depuis les multiples attaques terroristes de 2015 et 2016, des exercices face aux risques d’attentats dans les écoles françaises. Il manque toutefois, une éducation aux risques liés aux catastrophes naturelles. « Aujourd’hui dans notre système scolaire, il n’existe aucun cours où on apprend dès le plus jeune âge à adopter les bons réflexes et la conduite à tenir », regrette le porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Geoffrey Casu, interrogé par franceinfo.

Alors qu’ils se battent depuis plus d’une semaine contre des flammes de plus de 100 mètres de haut en Gironde, les pompiers le constatent : les Français n’ont pas les bons réflexes face aux incendies. « Les pompiers recommandent toujours de rester chez soi quand il y a un incendie tant qu’il n’y a pas eu un ordre d’évacuer. Or, le premier réflexe quand on voit de la fumée au loin, c’est de partir. C’est un mauvais réflexe », explique à son tour Olivier Richefou, président du département de la Mayenne et président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) dans une interview à franceinfo.

Outre les incendies, il y a également les inondations ou les tempêtes qui peuvent survenir sur plusieurs territoires en France. Apprendre à réagir donc, mais aussi à éviter les mauvais réflexes qui peuvent déclencher des incendies. « Il nous faut travailler sur les comportements à risque », explique encore Geoffrey Casu.

Ce qui existe déjà

Des obligations qui incombent à l’Etat et aux communes existent déjà. Ainsi, le préfet est chargé d’élaborer un dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) qui liste pour chaque commune d’un département les risques auxquels elles sont exposées. Par ailleurs, toutes les communes doivent faire une synthèse des risques auxquels les habitants sont soumis et l’accompagner de messages de prévention et d’informations sur comment bien s’en protéger, c’est le document d’information communal sur les risques majeurs (DCRIM).

Toutefois, « ce sont des outils très techniques, peu connus du public, donc il faut aller au-delà afin d’attirer l’attention des habitants sur les risques encourus », admet Paul Guéro, chef de projets risques et aménagement à la direction territoriale du Cerema Méditerranée, un établissement public partagé entre l’État et les collectivités, interrogé par 20 Minutes. Car pour le moment « l’objectif d’avoir une population alertée sur les risques n’est pas atteint », abonde-t-il.

Des exemples à suivre

Le Japon est devenu un modèle dans la préparation aux risques sismiques et volcaniques. Des exercices de simulation de séismes sont organisés dans les écoles pour préparer dès le plus jeune âge les habitants à ces situations extrêmes.

Les Antilles françaises, davantage exposées à des risques naturels majeurs comme les séismes, les cyclones ou encore les aléas volcaniques, se sont engagées depuis les années 1990 à l’éducation de la population. Une prévention initiée principalement par les autorités (actions impulsées par l’État, par les collectivités territoriales…) mais aussi par les citoyens via des associations, notamment, explique le site Geoconfluence. Ainsi, en Martinique, il existe un Centre de découverte des sciences de la terre (CDST) et une Caravane de la prévention des risques majeurs. Cette dernière est destinée à répondre aux besoins de sensibilisation aux risques tant en milieu scolaire qu’auprès du reste de la population.

Si la France métropolitaine est moins touchée par ce genre de catastrophes, depuis plusieurs années, les violents incendies, les inondations, les tempêtes se multiplient et s’intensifient. Une tendance qui va incontestablement se poursuivre avec le réchauffement climatique. Et la culture du risque, définie par le ministère français de l’Environnement, comme « la connaissance par tous les acteurs (élus, techniciens, citoyens, etc.) des phénomènes naturels et l’appréhension de la vulnérabilité », peut encore être améliorée.

Concrétiser la théorie par des exercices concrets

Localement, des idées et des expériences sont alors mises en œuvre, comme les commémorations de catastrophes naturelles pour rappeler que ce type d’événements est déjà arrivé. C’est notamment le cas à Nice qui, depuis les inondations de 2015, se souvient tous les ans « pour faire perdurer la culture du risque », explique Paul Guéro. Les témoignages de personnes qui ont été victimes ou de professionnels qui ont agi pendant une catastrophe naturelle permettent également d’alerter les habitants. C’est en effet la première étape du processus : avoir conscience que le phénomène, quel qu’il soit, peut arriver. « C’est seulement après que l’on peut transmettre les messages de prévention et des moyens d’action des citoyens », explique le chef de projets.

D’autre part, l’éducation des enfants est jugée « indispensable » par Paul Guéro car « les enfants sont un vecteur important de la culture du risque ». Sensibilisés à la fin de l’école, ces derniers vont souvent transmettre le message aux parents. Pour le moment, il s’agit surtout d’initiatives locales avec par exemple des ateliers pour les scolaires. A noter qu’il existe néanmoins au programme des classes de géographie, SVT et d’éducation civique et morale au collège, une thématique intitulée : « Comment préparer et prévenir la population de ma commune en cas d’alerte aux inondations ? »

En revanche, des exercices concrets et des messages de prévention, comme vus au Japon, pourraient permettre de concrétiser la théorie. D’ailleurs « dans les secteurs où l’école ou le quartier ont déjà été touchés par une inondation, il y a déjà des exercices qui simulent l’immersion du bâtiment », précise Paul Guéro, un peu à l’image des alertes incendies activés deux fois par mois au minimum. Nationaliser cette pratique serait un grand pas en avant pour avoir une population alerte et éduquée sur la question des risques naturels.