RANDO URBAINEL'improbable défi d'un Australien pour découvrir le 20e arrondissement

Paris: L'improbable défi d'un Australien décidé à marcher dans toutes les rues du 20e arrondissement

RANDO URBAINEInstallé à Paris depuis presque un an, Robert Kos, prof de yoga et d’anglais, a décidé de marcher dans toutes les rues du 20e arrondissement pour mieux les découvrir
« Je marche seul dans les rues qui se donnent »
« Je marche seul dans les rues qui se donnent » - G. Novello / 20 Minutes
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Se balader à pied, « c’est la meilleure façon d’explorer une ville », estime Robert Kos, jeune prof australien, fraîchement débarqué dans le 20e arrondissement de Paris où il s’est installé.
  • Et comme il aime les défis, il a décidé de parcourir toutes les rues à pied de son arrondissement.
  • Après douze sorties et environ 150 km dans les pattes, il est plus que jamais attaché à son quartier et à « l’esprit du 20e » qui fait penser à un village.

Tout le monde rêve de faire un road trip en Australie. Mais qui eût cru qu’un Australien viendrait faire un road trip dans le 20e arrondissement de Paris ? Evidemment, nous exagérons, mais nous sommes journalistes donc nous pouvons. Ce n’est pas vraiment un road trip que Robert Kos effectue dans les rues du dernier arrondissement de Paris, ce serait plutôt un street trip.

« Je suis en train de faire un projet personnel dans lequel je vais marcher le long de toutes les rues du 20e arrondissement », nous avait écrit cet Australien de 36 ans dans un mail qui avait attiré notre attention, tant la démarche était originale et suscitait des interrogations. Et pour avoir des réponses, nous avons donc rencontré Robert Kos, place de la Réunion, évidemment dans le 20e, près de là où il habite. Pour faciliter la conversation, nous nous attablons au Café sans nom et Robert, chemise vert pâle sur tee-shirt blanc, commande un Pastis, il est 14 heures. Ça sent quand même le gros cliché, mais en fait non. « J’en buvais déjà en Australie, ce n’est pas facile à trouver, mais il y en a », explique-t-il.

De Singapour à Saint-Fargeau

Mais revenons à nos moutons (australiens), cela fait onze mois que Robert, prof d’anglais et de yoga, est installé à Paris, dans le 20e arrondissement. Auparavant, « il a vécu pendant 13 ans à Singapour », mais a « voyagé dans toute l’Asie. » Et c’est lors de son arrivée dans la capitale que lui est venu l’idée de son projet un peu fou.

« I love walking, commence-t-il en anglais, avant de poursuivre en français. C’est la meilleure façon d’explorer une ville. J’adorais marcher en Asie. Et je voulais explorer le 20e arrondissement à pied parce qu’il y a beaucoup de diversité, plein de boutiques, de cultures locales. » Et pour que son exploration soit totale, il a décidé de parcourir toutes les rues de l’arrondissement. « Ma première sortie était dans le quartier des Amandiers. J’ai fait une quinzaine de kilomètres et ça m’a pris trois heures », raconte-t-il. Et si le néo-Parisien pensait au début que c’était « simple », il s’est vite rendu compte de la densité des rues dans la capitale.

Douze sorties plus tard, il a arpenté 150 km de voiries selon les données de son smartphone. Il ne lui reste plus que le cimetière du Père-Lachaise, le parc de Belleville et une petite zone autour de la place de la Réunion. S’il espère boucler les deux derniers avant de partir en vacances le 30 juillet, le cimetière, ce sera pour plus tard. « Pour le Père-Lachaise, il y a beaucoup de petits sentiers et ça doit faire en tout 50 à 60 kilomètres » estime Robert. Et il n’agit pas par hasard. « Si je veux faire toutes les rues, je dois planifier, explique-t-il. Il y a beaucoup de backtracking [retour en arrière]. Parfois les gens me regardent et se demandent si je ne suis pas fou puisque je vais au bout d’une rue pour ensuite faire demi-tour. »

« Off the street »

Téléphone en main, sa démarche exige une complète concentration « c’est difficile d’écouter de la musique en même temps » –, ce qui n’empêche pas les loupés. Comme le 19 juillet, jour de la canicule. « J’ai raté une petite rue, confesse Robert. Le lendemain, je suis revenu pour la compléter, en plus c’était une rue complètement oubliable ! » Et son défi l’oblige aussi à emprunter des voies peu accueillantes pour les piétons, comme les voies d’accès du periph'.

Et qu’a-t-il retenu des pérégrinations ? Qu’il « adore » le 20e arrondissement. « Ici, c’est très différent, vraiment unique, témoigne l’Australien. Ce n’est pas comme à Sydney d’où je viens, il y a des gens de tous les horizons, il n’y a pas encore de gentrification. » Il apprécie surtout « l’esprit du 20e » qui fait penser à un village avec des petites rues, « off the street », comme il le dit en citant l’exemple de la Campagne à Paris. Il a également été surpris de découvrir la petite ceinture dans une ville qu’il percevait comme très urbanisée. Et Robert a fait du 20e son chez-lui, comme un port d’attache : « Quand je vais dans le centre de Paris, c’est toujours cool de revenir ici. »

Robert in Paris

Avide d’apprendre, le jeune prof pose un regard neuf et bienveillant sur Paris, qui pour un temps renvoie les grincheux dans leur aigreur. Petit florilège : « Je suis surpris parce que c’est propre, Paris ne mérite pas sa mauvaise réputation », « Les Parisiens sont très sympas, et tout le monde était gentil même quand je ne parlais pas très bien français » ou encore « I feel Paris is very inclusive ». Lui qui aime les livres et la culture, il ne se sentait pas à son aise en Australie où ça ne cause que rugby ou cricket. Et, selon lui, c’est tout le contraire à Paris où « les gens aiment discuter des idées, dans le monde c’est très rare ». Avant de conclure : « French people know how to live a good life ».

Le liquide jaunâtre a quasiment disparu de son verre et Robert ne sait pas ce qu’il fera quand son exploration du 20e arrondissement sera bouclée. Fera-t-il de même avec les autres quartiers de la capitale ? « Les autres arrondissements pourraient être décevants », juge-t-il sans toutefois fermer la porte. Un énorme camion de livraison vient de faire pour la deuxième fois le tour de la place de la Réunion. « On dirait moi », s’exclame-t-il.