VIRUSPeut-on éviter une pandémie de variole du singe?

Variole du singe : Objectif « zéro Monkeypox », mais vaccination jugée trop lente… Peut-on éviter la pandémie ?

VIRUSPrès de six semaines après l’ouverture de la vaccination préventive des personnes à risque contre la variole du singe, la campagne vaccinale est jugée trop lente par nombre d’associations pour contenir efficacement la diffusion du virus
A ce jour, 38.002 doses de vaccin antivariolique ont été administrées.
A ce jour, 38.002 doses de vaccin antivariolique ont été administrées. - SYSPEO/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • A ce jour, la France recense 2.749 cas de variole du singe, et 38.000 doses de vaccin ont été administrées alors qu’environ 250.000 personnes à risque sont éligibles à la vaccination préventive.
  • Selon Brigitte Autran, immunologue nommée ce mercredi présidente du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, « une stratégie zéro Monkeypox est possible ».
  • Mais cet objectif est-il atteignable aujourd’hui ?

Des contaminations qui augmentent. Trois mois après l’apparition des premiers cas occidentaux de variole du singe, la France recense à ce jour 2.749 cas, selon les derniers chiffres de Santé publique France.

Et si les personnes à risque sont éligibles à la vaccination préventive, du côté des associations, on juge la campagne vaccinale trop lente pour contenir la propagation du virus, avec, en ligne de mire, la crainte que l’épidémie échappe au contrôle des autorités sanitaires. Et ne devienne la prochaine pandémie ?

« Loin du compte » sur la vaccination

Dans son avis du 7 juillet dernier, la Haute autorité de Santé (HAS) recommande la vaccination préventive des personnes exposées du fait de leurs pratiques sexuelles ou de leur profession. Soit un public cible estimé à plus de 250.000 personnes, correspond notamment à la population d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et étant multipartenaires, aux travailleurs et travailleuses du sexe et, au cas par cas, aux professionnels de santé prenant en charge les personnes malades. Or, pour l’heure, « 38.002 » doses ont été administrées au 15 août, selon le ministère de la Santé, sans préciser le nombre de personnes vaccinées et la proportion de première et seconde doses. Et « 79.405 doses de vaccin ont été livrées par l’Agence aux territoires au 16 août », indique de son côté Santé publique France.

« Au rythme actuel, toutes les personnes éligibles » seront vaccinées seulement « fin décembre, et avec une seule dose », ont déploré dans un communiqué des associations de lutte contre les discriminations LGBT+, dont Act Up-Paris, AIDES, Sidaction et le syndicat des travailleurs du sexe STRASS. L’épidémie sera alors « hors de contrôle », redoutent-elles, appelant le gouvernement à accélérer la vaccination afin que l’ensemble du public cible soit protégé avant fin septembre. Selon elles, il faudrait vacciner « au moins 37.000 personnes par semaine ». Mais « nous sommes très loin du compte », estiment-elles, précisant qu'« environ 15.000 personnes par semaine » sont actuellement vaccinées contre le Monkeypox.

Un objectif « zéro Monkeypox » atteignable ?

Accélérer la cadence, c’est aussi ce que préconise l’immunologue Brigitte Autran, nommée ce mercredi « présidente du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires », la nouvelle entité qui succède au Conseil scientifique et qui sera chargée de conseiller le gouvernement dans sa gestion des situations de crise sanitaire. Selon elle, « une stratégie "zéro Monkeypox" est possible, contrairement à celle du " zéro Covid". De par sa nature, ses voies de transmission, c’est un virus qu’on peut maîtriser ».

Un objectif atteignable ? « Le "zéro Monkeypox" est en théorie envisageable lorsque l’on a quelques milliers d’infections sur un territoire aussi étendu et développé que la France. C’est-à-dire en tout début d’un processus épidémique. Mais en théorie seulement », analyse Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève. Pour y parvenir, « il faut tester les cas suspects, tracer les contacts, isoler les positifs et mettre en quarantaine leurs contacts. Mais la pratique montre combien la tâche est difficile : le test doit être fait dès la moindre suspicion », souligne l’épidémiologiste. Ce qui n’est pas systématique en cas de symptômes non significatifs ou de difficultés d’accès au dépistage. « Ensuite, tracer les contacts est compliqué lorsque les personnes testées positives rapportent avoir eu des contacts sexuels avec des partenaires multiples et anonymes. Sans compter les éventuelles contaminations par les surfaces, les linges contaminés, voire par aérosols ».

L’isolement des cas positifs, un défi

Comme le rappelle Santé publique France, parmi les symptômes évocateurs, « la variole du singe peut provoquer une éruption, faite de vésicules remplies de liquide qui évoluent vers le dessèchement, la formation de croûtes puis la cicatrisation ». Des vésicules qui peuvent démanger, et qui « se concentrent plutôt sur le visage, dans la zone ano-génitale, les paumes des mains et plantes des pieds ou encore sur le tronc, les membres et les muqueuses ». Une éruption qui peut s’accompagner de fièvre, de maux de tête et de gorge, et de courbatures, et les ganglions lymphatiques peuvent être enflés et douloureux, sous la mâchoire, au niveau du cou ou au pli de l’aine. Mais les symptômes et leur intensité varie d’une personne à l’autre.

Autre difficulté pratique de taille : « L’isolement des cas positifs et la mise en quarantaine de leurs contacts est plus facile à promulguer qu’à réaliser, souligne Antoine Flahault. Il doit durer jusqu’à la chute de la dernière croûte après l’éruption vésiculeuse, ce qui prend trois à quatre semaines. C’est long un isolement de 21 à 28 jours seul chez soi, et il faut prévoir les amortisseurs sociaux pour permettre aux gens de survivre durant cette période. En outre, il faut une grande adhésion aux mesures préconisées de la part des patients concernés. Or, ce sont principalement des jeunes très actifs et très connectés. Quant aux cas contacts identifiés, ils doivent se mettre en quarantaine le temps de la durée d’incubation [de 5 à 21 jours selon le ministère de la Santé], et s’isoler trois à quatre semaines de plus en cas de test positif. On comprend ainsi toute la difficulté face à laquelle nous sommes confrontés dans la lutte contre cette épidémie ».

Renforcer la prévention et accélérer le déploiement de la vaccination

Dans ce contexte, une pandémie de variole du singe est-elle inéluctable ? Heureusement non. « A la différence du Covid-19, on dispose dès le démarrage de ce processus épidémique du Monkeypox d’un vaccin et même d’un traitement antiviral – dont l’efficacité et l’innocuité restent certes à démontrer, rassure l’épidémiologiste. Par ailleurs, fort des leçons apprises au début de la pandémie de Sida, les milieux homosexuels masculins sont très au courant des méthodes prophylactiques pré-exposition, et réclament la vaccination contre le Monkeypox ».

D’où l’importance de « déployer rapidement le vaccin chez toutes les personnes aujourd’hui à risque d’être contaminées, si l’on veut espérer reprendre le contrôle sur cette épidémie, et combiner cette proposition vaccinale à une information précise » relayée auprès des populations cibles. Mobilisée depuis le signalement des premiers cas français, l’association a ainsi publié une liste de conseils pratiques pour réduire les risques de contamination et mis en place un fil Telegram pour suivre l’actualité liée au virus. Elle recommande ainsi, outre la vaccination préventive, « de réduire le nombre de ses partenaires et son exposition aux fluides corporels », de « s’auto-checker » en cas d’apparition de symptômes évocateurs.

En cas de contamination, l’association préconise de « prévenir ses partenaires », de « s’isoler » et, « si l’isolement n’est pas possible ou limité, d’éviter au maximum d’exposer d’autres personnes au virus », en couvrant boutons et croûtes avec des pansements, en évitant les contacts et en nettoyant « les surfaces, les tissus et les poignées ». Précaution ultime, AIDES rappelle que « même une fois guéri, le port du préservatif est conseillé durant 8 semaines car il est possible que le virus soit (encore) présent dans le sperme ».