ATHLETISMEAprès la déception de Munich, l’athlétisme français est-il dans la sauce ?

JO de Paris 2024 : « On part de trop loin »… Après la déception de Munich, l’athlétisme français est-il dans la sauce ?

ATHLETISMEAvec neuf médailles dont aucune en or, l’équipe de France d’athlétisme n’a pas franchement brillé lors des championnats d’Europe de Munich. A seulement deux ans des JO de Paris, le constat ne prête pas vraiment à l’optimisme
Louis Gilavert a terminé 15e du 3000 m steeple à Munich.
Louis Gilavert a terminé 15e du 3000 m steeple à Munich. - ANDREJ ISAKOVIC / AFP / AFP
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Après être passée totalement à côté des Mondiaux d’athlé à Eugene, l’équipe de France ne s’est pas beaucoup rassurée du côté de Munich lors des championnats d’Europe.
  • A deux ans des Jeux Olympiques de Paris 2024, le niveau de l’athlétisme français est plus que préoccupant.
  • Malgré les immenses ambitions affichées Laura Flessel en 2017, la France ne semble pas s’être donnée les moyens pour y parvenir. Désormais, mieux vaut viser les JO 2028.

Si on s’écoutait, et on va le faire, on aurait tendance à dire qu’on n’attendait pas grand-chose de l’équipe de France lors des championnats d’Europe d’athlétisme de Munich qui se sont achevés dimanche soir mais qu’on est quand même déçu. Avec un bilan final de 9 breloques dont zéro en or – ce qui ne nous était plus arrivé depuis 1982 – la France termine à une triste 22e place au classement des médailles (et à la 6e place au total de médailles), alors même que les absences conjuguées de la Russie et la Biélorussie offraient tout de même des possibilités réelles de croquer un peu plus dans le gâteau.

Le tout dans un championnat d’Europe dont le niveau n’a rien à voir avec celui des Mondiaux où, comme on l’a vu à Eugene (Etats-Unis) en juillet, les tricolores se sont sévèrement pris les pieds dans le tapis, avec une médaille en tout et pour tout, arrachée le dernier jour par Kévin Mayer notre sauveur. « Après Eugene, on va dire qu’on s’en sort un peu mieux au niveau européen, et heureusement, mais à l’arrivée on constate qu’on est plutôt sur une année moyenne malgré tout. On se rend compte que même au niveau européen on est en difficulté dans pas mal de disciplines. Sur 200 m on n’a pas un finaliste, sur le 100 m on n’en a qu’un, et la liste est encore longue », analyse Stéphane Diagana, consultant pour France Télé en Bavière lors de cette quinzaine.

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Pas vraiment aidé par le forfait de Kévin Mayer, cache-misère tricolore à Eugene et meilleure chance de médaille d’or en Bavière, l’athlé français n’a en effet pas beaucoup de motifs de satisfaction à retirer de ce voyage outre-Rhin, si ce n’est celui d’un esprit de corps retrouvé au sein du Club France selon les dires des commentateurs sur place. On retiendra tout de même les belles promesses affichées par Just Kwaou-Mathey (en bronze sur le 110 m haies), Sasha Zhoya et Wilfried Happio (en argent sur 400 m haies), ou la médaille d’argent de Pascal Martinot-Lagarde (à un millième de l’or), histoire de ne pas totalement sombrer dans la déprime.

De retour de Munich, entre deux avions, le directeur de la performance Romain Barras se refuse de son côté de tomber dans le catastrophisme, même s’il reste lucide : « On peut se dire qu’on est la 22e nation, que le tableau est noir et que, comme je le lis ça et là, on est derrière des pays comme l’Albanie ou la Belgique, mais on peut aussi regarder le nombre de médailles totales et là on est la 6e nation européenne. C’est un peu plus verdoyant, même si ce n’est pas non plus exceptionnel, il ne faut pas se le cacher. »

« L’athlétisme français est encore en reconstruction »

A seulement deux ans des Jeux de Paris, il faut vraiment se lever aux aurores pour trouver du monde pour croire encore au miracle. Même chez les athlètes qui comptent, ça ne transpire pas la conf' par tous les pores. Avant les Mondiaux d’Eugene, Renaud Lavillenie ne se voilait pas la face chez nos confrères du Monde. A la fois dans sa propre discipline où, « sans être prétentieux », il avait du mal « à dire qu’il y a de la relève », mais aussi d’un point de vue global : « Si on compte sur dix athlètes de niveau mondial, on sait que l’on peut avoir deux ou trois médailles. Il n’y a pas de raison que l’on soit moins bons que les autres. Mais il ne faut pas se dire que, du jour au lendemain, les Français vont se mettre à gagner alors qu’ils n’ont jamais rien gagné avant. Cela ne vient pas comme ça. A deux ans des Jeux, c’est trop tard ».

« Je partage l’inquiétude de Renaud », nous confie Diagana. Au vrai, difficile de ne pas aller dans leur sens. Partout, cette même sensation que la France s’est mis à sortir ses cahiers et à bûcher à moins de 24 heures du bac de philo. Ça valait bien la peine de clamer haut et fort des ambitions folles pour se retrouver en slip à la veille du grand oral… Pour l’ancien DTN Patrick Gergès « l’athlétisme français est encore en reconstruction. » Il détaille :

« « L’après Rio a été très compliqué, on était sur une génération qui avait débuté avec Barcelone en 2010, une génération dorée qui vampirisait un peu les sélections de l’équipe de France et derrière il n’y a pas eu un gros travail de construction pour préparer l’avenir. Pour construire une équipe de France, c’est entre 8 à 10 ans. Pour les Jeux de Paris, il aurait fallu commencer en 2014 » »

Il aurait aussi fallu avoir une vision stratégique claire et un plan d’action bien établi, ce qui est plus compliqué quand on change de DTN comme de juste au corps, comme ce fut le cas à la Fédération française d’athlétisme ces cinq dernières années. Pendant cette période, la FFA a en effet connu trois directeurs ou directrice technique national (e) : Patrick Gergès entre 2017 et 2020, Anne Barois (par intérim) entre 2020 et 2021 et Patrick Ranvier, l’actuel DTN nommé en fin d’année dernière. Et on ne parle pas du départ surprise de l’ancien directeur de la performance Florian Rousseau.

Parer au plus pressé et voir plus loin que 2024

« Il y a plein de choses désespérantes et je ne veux pas entrer dans les détails, mais la plus grosse c’est la gestion tout en haut, soupire Renaud Longuèvre, l’ancien manager des équipes de France d’athlétisme et actuel DTN de l’équipe d’Israël. Cette quasi-vacance du poste de DTN entre 2020 et 2021, c’est n’importe quoi. Les pays étrangers rigolent quand ils voient ça, ils se foutent de notre gueule ! Comment c’est possible à deux ans des Jeux de perdre autant de temps ? ». Nommé directeur de la performance en janvier dernier, l’ancien décathlonien Romain Barras tente tant bien que mal de rattraper le temps perdu, même si lui et son équipe ne peuvent pas faire des miracles.

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« On n’est pas responsable de ce qui a été fait avant notre arrivée, on essaye juste de placer les jalons qui vont développer l’athlétisme de demain, explique-t-il. On dit çà et là que c’est trop tard pour 2024 ? Mais une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait ? On se met au travail le plus rapidement possible. Il y a les micros changements, qui sont de l’ordre de l’optimisation dans l’optique de Paris 2024, et les macros changements, dans une optique à plus long terme, mais qui prennent plus de temps. Il faut garder à l’esprit qu’après Paris 2024, tout ne sera pas foutu. On commence à construire pour les années futures afin qu’on ne se retrouve pas comme aujourd’hui à se dire « ah ben il ne nous reste plus que deux ans avant les Jeux 2028… ».

Bricoler aujourd’hui pour mieux rebâtir demain, c’est la seule alternative envisagée par Stéphane Diagana. « Même si le travail qui est entrepris par Romain Barras et ses équipes est intéressant, on part de trop loin pour 2024. Vu le contexte, on est obligé d’être dans une logique de sur-mesure afin d’optimiser les performances au cas par cas. Il faut désormais travailler sur le temps long et ne pas se laisser obnubiler par Paris 2024 ». En gros on est dans la sauce et notre meilleure chance de briller à la maison dans deux ans est encore de s’en remettre à la politique dite de Jean-Claude Dusse : « Vas-y fonce, oublie que t’as aucune chance, on ne sait jamais, sur un malentendu… ».