FUITE EN AVANTExpulsion, fiché S et cavale... Le point sur l'affaire Hassan Iquioussen

Affaire Hassan Iquioussen : Que sait-on sur la fuite de l’imam, dont l’expulsion a été validée par le Conseil d’Etat ?

FUITE EN AVANTLe prédicateur risque trois ans de prison pour s’être soustrait à son interpellation
Des policiers contrôlent des voitures devant une maison appartenant à la famille d'Iman Hassan Iquioussen, à Lourches, dans le nord de la France, le 30 août 2022.
Des policiers contrôlent des voitures devant une maison appartenant à la famille d'Iman Hassan Iquioussen, à Lourches, dans le nord de la France, le 30 août 2022. - FRANCOIS LO PRESTI / AFP / AFP
M.L. et D.R. avec AFP

M.L. et D.R. avec AFP

L'essentiel

  • Le Conseil d’Etat a donné son feu vert ce mardi à l’expulsion de l’imam marocain Hassan Iquioussen dont Gérald Darmanin avait fait ces dernières semaines un symbole de la lutte du gouvernement contre les « discours séparatistes ».
  • Après la décision du Conseil d’Etat, la police s’est rendue dans l’après-midi au domicile du prédicateur près de Valenciennes (Nord) afin de l’interpeller pour l’expulser vers le Maroc. Mais, ils ne l’ont pas trouvé.
  • L’imam est désormais considéré comme étant en fuite et a été inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR). 20 Minutes fait le point sur cette affaire alors que, selon une source proche du dossier, la possibilité que l’imam soit en Belgique a été évoquée.

Mardi après-midi, les forces de l’ordre se sont rendues au domicile de l’imam Hassan Iquioussen. Ce prêcheur, proche des Frères musulmans, est sous le coup d’un avis d’expulsion du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a été validé par le Conseil d’Etat hier. Toutefois, lorsque les policiers sont arrivés à son domicile de Lourches, dans le Nord, l’homme de nationalité marocaine était introuvable. Mais qui est Hassan Iquioussen ? Pourquoi son expulsion a-t-elle été décidée ? Quelles suites l’affaire pourrait-elle connaître ? 20 Minutes fait le point pour vous.

Qui est Hassan Iquioussen ?

L’imam marocain Hassan Iquioussen, à qui Gérald Darmanin reproche une vision de l’islam « contraire aux valeurs de la République », est un proche des Frères musulmans, bien implanté dans le Nord et au discours ambigu. Le prédicateur a été accusé à plusieurs reprises d’antisémitisme. Après une première polémique en 2004, il s’excuse et ajoute : « l’antisémitisme est une horreur » mais d’autres dérapages suivront.

On l’accuse aussi d’avoir décrit Oussama Ben Laden comme un « grand combattant face aux Américains » mais il est difficile de trouver des traces de ses propos les plus polémiques. « C’est un malin. Il a été très prudent » dans les propos qu’il tient « sur ses plateformes » en ligne, estime Bernard Godard, ancien fonctionnaire au ministère de l’Intérieur et spécialiste de l’islam. La chaîne YouTube du prédicateur, sur laquelle il délivre cours et sermons sur l’islam dans la vie quotidienne (pauvreté, violence, épanouissement dans le couple, etc.), compte 178.000 abonnés.

Né en France, il avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Mais ses cinq enfants et ses 15 petits-enfants sont Français et parfaitement implantés dans la région : un fils est imam à Raismes, un autre ex-élu PS à Lourches. D’après le ministre de l’Intérieur, Hassan Iquioussen est fiché S par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) « depuis dix-huit mois ».

Pourquoi est-il en passe d’être expulsé ?

Gérald Darmanin avait annoncé son désir d’expulser Hassan Iquioussen dès le 28 juillet dernier. Les autorités françaises l’accusent d’avoir tenu des propos antisémites, homophobes et sexistes lors de prêches ou de conférences, dont certains ont été tenus il y a près de vingt ans. Le 5 août, le tribunal administratif de Paris avait suspendu en référé l’expulsion vers le Maroc de cet imam réputé proche des Frères musulmans, jugeant qu’elle porterait une « atteinte disproportionnée » à sa « vie privée et familiale », mais le ministère de l’Intérieur avait fait appel de cette décision. Mardi, le Conseil d’Etat a donné son feu vert à l’expulsion.

Le juge des référés du Conseil d’Etat estime que « ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion. Il considère par ailleurs que cette décision ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale de M. Iquioussen », explique la plus haute juridiction administrative française dans son communiqué.

Quelles sont les suites possibles de l’affaire ?

Ce mercredi après-midi, le préfet du Nord, Georges-François Leclerc, a confirmé que deux « visites domiciliaires » ont été effectuées, mardi, à Lourches, dans le Nord, dès que la décision du Conseil d’Etat a été rendue. Des visites « dans des lieux ou Hassan Iquioussen était susceptible de se trouver », infructueuses alors même que ces endroits étaient surveillés par la police. « Dès lors, puisqu’il s’est soustrait à la mesure d’expulsion alors qu’il en était avisé, M. Iquioussen a été considéré comme un délinquant et la procédure administrative est devenue une procédure judiciaire », a ajouté le représentant de l’Etat, précisant que le scénario d’une « fuite en Belgique » était privilégié.

A cause de sa fuite, Hassan Iquioussen a été inscrit au Fichier des personnes recherchées (FPR). Il risque trois ans de prison pour s’être soustrait à son interpellation. L’imam devrait toutefois continuer les procédures et les recours judiciaires. « Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH », a annoncé Me Lucie Simon, son avocate.

La Cour européenne des droits humains (CEDH) avait refusé de suspendre l’expulsion début août, expliquant qu’elle n’accordait des mesures provisoires de suspension « qu’à titre exceptionnel », lorsque le requérant était exposé « à un risque réel de dommages irréparables ».