ENERGIEPourquoi votre facture d’électricité a peu de chance de grimper en flèche

Electricité : Pourquoi votre facture a-t-elle peu de chance de grimper en flèche dans les prochains mois ?

ENERGIELe prix du marché du mégawattheure explose, mais rassurez-vous, votre facture d'électricité n’y est pas entièrement corrélée
L'électricité s'envole, mais pas nécessairement votre facture
L'électricité s'envole, mais pas nécessairement votre facture - Pixabay / Pixabay
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Sur le marché de l’électricité, le prix du mégawattheure a été multiplié par 12 en un an.
  • De quoi susciter de nombreuses inquiétudes chez les particuliers, qui redoutent de voir leur facture subir la même flambée.
  • Pourtant, de nombreux mécanismes devraient vous éviter de vous ruiner au moment de régler votre consommation électrique.

Flambée sur le marché de l’électricité en France. En un an, le prix de gros est passé de 85 euros à plus de 1.000 euros le mégawattheure pour 2023. Une multiplication par 12 qui a de quoi inquiéter les ménages, déjà éprouvés par l’inflation galopante. Outre-manche, d’ailleurs, les nouvelles ont de quoi faire peur : le Royaume-Uni a annoncé une hausse de 80 % des tarifs de l’énergie dès octobre.

Un tel scénario peut-il atteindre nos frontières ? « Le prix de la facture devrait augmenter dans les prochains mois, mais ils ne seront jamais multipliés par 12 », rassure d’emblée Lamis Aljounaidi, économiste de l’énergie et dirigeante de la société de conseil Paris Infrastructure Advisory.

Part minime de la facture

L’experte dissèque pour nous une facture d’électricité, qu’on peut diviser sommairement en trois parts. Primo, le coût de la distribution et du transport de l’énergie. Ce dernier augmente un peu, en raison du renouvellement d’un réseau désormais vétuste, mais de l’ordre de 2-3 % par an. Pas de quoi faire exploser le prix de votre budget. Deuxièmement, la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui aide à financer les énergies renouvelables, le surcoût de production d’électricité dans les zones non métropolitaines et le chèque énergie pour les foyers les plus modestes. Cette part va logiquement augmenter avec la hausse de la précarité en France, mais il devrait là aussi s’agir d’une augmentation contenue.

Tertio, le prix de l’énergie lui-même. Il se divise en deux (courage, on arrive au bout) : le coût de commercialisation – qui a tendance à augmenter au même rythme que l’inflation (6 % en un an environ), et le coût de l’électricité elle-même, à savoir le coût de l’ARENH (le nucléaire historique, au prix globalement stable) et le fameux coût du marché, celui-là même qui a été multiplié par douze.

Une facture raisonnable

Conséquence de cette autopsie, « la part soumise au prix du marché reste faible, 5 à 10 % de la facture. Seule cette part sera impactée par les fortes augmentations de prix observées sur le marché de l’électricité », démontre Lamis Aljounaidi. Pas de quoi donc vous imaginer rajouter un zéro à votre facture.

Sophie Meritet, maîtresse de conférences en sciences économiques (avec HDR), spécialiste de l’énergie, rassure également : « En juillet, le mégawattheure était déjà à 800 euros sans que ça n’inquiète qui que ce soit. Il s’agit d’une panique de rentrée, mais la facture ne devrait pas tant augmenter que cela ».

Le bouclier tarifaire à la rescousse

D’autant plus avec le bouclier tarifaire. Celui-ci devrait garder les Français à l’abri, au moins en ce qui concerne les clients d’EDF. Et ce, grâce au « tarif bleu », explique Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine : le prix de l’électricité pour les particuliers est réglementé par les pouvoirs publics. Le tarif bleu est à 174 euros le mégawattheure, loin des 1.000 euros du marché.

Les fournisseurs alternatifs, comme Engie ou Total, se divisent, eux, en deux catégories : ceux qui fonctionnent au tarif réglementé d’électricité, qui sont donc aussi concernés par le bouclier tarifaire, et ceux dépendant uniquement du prix du marché. Pour ces derniers, la facture pourrait augmenter massivement. Pas décupler non plus, une fois encore : « Il y a un « amortisseur » lié au fait qu’EDF a dû vendre des quantités de son électricité nucléaire à prix « cassé » aux autres fournisseurs », précise Patrice Geoffron.

Reste que de nombreux fournisseurs alternatifs ne prennent plus de nouveaux clients, voire conseillent aux leurs de revenir vers EDF pour l’année en cours, renseigne Sophie Meritet.

Eviter les nouveaux « gilets jaunes »

Le bouclier tarifaire doit prendre fin début 2023. De quoi seulement décaler le problème ? Raphaël Boroumand, professeur d’économie à Paris School of Business, ne peut y croire : « Une augmentation de 80 % comme au Royaume-Uni, qui plongerait des millions de citoyens dans la précarité énergétique, me semble impossible. On a vu avec la crise des "gilets jaunes" comme quelques centimes sur l’essence peuvent amener les gens dans la rue. Dans un contexte social aussi tendu, jamais le gouvernement ne laissera la facture électrique autant augmenter. » Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est montré très clair ; lui et la présidente des députés Renaissance, Aurore Bergé, assurant que même en 2023, la facture d'électricité ne s'envolerait pas de 30 à 50 %. La Première ministre, Elisabeth Borne, a cependant prévenu ce mardi soir sur TMC qu’il y aurait « certainement des hausse de prix au début de l’année 2023 ».

En parallèle, de nouvelles aides, une autre solution peut être envisagée : réduire drastiquement la consommation, aka la fameuse sobriété énergétique. Idée élémentaire : si l’on n’achète plus d’électricité, elle ne nous revient pas cher. Et si la France s’autofournissait ? Pas facile. Déjà, le pays est devenu importateur net, et, au vu de l’état de son parc nucléaire – plus de la moitié des réacteurs sont à l’arrêt pour maintenance ou réparation – il risque de l’être encore, précise Patrice Geoffron, « en particulier en cas d’hiver froid », sobriété ou non.

Par ailleurs, même si la France était autosuffisante, « une part non négligeable de l’électricité passe par le marché depuis l’ouverture des marchés de l’énergie », développe Lamis Aljounaidi. Donc même en ne prenant que l’électricité française, une part de la facture serait liée à ce passage de 85 à 1.000 euros le mégawattheure.

L’électricité, la plus rentable des énergies

Malgré ces deux nuances, « une baisse de la consommation reste l’un des leviers les plus efficaces pour lutter contre la flambée des prix et diminuer la hausse de la facture. Moins on achète, plus c’est facile pour l’Etat de donner des aides », abonde Raphaël Boroumand.

Mais est-ce le sens de l’histoire ?. « La tendance est à l’augmentation de la consommation d’électricité, qui reste l’énergie la moins chère pour les ménages, comparée au gaz ou à l’essence », appuie Lamis Aljounaidi : « Ainsi, il devrait être intéressant pour les ménages d’opter pour le chauffage électrique pour baisser leur facture de gaz et de changer pour une voiture électrique ou hybride pour baisser leur coût de carburant. » En plein contresens.

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