EDUCATIONY a-t-il vraiment un prof devant chaque classe à cette rentrée ?

Rentrée scolaire 2022 : Y a-t-il vraiment un prof devant chaque classe en ce mois de septembre ?

EDUCATIONUne semaine après la rentrée, les difficultés se font déjà ressentir sur le terrain
La rentrée au lycée professionnel "Les Coteaux" à Cannes.
La rentrée au lycée professionnel "Les Coteaux" à Cannes. - SYSPEO/SIPA / Pixpalace
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, l’avait répété fin août : « Il y aura un enseignant dans chaque classe ». Une promesse faite alors qu’une crise des recrutements fait rage dans l’Education nationale.
  • Même si aucun chiffre officiel n’a été dévoilé concernant le nombre de profs manquants, les syndicats enseignants et la FCPE constatent des trous dans les emplois du temps en cette rentrée.
  • Certaines académies ont fait appel en urgence aux profs remplaçants, mais les syndicats s’inquiètent du fait qu’il ne reste plus beaucoup de personnels pour assurer les remplacements dans les mois à venir.

La promesse a-t-elle été tenue ? « Il y aura un enseignant dans chaque classe à la rentrée », avait martelé le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, fin août. Quelques jours après la rentrée, si les chiffres officiels concernant les profs manquants n’ont pas été dévoilés, le gouvernement affiche tout de même son optimisme. « Malgré un contexte de tension évidente sur les postes d’enseignants, la rentrée s’est passée dans de bonnes conditions. Dans certaines académies, la situation est même meilleure que les années passées », a ainsi déclaré mercredi Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres.

Mais sur le terrain, les équipes pédagogiques ne font pas le même constat. Même si des recrutements express de contractuels ont été faits cet été, le compte d’enseignants n’y est pas. Selon une enquête du Snes, au 3 septembre, il manquait au moins un professeur sur un poste fixe dans 62 % des établissements. Un problème qui a touché plus durement certaines académies, selon le syndicat du second degré. Sur celle de Créteil, 83 % des collèges et des lycées manquaient d’au moins un professeur, sur celle de Nantes 67 %, et sur celle de Normandie 51 %. L’académie de Guyane semble très touchée : dans 12 établissements sur 45, le Snes comptait déjà 80 postes non pourvus début septembre.

Le second degré touché en premier, le primaire pas épargné

Sur Twitter, des équipes enseignantes témoignent aussi des difficultés constatées dans leur établissement sous le hashtag #NotreVraieRentrée. Même son de cloche chez les parents d’élèves : « La promesse d’un enseignant devant chaque classe, ce n’est pas ce qui a été constaté sur le terrain. Et ce dès le 1er septembre », a déclaré vendredi Carla Dugault, coprésidente de la FCPE, lors de la conférence de presse de la première fédération de parents d’élèves. « Nous avons déjà des retours sur des enseignants qui manquent à l’appel. Surtout dans le second degré et particulièrement dans certaines matières comme les maths, la physique, les langues et même le français », complète Nageate Belahcen, coprésidente de la FCPE. « Certains contractuels n’ont reçu leur affectation qu’après la rentrée », explique aussi Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Les conséquences pour les élèves sont déjà perceptibles, via des trous dans les emplois du temps.

Le primaire n’est pas épargné non plus : « Si, le jour de la rentrée, un adulte était présent presque partout devant chaque classe, les difficultés commencent à se faire sentir dans certaines écoles », indique le SNUipp-FSU dans un communiqué. Certains départements, comme la Seine Saint-Denis ou le Val-d’Oise, seraient particulièrement touchés. Par ailleurs, certains professeurs des écoles n’exerçant pas à temps complet, il est parfois difficile de trouver un enseignant assurant le reste de leurs heures, comme le constate Catherine Nave-Bekhti : « Dans beaucoup d’écoles, des compléments de service sur des temps partiel ou des décharges* ne sont pas encore là ».

Les remplaçants appelés à la rescousse

Pour assurer les heures de classe des écoliers, certaines académies n’ont pas eu d’autre choix que de puiser dans le vivier des remplaçants, des profs titulaires dont la mission est de suppléer leurs collègues en cas d’arrêt maladie ou de congé maternité, par exemple. D’après les remontées du SNUipp-FSU, des profs remplaçants ont ainsi été envoyés dans plus de 1.000 classes pour assurer la rentrée. « En Meurthe et Moselle, 243 remplaçants sont déjà mobilisés dans des classes à l’année. Dans la Creuse, ce sont 50 % des remplaçants déjà occupés », relève le syndicat.

Le recours à ce vivier si tôt dans l’année inquiète les syndicats : « Lorsqu’on aura besoin de remplaçants au cours de l’année, il risque d’être déjà tari », s’alarme Catherine Nave-Bekhti. Le SNUipp-FSU est encore plus alarmiste : « Il y a fort à parier que dans quelques jours ou semaines, selon les départements, il ne sera plus possible de remplacer les enseignantes et enseignants en congé maladie ». Dans ce cas, les écoles n’auront plus d’autre solution que de dispatcher les élèves sans enseignant dans d’autres classes. Ce qui pénalisera leurs conditions d’apprentissage.

Pour le second degré, si plus aucun remplaçant ni contractuel n’est disponible dans une académie, il est à craindre que les élèves soient privés de certaines matières pour un temps. L’an dernier, la FCPE avait comptabilisé sur le site Ouyapacours les heures de classes « perdues ». « Il y en a eu 80.690 », indique Nageate Belahcen. En espérant que cette plateforme ne battra pas un nouveau record cette année…

* Quand un prof accomplit d’autres missions que d’enseigner, le ministère de l’Éducation nationale doit le décharger d’une fraction de ses heures devant élèves. C’est par exemple le cas des directeurs d’école.