MANIFESTATIONLe compte n’est pas bon pour les livreurs Uber Eats

Uber Eats : Les livreurs veulent se mobiliser comme jamais pour récupérer leur compte

MANIFESTATIONLa plateforme de livraison a récemment suspendu 2.500 comptes de livreurs « identifiés comme frauduleux » suscitant la colère de ces derniers
Les comptes supprimés l'ont été pour « utilisation frauduleuse », selon Uber Eats (illustration).
Les comptes supprimés l'ont été pour « utilisation frauduleuse », selon Uber Eats (illustration). - Adil Benayache/SIPA / Sipa
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Plusieurs centaines de livreurs Uber Eats ont prévu de manifester ce lundi 12 septembre dans les rues de Paris pour protester contre la suppression de 2.500 comptes.
  • Ces radiations s’expliquent par des « utilisations frauduleuses de notre application », justifie un porte-parole de la plateforme de livraison qui explique ainsi « combattre la fraude documentaire et la sous-traitance irrégulière », en accord avec le gouvernement.
  • Pour Jérôme Pimot, président du Clap 75 (Collectif des livreurs autonomes de plateformes), à l’initiative du rassemblement, « cette purge massive a été un cataclysme ». Il insiste sur le fait que « ces livreurs, même s’ils ne sont pas forcément en règles, sont des gens intégrés avec des familles. Ils ont aussi des droits. »

Après les coureurs du Tour de France le 14 juillet dernier, c’est un autre peloton qui va traverser Paris ce lundi 12 septembre. Composé de livreurs Uber Eats qui ont décidé de se grouper pour ne plus être livrés à eux-mêmes. « La principale raison de cette mobilisation est de protester contre la désactivation de 2.500 comptes de livreurs en raison de documents frauduleux », explique Jérôme Pimot, président du Clap 75 (Collectif des livreurs autonomes de plateformes), à l’initiative du rassemblement prévu à 9 heures place de la République.

A l’origine de ces radiations, la pression du gouvernement pour que les travailleurs affiliés aux plateformes de livraisons soient en règle. Un gros chantier puisque Jérôme Pimot estime qu’entre 50 % et 75 % des livreurs sur Paris sont des sans-papiers, ou pour être plus précis ne sont pas en situation régulière. « Beaucoup d’entre eux ont un titre de séjour italien vu qu’ils sont entrés en Europe par ce pays », précise le militant.

Une charte contre les travailleurs sans-papiers

Quoi qu’il en soit, des réunions avec Élisabeth Borne, alors ministre du Travail et Jean-Baptiste Djebarri, ministre des Transports, ont abouti à la signature en mars d’une charte où les quatre principales plateformes de livraison, dont Uber Eats, s’engagent à davantage lutter contre la fraude, notamment via des contrôles d’identité plus poussés. Voici ce qu’en dit un porte-parole de l’entreprise américaine :

« « Dans le cadre des engagements des plateformes de livraison auprès du Gouvernement à combattre la fraude documentaire et la sous-traitance irrégulière, nous avons mené un audit minutieux des comptes livreurs utilisant Uber Eats en France. Nous avons ainsi identifié des utilisations frauduleuses de notre application et avons pris action en désactivant ces comptes. » »

Résultat des courses, 2.500 comptes supprimés sur un total de 60.000 comptes actifs, selon les chiffres de la compagnie. En proportion, cela fait peu, mais dans l’absolu, si tous les livreurs touchés se mobilisent, ça peut faire du bruit. Et c’est un peu ce qui est en train de se passer, se félicite Jérôme Pimot : « Les gars nous ont contactés, ils étaient une petite centaine et puis c’est monté et on est aujourd’hui à plus de 700 livreurs sur la boucle Telegram. »

Les livreurs, héros oubliés du confinement

« Cette purge massive a été un cataclysme, dénonce le représentant des livreurs. Ça fait longtemps qu’Uber Eats sait que des sans-papiers travaillent pour eux et il a été bien content d’en profiter pendant le confinement pour faire décoller l’entreprise. » Jérôme Pimot reproche à cette dernière d’avoir utilisé les sans-papiers et de s’en être débarrassés quand elle n’en avait plus besoin afin de se montrer sous un jour favorable aux autorités. Une version démentie par Uber Eats qui assure avoir veillé à l’authenticité de l’identité des livreurs dès décembre 2019.

« Ces livreurs, même s’ils ne sont pas forcément en règles, sont des gens intégrés avec des familles. Ils ont aussi des droits », revendique le président du Clap 75. Ce dernier craint que les livreurs désactivés ne se tournent vers des loueurs de compte. « En moyenne, louer un compte c’est 150 euros par semaine, et si la demande s’accroît, les tarifs vont monter » redoute-t-il. Avec un revenu mensuel de 1.000 à 2.000 euros, le calcul est vite fait, la location de comptes est aussi illégale que ruineuse. De son côté, le porte-parole de l’entreprise assure qu’il existe « une procédure d’appel à laquelle les livreurs suspendus peuvent recourir ».

« Des rémunérations désastreuses »

Outre le retour sur ces radiations, les livreurs souhaitent également que les factures fournies par Uber Eats entrent en compte dans le processus de régularisation. « Il faut une mise à jour de la circulaire Valls qui ne reconnaît que les bulletins de salaire, demande Jérôme Pimot. Aujourd’hui, la plupart des sans-papiers sont des autoentrepreneurs, ce qui pose problème. » Une position que soutient officiellement la plateforme de livraison qui y voit l’occasion de réduire le phénomène de la sous-location irrégulière des comptes. « Il faut qu’Uber sorte son téléphone pour faire pression sur le gouvernement », encourage le militant, bien conscient que la pression de l’extrême droite anti-immigrée est aussi très forte.


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La manifestation qui partira de République pour rallier Bastille en passant par le boulevard Voltaire avant de finir devant les locaux d’Uber Eats rue Charloux, devrait être le plus gros rassemblement de livreurs en Europe, espère Jérôme Pimot. « Jusqu’à présent, la plus grosse mobilisation a eu lieu en Angleterre avec 200 à 300 personnes », précise-t-il. Il escompte qu’ils seront reçus par l’entreprise pour aborder leurs revendications sans oublier de « parler des rémunérations qui sont toujours désastreuses ». « Nous restons ouverts à toute discussion sur le sujet de la fraude et celui de l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité », promet le porte-parole d’Uber Eats. A voir si la discussion débouche sur des actes.

Le stationnement payant des deux-roues motorisés à Paris, l’autre coup dur

« Ce serait bien aussi de faire passer le mot aux élus de Paris », demande Jérôme Pimot. Pour le président du Clap 75, sans nier l’urgence écologique, cette mesure ajoute aux difficultés. « Avant les tarifs étaient calculés pour une livraison à vélo, mais avec les baisses de tarifs, la plupart des livreurs sont passés au scooter pour enchaîner davantage de courses et parvenir à être rentable », explique-t-il. Et malgré la hausse du prix de l’essence, le scooter thermique reste ultra-compétitif. « Un scooter neuf d’une marque chinoise, c’est 700 euros, soit le prix d’une batterie de vélo électrique », se désole Jérôme Pimot.