EMPLOILes générations Y et Z sont-elles infidèles à leur employeur ?

Emploi : Pourquoi les générations Y et Z sont-elles infidèles à leur employeur ?

EMPLOIUne matinale est organisée à Rennes pour aider les entreprises à garder leurs jeunes salariés, souvent plus mobiles que leurs aînés
Près d'un jeune sur deux avait l'intention de quitter son job dans l'année selon un sondage réalisé en 2021.
Près d'un jeune sur deux avait l'intention de quitter son job dans l'année selon un sondage réalisé en 2021. - Igor Kell/GETTY / Getty Images
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Les jeunes générations semblent moins attachées à rester longtemps dans leur entreprise, préférant changer régulièrement d’employeur.
  • Les employeurs se plaignent de ne pas réussir à fidéliser les générations Y et Z qui ont des aspirations différentes de leurs aînées. Une matinale est organisée à Rennes pour les aider.
  • La quête de sens, le sentiment d’utilité et l’ambiance au travail occupent une grande place dans l’esprit des millénials.

Qui fait encore toute sa carrière professionnelle dans la même entreprise ? Sans doute pas grand monde. La situation n’est visiblement pas près de changer avec les jeunes générations. A en croire toutes les enquêtes menées ces dernières années, les 18-35 ans ont la bougeotte et n’hésitent pas à quitter un job si l’herbe est plus verte ailleurs. Ou tout simplement parce qu’il ne leur convient pas. Un esprit libertaire qui a transformé les générations Y et Z en cauchemars pour les employeurs qui ne parviennent pas à les garder. Le phénomène déjà connu depuis des années, s’est même accéléré sous les effets de la crise sanitaire, rendant fous les services de recrutement. Comment fidéliser les plus jeunes en entreprise ? C’est le thème d’une table ronde organisée mardi 13 septembre par le réseau de missions locales We Ker. Objectif : aider les entreprises à mieux cerner les attentes des millénials.

Romane a 25 ans. Depuis la fin de ses études en communication il y a deux ans, elle a déjà enchaîné trois jobs, auxquels s’ajoute une mission bénévole. « A la fin de ma période d’essai, on me proposait un CDI mais j’ai dit non parce que j’avais une proposition ailleurs. Je me plaisais bien là-bas mais on me proposait des missions plus larges, plus de reconnaissance, plus de salaire aussi. Je n’ai pas trop réfléchi et je suis partie ». La jeune femme n’est pas la seule dans ce cas. D’après l’étude Deloitte Millenial Survey, 53 % des 18-25 ans envisageaient de quitter leur poste dans l’année. Un peu plus stables les 25-35 ans étaient tout de même 36 % dans le même cas, faisant passer leur génération pour une adepte du zapping. « Leurs aspirations sont différentes. Les moins de 25 ans ne voient plus une carrière comme une évolution linéaire pour gravir des échelons. Ils attachent une grande importance à l’épanouissement personnel, au sens de leur métier. C’est un véritable changement », explique Marlène Legay.

La psychosociologue a créé une agence de conseil appelée « Vague de sens » afin d’aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles tendances. C’est elle qui animera la matinale mardi face à des employeurs désemparés. « Les générations Y et surtout Z veulent se montrer telles qu’elles sont. Elles attendent que l’entreprise soit honnête avec elles, qu’elle soit authentique. Elles ont besoin de savoir à quoi elles vont servir », assure la jeune femme.

Le marché de l’emploi favorable… Mais pas que

Face à ces nouveaux défis, les entreprises sont nombreuses à se casser les dents, observant avec incompréhension le turnover imposé par leurs jeunes talents. « On a toujours eu du mal à recruter à cause de l’image de nos métiers qui n’attirent pas beaucoup. Mais avec les jeunes, c’est encore plus marqué. On n’a jamais autant galéré », assure Gwenola Richard, qui dirige l’agence de service à la personne APEF de Rennes.

« « On a la sensation qu’il n’y a plus de sentiment d’appartenance à l’agence ou à l’entreprise. » »

« On constate qu’ils ont plus la bougeotte. C’est aussi le marché de l’emploi qui veut ça. S’ils ont une autre opportunité ailleurs, ils n’hésitent pas à se lancer. C’est difficile quand on a passé beaucoup de temps à les recruter et les former », complète Céline Broudic, chargée de recrutement chez ITGA, où la moyenne d’âge est pourtant proche des 30 ans.

Les laboratoires du groupe d’analyse d’amiante ont pourtant travaillé sur leur attractivité en revoyant les grilles de salaire et en tentant de travailler sur le bien-être au travail. « Le salaire peut être un facteur mais ce n’est pas le premier. C’est avant tout le sentiment d’utilité qui est central. Les jeunes ont besoin que leur mission ait du sens, d’être écoutés, considérés. Avoir un baby-foot dans les bureaux, ça ne suffit pas à être cool. L’ambiance doit être bonne et ils le diront autour d’eux. Bien plus que s’ils gagnent beaucoup. Et s’ils ne se sentent pas bien, ils ne vont pas rester », assure Marlène Legay.

« « Je serais capable de tout plaquer si ça ne se passait pas bien. Je suis jeune, donc si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Je ne vais pas me prendre la tête pour du travail ». Romane, 25 ans. »


Pour certains employeurs cette « infidélité » va même jusqu’au manque de rigueur et d’honnêteté, générant des situations problématiques. « On a parfois des personnes qui ne viennent pas au travail, sans prévenir personne. C’est un casse-tête pour les plannings et ça a des répercussions sur tout le monde », assure Gwenola Richard, qui ajoute « on se demande tous les jours s’ils vont venir travailler ». D’autres ne se pointent pas à l’entretien ou snobent une formation. S’il ne faut pas généraliser ces comportements, tout le monde s’accorde à dire qu’ils sont plus fréquents. « C’est aux entreprises de poser les limites, d’imposer un cadre. Les jeunes n’ont pas conscience des attentes d’une entreprise, l’école ne les prépare à ça. On les a beaucoup chouchoutés et ils continuent avec cette représentation. Le paradoxe, c’est qu’ils manquent souvent de confiance en eux tout en ayant cette impression que tout est possible. Il faut simplement les accompagner », conclut la psychosociologue. Les chouchouter oui, mais sans les materner. Pas si simple.