ELEVESPourquoi Pap Ndiaye veut-il booster l’éducation à la sexualité ?

Rentrée des classes 2022 : Pourquoi Pap Ndiaye veut-il relancer l’éducation à la sexualité ?

ELEVESCensée être obligatoire du CP à la terminale, l’éducation sexuelle est bien souvent oubliée dans les emplois du temps
L'éducation à la sexualité n'est pas assez dispensée dans les établissements, bien que la loi impose 3 séances par an sur le sujet.
L'éducation à la sexualité n'est pas assez dispensée dans les établissements, bien que la loi impose 3 séances par an sur le sujet.  - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Bien que la loi de 2001 prévoie trois séances annuelles d’éducation à la sexualité du CP à la terminale, rares sont les élèves qui y ont droit.
  • D’où la volonté du ministre de l’Education de relancer ces séances, notamment en accompagnant mieux les enseignants dans la préparation de leurs séquences pédagogiques.
  • Le ministère s’attend à des réactions vives de la part de certains opposants. Eric Zemmour a notamment donné le ton dernièrement.

«Nous devons parler de sexualité à l’école », a affirmé le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, lundi sur France Info. Lui emboîtant le pas, Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), a également plaidé le lendemain pour le développement de l’éducation sexuelle à l’école. « Il faut s’y prendre le plus vite possible, dès le primaire, il y a des enseignements à faire, adaptés à chaque âge, pour que dès l’enfance, l’égalité, le respect, le consentement soient intégrés dans les psychologies », a-t-elle déclaré à l’Assemblée, où elle était auditionnée.

Certes depuis 2001, l’éducation à la sexualité est obligatoire dans les écoles, collèges et lycées : un minimum de trois séances annuelles doivent être organisées. Celles-ci « contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines », précise le texte de loi. Elles peuvent être dispensées par des enseignants, des infirmiers ou médecins scolaires, ou bien encore des intervenants extérieurs agréés par l’Education nationale.

« Certains enseignants ne sont pas très à l’aise pour aborder la question »

Mais force est de constater que ces séances passent souvent à l’as, comme l’a lui-même reconnu le ministre. « Il y a de grandes variations selon les écoles, les classes, les territoires », a-t-il déclaré sur France Info. Selon nos informations, un rapport de l’Inspection tirant les mêmes conclusions sortira le 22 septembre. Une enquête de #NousToutes, publiée en février dernier *, alertait d’ailleurs déjà sur le sujet : à la fin du secondaire, les élèves ont suivi en moyenne moins de 3 des 21 séances obligatoires du CP à la terminale. La majorité de ces séances étant dispensées par l’enseignant de SVT, durant les années de collège. De plus, selon l’étude, « les thématiques psycho-émotionnelles et juridiques ne sont quasiment pas abordées, laissant la place à une approche purement biologique de la vie affective et sexuelle ».

Interrogé par 20 Minutes sur les raisons expliquant la faiblesse de cette éducation sexuelle, l’entourage de Pap Ndiaye avance plusieurs explications : « Certains enseignants ne sont pas très à l’aise pour aborder la question ou redoutent des réactions hostiles de parents d’élèves. D’autres considèrent qu’ils ont déjà beaucoup à faire pour boucler les programmes et jugent cet enseignement optionnel, alors qu’il ne l’est pas ». Selon Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT, c’est aussi une question de volontarisme politique local : « Tout dépend de la manière dont les académies s’emparent du sujet. Celle de Créteil, par exemple, est très active. D’autres le sont moins. Par ailleurs, certains établissements privés font le choix idéologique de ne pas aborder la question ou le font de manière biaisée, comme on l’a vu à Stanislas l’an dernier ». Dans un document publié à la rentrée, le HCE dénonce aussi « des cas graves de désinformation des élèves sur l’éducation à la sexualité et à la contraception » dans « des établissements privés sous contrat. »

Une aide pédagogique sera apportée aux enseignants

Ce manque d’éducation à la sexualité a des conséquences importantes pour les jeunes. « Lutter contre l’ignorance et l’envahissement de la pornographie dans les sphères adolescentes, ou même chez les plus jeunes, c’est une urgence. Si on ne fait rien, on prépare les violences et féminicides de demain », estime Sylvie Pierre-Brossolette. Pap Ndiaye a aussi insisté sur les enjeux d’une meilleure éducation sexuelle à l’école : « Nous devons améliorer cette situation à la fois pour des objectifs de santé publique, comme faire reculer les grossesses précoces ou lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, mais aussi pour des objectifs plus généraux liés aux luttes contre les discriminations, les violences sexuelles et sexistes… », a-t-il rappelé sur France Info.

Et le ministre a déjà une petite idée de la manière dont il veut s’y prendre : « Il va travailler pour construire de nouveaux outils pour les enseignants », explique à 20 Minutes son entourage. C’est-à-dire des documents pédagogiques pour les aider à aborder la question en classe. Seront aussi imaginées « de nouvelles séquences pédagogiques autour de la littérature jeunesse ». « Car c’est bien en accompagnant mieux les enseignants qu’ils pourront aborder plus facilement le sujet ». C’est aussi pour cela que le HCE préconise « la constitution d’un corpus adapté à chaque classe d’âge en s’appuyant sur le travail et les outils développés par les associations qui savent, au contact des élèves, moduler le format de leurs interventions ».

Reste que le sujet est explosif, et le ministre sait déjà qu’il devra affronter les critiques de ceux qui ne veulent pas que le sujet soit abordé à l’école. L’ex-candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle Eric Zemmour a déjà lancé la polémique : « Ne laissez pas à des intervenants extérieurs expliquer à votre fille de 6 ans que si elle souhaite, elle peut devenir un garçon », a-t-il lancé à ses partisans dimanche dernier. « Je veux des vigies dans chaque école », a-t-il insisté. « Certains ne partagent pas notre vision de ce que doit être l’école de la République. Mais cela ne doit pas nous faire renoncer à relancer l’éducation sexuelle », insiste l’entourage du ministre.

* Enquêté réalisée en ligne auprès de 10.938 personnes ayant effectué au moins une année au collège ou au lycée depuis 2001.